Droit des migrations

ATF 145 II 105 (f)

2018-2019

Art. 51 LAsi ; 47 LEI

Dans cet arrêt se pose la question – pas réglementée par le législateur et non discutée en doctrine – de savoir quelle est l’influence du dépôt d’une demande de regroupement familial selon l’art. 51 LAsi sur le respect des délais de l’art. 47 LEI. En l’espèce, le recourant a déposé une demande de regroupement familial selon la LAsi deux mois après avoir été fixé sur son propre droit de séjour. Cette dernière n’ayant pas abouti, il a déposé une demande de regroupement familial fondée sur la LEI pour laquelle on lui a reproché d’avoir agi hors délai. Le premier point à relever est que la LEI est subsidiaire par rapport à la LAsi (cf. art. 2 al. 1 LEI, 58 LAsi). La personne étrangère qui peut prétendre à un regroupement familial selon la LAsi peut choisir de passer par cette procédure, avant de déposer, en cas de refus, une demande basée sur le régime ordinaire. Faire abstraction, dans le calcul des délais de l’art. 47 LEI, de la demande de regroupement familial fondé sur la LAsi, reviendrait à exiger que les personnes étrangères déposent en tous les cas également une demande fondée sur la LEI. Paradoxalement, en procédant ainsi, le requérant pourrait se voir opposer qu’il n’a pas respecté le caractère subsidiaire de la LEI et l’autorité cantonale devrait également suspendre cette dernière jusqu’à droit connu de la procédure fondée sur la LAsi. Dès lors, il convient de prendre en considération, pour calculer le respect des délais de l’art. 47 LEI, la demande de regroupement familial de la LAsi, considérée par le TF comme une première demande de regroupement familial. Les délais sont donc réputés respectés si la première demande infructueuse à la LAsi a été déposée dans les délais et que la deuxième intervient également dans les délais ; l’élément déterminant les faisant renaitre, étant, pour la seconde demande, l’entrée en force de la décision définitive de refus de regroupement familial selon la LAsi. En l’espèce, ces délais ont été respectés et le recours est admis.

Art. 29 al. 2 Cst. ; 43 et 47 LEI

Cet arrêt concerne un ressortissant kosovar dont la naturalisation est déclarée nulle, remis au bénéfice d’une autorisation de séjour, puis d’une autorisation d’établissement. Il dépose à ce moment une demande de regroupement familial pour ces deux enfants sur laquelle le service des migrations du canton de Bâle-Ville refuse d’entrer en matière, le recourant lui ayant déjà soumis plusieurs demandes de regroupement familial toutes refusées. Ce dernier se plaint à cet égard d’une violation de l’art. 29 al. 2 Cst. Selon cet article, les autorités ne sont tenues d’entrer en matière sur une nouvelle demande que s’il y a eu un changement notable de circonstances. Le TF examine donc si le changement de statut (de l’autorisation de séjour à celle d’établissement) a fait partir un nouveau délai pour le regroupement familial (cf. art. 47 LEI). Si tel est le cas, le changement de statut doit être considéré comme un changement notable de circonstances. Tel est en général le cas. Cependant, le cas qui nous occupe a cela de particulier que le recourant a pendant la courte période où il était naturalisé déjà eu un droit – dont il n’avait pas fait usage – au regroupement familial. Afin de déterminer si le changement de statut a fait courir un nouveau délai, il faut distinguer deux situations, à savoir, si pendant la période où le requérant était au bénéfice d’un droit, le délai est arrivé à échéance ou non. Dans le premier cas, le fait d’être à nouveau au bénéfice d’un droit ne fait pas partir un nouveau délai puisqu’il n’y a pas vraiment de changement notable de circonstances. Dans le second cas par contre, il en va inversement. En effet, en ne faisant pas partir un nouveau délai, les requérants concernés seraient au bénéfice d’un délai plus court que les autres requérants sans qu’il n’y ait de justifications objectives. Le fait que le requérant concerné soit en premier lieu responsable de la perte d’un droit ne constitue pas un motif objectif puisque le but du regroupement familial est de respecter la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH). Le recourant se plaçant dans la deuxième catégorie, l’autorité aurait dû entrer en matière sur la demande de regroupement familial. Elle a dès lors violé l’art. 29 al. 2 Cst. et le recours est donc admis.

Art. 8 CEDH

Dans cet arrêt, le TF doit se pencher sur la question de savoir si la recourante et sa fille majeure, ressortissantes malgaches, peuvent se prévaloir d’un droit à une autorisation de séjour pour cette dernière, fondé sur l’art. 8 CEDH. Afin d’évaluer s’il existe un droit potentiel à l’autorisation de séjour sur la base de l’art. 8 CEDH, le TF arrête l’âge de la personne requérante au moment où il statue. Cela découle d’une jurisprudence constante et bien établie. La recourante étant majeure et ne faisant pas état d’une relation de dépendance particulière avec sa mère, le recours devrait être déclaré irrecevable faute de droit à se prévaloir d’une autorisation (art. 83 let. c ch. 2 LTF). Cependant, le TF tient compte que, dans un arrêt de 2018, le TAF s’est distancié de cette pratique et tant le TAF que les recourantes font référence à cette nouvelle pratique. Dans cet arrêt F-3045/2016, le TAF a jugé qu’un éventuel droit au regroupement familial basé sur l’art. 8 CEDH ne s’éteignait pas si l’enfant devenait majeur en cours de procédure. Dès lors, le moment déterminant pour l’âge serait celui du dépôt de la demande et non pas celui du moment où est rendu le jugement comme l’applique le TF. Le TF se pose donc la question de savoir s’il veut opérer un changement de jurisprudence sur cette base. Il commence par examiner les origines et les motifs de la pratique en cause (consid. 5), puis s’il existe des motifs justifiant un changement de jurisprudence (consid. 6). Finalement, il conclut qu’il n’existe aucun élément objectif nouveau qui justifierait un revirement de jurisprudence. Il confirme ainsi la pratique consistant à déclarer irrecevables les recours en matière de droit public déposés par un enfant majeur ou son parent en vue de faire reconnaitre un regroupement familial fondé sur l’art. 8 CEDH, comme tel est le cas en espèce. Cependant, il précise encore que ce raisonnement découle des règles de procédure de la LTF et que la voie de recours au TAF remplit d’autres fonctions que celles du recours en matière de droit public. En effet, ce dernier doit fournir une voie de recours effective aux personnes étrangères. Dès lors, le présent arrêt n’empêche pas au TAF de garder sa nouvelle pratique.

Art. 44, 99 LEtr et 8 CEDH

Changement de jurisprudence. Dans cette affaire évoluant dans le cadre de la procédure d’approbation, le point juridique déterminant est de savoir si le recours des autorités prévu par l’art. 89 al. 2 let. a LTF – in casu le SEM – est ouvert car la recourante peut se prévaloir d’un droit à une autorisation ou si, à l’inverse, seule la procédure d’approbation entre en considération. Le TAF rappelle les conditions d’un revirement de jurisprudence ainsi que la jurisprudence pertinente concernant le moment déterminant à prendre en considération concernant l’âge de l’intéressé (consid. 5-7). La jurisprudence actuelle veut que le moment déterminant concernant l’âge de la personne qui invoque un droit au regroupement familial basé sur l’art. 8 CEDH est celui qu’elle a au moment du rendu de la décision. La solution inverse est retenue pour un droit basé sur le droit interne puisque le moment déterminant est celui du dépôt de la demande de regroupement familial. Le fait de subordonner l’existence d’un droit à la durée de la procédure peut porter atteinte à la sécurité et à la prévisibilité du droit, au principe de la bonne foi ainsi que constituer une inégalité de traitement en faisant peser sur l’intéressé la durée de la procédure sur laquelle il ne peut avoir que très peu d’influence. Au vu de toutes ces considérations, il se justifie de modifier la jurisprudence et d’admettre que le droit au regroupement familial ne doit pas s’éteindre lorsque l’enfant qui pouvait s’en prévaloir sur la base de l’art. 8 CEDH devient majeur en cours de procédure. Dès lors, le SEM qui entendait contester la décision aurait dû déposer un recours en matière de droit public auprès du TF plutôt que de court-circuiter la procédure d’octroi de l’autorisation par le biais de la procédure d’approbation.

Art. 42, 47 LEtr

Cet arrêt pose la question des conditions auxquelles une autorité est tenue d’entrer en matière sur une demande de reconsidération d’une décision de refus d’un regroupement familial. Le TF rappelle tout d’abord qu’un motif de révocation « ne peut pas indéfiniment faire obstacle à l’octroi d’une (nouvelle) autorisation » et que la jurisprudence a retenu qu’un nouvel examen peut être demandé après un délai de cinq ans – à compter de la date d’entrée en force du refus initial – à condition que la personne ait respecté son obligation de quitter la Suisse. Il faut en outre pouvoir démontrer une modification notable des circonstances ou l’existence d’un cas de révision. En l’occurrence, la décision initiale est entrée en force le 21 mars 2017 et la demande de reconsidération est déposée le 28 avril 2017. Le TF juge ce délai beaucoup trop court pour qu’un changement de circonstances à même de justifier une reconsidération bien avant le délai de cinq ans ait pu se produire. Ce d’autant moins que le recourant n’a pas respecté l’obligation de quitter la Suisse. Notons encore que le Tribunal confirme le fait que le délai de cinq ans prévu pour le regroupement familial (art. 47 LEtr) ne saurait être opposé à une personne ayant déjà essuyé un premier refus dans la mesure où cela viderait de son sens le droit de déposer une demande de reconsidération après avoir fait ses preuves durant cinq ans dans son pays d’origine.

Art. 85 al. 7 LEtr

žLe TAF reprend la jurisprudence du TF au sujet de cette question posée en relation avec l’art. 85 al. 7 LEtr : la personne à regrouper doit-elle impérativement se trouver à l’étranger ? Non, désormais. La venue illégale en Suisse du membre de la famille concerné par le regroupement familial n’empêche pas, selon la jurisprudence développée par le TF et le TAF au sujet des art. 42 et ss. LEtr, que la demande de regroupement puisse être admise lorsque l’intérêt primordial de l’enfant au regroupement familial l’emporte sur l’intérêt public à son refus. Dès lors, il n’y a pas de motifs permettant de motiver un raisonnement différent lorsque la demande est fondée sur l’art. 85 al .7 LEtr. La demande d’inclusion dans l’admission provisoire d’un ressortissant étranger ne soulève aucune question au regard de la LAsi, de sorte que les conditions spécifiques y afférentes (notamment les art. 44 et 51 LAsi, ainsi que l’art. 74 al. 5 OASA) ne trouvent pas à s’appliquer (cf. consid. 3.6 de l’ATF 141 I 49).

Art. 47 LEtr

Dans cette affaire se pose la question du délai pour déposer une demande de regroupement familial. Les Juges fédéraux observent que pour sauvegarder le délai prévu pour le regroupement familial, la personne concernée doit uniquement avoir déposé une demande en ce sens, qu’il n’est cependant pas nécessaire qu’elle forme un recours contre une éventuelle décision négative. Le TF rappelle ensuite qu’en cas de décision négative sur une première demande de regroupement familial, la famille conserve la possibilité de former une nouvelle demande lorsque sa situation juridique s’est améliorée et cela même après l’échéance des délais consacrés à l’art. 47 LEtr. Il faut toutefois que la première demande infructueuse ait été déposée dans ces délais et que la seconde demande intervienne également dans ces délais. En l’espèce, la première demande de regroupement familial a été déposée dans les délais prévus par la loi. En outre, la situation juridique du recourant n’était plus « en suspens » depuis l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur en octobre 2012, puisqu’il avait désormais la possibilité de former une nouvelle demande de regroupement familial fondée sur l’art. 44 LEtr. Enfin, la deuxième demande déposée en juillet 2014 (soit moins de cinq ans après l’octroi de l’autorisation de séjour en octobre 2012) est également intervenue dans le délai prévu par la loi. En conséquence, le recours est admis et l’autorité cantonale est invitée à délivrer une autorisation de séjour à l’épouse de l’intéressé (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2016 II, p. 139).

ATAF 2012/32 (d)

2012-2013

Art. 51 al. 1 et 4 LAsi

Le regroupement familial au sens de l’art. 51 LAsi requiert la réalisation de deux conditions : la séparation par la fuite et l’absence de circonstance particulière ne s’opposant pas à l’octroi de l’asile familial. En effet, le but de cette institution est de « permettre de recomposer une communauté familiale séparée par la fuite et non pas de créer de nouvelles relations ou reprendre des relations terminées ». Pour le TAF, « un réfugié qui constitue une communauté de vie analogue au mariage avec une nouvelle compagne et qui fonde avec elle une famille met tacitement fin à sa relation avec son épouse restée au pays. Les conditions pour autoriser cette dernière à entrer en Suisse ne sont dès lors pas remplies ». Par ailleurs, il juge que le fait « d’invoquer une nouvelle communauté de vie analogue au mariage et vécue comme telle pour rester en Suisse constitue une circonstance particulière justifiant le refus d’octroi de l’asile familial à l’épouse ».

ATF 137 II 393

2011-2012

Art. 47 al. 1 et 3 let. b, art. 126 LEtr, art. 73 OASA

Selon la Haute Cour, les étrangers qui ont sans succès sollicité une première demande de regroupement familial alors qu’ils ne disposaient d’aucun droit à cet égard peuvent, lors de la survenance d’une circonstance leur ouvrant un tel droit, former une nouvelle demande, pour autant que la première ait été déposée dans les délais de l’art. 47 LEtr (art. 73 OASA) et que la seconde demande intervienne dans ces mêmes délais à compter de l’ouverture du droit.