Droit des migrations

Art. 1C CR ; 63 LAsi

Cet arrêt concerne un citoyen de l’ancienne Province autonome socialiste du Kosovo ayant déposé une demande d’asile en Suisse au début des années 1990. Le SEM lui retire la qualité de réfugié au motif que les circonstances ayant permis la reconnaissance de ladite qualité ont disparu et que la situation au Kosovo a profondément changé depuis lors. Le TAF commence par se pencher sur les conditions relatives à la citoyenneté en République du Kosovo. Cette dernière peut être obtenue sur simple demande s’il est attesté que la personne est née sur le territoire de la République. Dès lors, il s’agit d’une reconnaissance quasi automatique et non pas d’une naturalisation au sens strict. Si, à la suite d’un changement substantiel de la situation dans le pays d’origine, il est à nouveau possible de se réclamer de la protection de l’Etat concerné, la protection internationale n’a plus lieu d’être et la qualité de réfugié peut être retirée (cf. art. 1C ch. 5 CR). Cet arrêt confirme l’arrêt de référence D-1213/2011 du 30 janvier 2015 dans lequel le TAF avait constaté que la situation au Kosovo avait foncièrement changé pour les personnes d’ethnie albanaise. Dès lors, le recours est rejeté.

Art. 63 al. 1 LAsi ; 1 C ch. 1-6 CR

Cet arrêt s’intéresse au cas d’un Somalien qui, suite à son mariage avec une Somalienne reconnue comme réfugiée avec asile en Suisse, reçoit l’asile et le statut de réfugié à titre dérivé. Après qu’il se soit fait contrôler à l’aéroport de Zurich avec un billet d’avion pour Mogadiscio, le SEM lui accorde le droit d’être entendu puis lui retire l’asile et la qualité de réfugié pour s’être à nouveau placé sous la protection de son pays d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi en lien avec l’art. 1 C ch. 1 CR). La question est de savoir si les personnes ayant reçu la qualité de réfugié et l’asile à titre dérivé doivent être traitées différemment que les réfugiés à titre originaire. Pour le TAF, l’art. 1 C CR ne fait pas de différence donc les trois conditions posées par la jurisprudence pour l’application de l’art. 1 C ch. 1 CR doivent être remplies. A savoir : 1) être entré en contact volontairement avec les autorités du pays d’origine ; 2) avoir eu pour but de demander la protection de ce pays ; 3) avoir effectivement reçu cette protection. Dans l’examen de la troisième condition, le fait que la personne n’ait reçu le statut de réfugié et l’asile qu’à titre dérivé et donc l’absence de persécution personnelle peut être pris en compte. En l’occurrence, le TAF estime qu’il est rentré volontairement dans son pays d’origine et qu’il est par conséquent considéré comme ayant cherché la protection de ce pays. Il n’existe de plus aucun indice que les autorités somaliennes lui aient refusé cette protection.

Art. 3 LAsi

Le TAF a reconnu la persécution collective des Yézidis de la province de Ninawa en Irak. Les Yézidis de cette province sont victimes, depuis la prise de pouvoir de l’Etat islamique (EI) en 2014, de persécutions systématiques. Dans la mesure où le risque de persécution de l’EI vise tous les membres de la communauté yézidie, chaque Yézidi a une crainte fondée de persécution du seul fait de son appartenance à cette religion. Une persécution collective des Yézidis doit donc être admise dans la province de Ninawa.

TAF D-668/2014

2015-2016

Art. 3, 7 LAsi

Les recourants sont des ressortissants syriens d’ethnie kurde qui ont demandé l’asile en Suisse le 25 juillet 2010. Le mari explique que le fils de l’oncle de son père aurait tué trois arabes pour des questions de territoire et qu’il se serait enfui. Les autres membres de la famille se seraient également enfuis, par peur de représailles, se trouvant depuis lors au cœur d’une vendetta. Le mari serait également recherché par les autorités syriennes : il serait enregistré en tant qu’opposant au régime et partisan du PKK. Pour cette raison, il aurait été arrêté par les forces de sécurité du pays et aurait été mis en prison à plusieurs reprises. Le couple aurait par ailleurs été politiquement actif en Suisse et aurait participé à de nombreuses manifestations contre le régime syrien. Par décision du 31 décembre 2013, le SEM rejette la demande d’asile de la famille considérant que leurs déclarations ne remplissent pas les exigences de vraisemblance posées par l’art. 7 LAsi. Il prononce l’admission provisoire, l’exécution du renvoi n’étant pas raisonnablement exigible. Saisi d’un recours, le TAF observe que le mari a démontré de manière détaillée et sans contradiction flagrante qu’il a été arrêté à quatre reprises par les forces de sécurité du pays, détenu pendant plusieurs jours en prison et maltraité par les autorités syriennes. Il a pu démontrer de manière convaincante quand, où et pour quelles raisons il a été arrêté, qui de sa famille était présent, comment l’arrestation s’est déroulée, comment il a été torturé et les raisons pour lesquelles il a été libéré. Le TAF rappelle également que la situation actuelle en Syrie est de plus instable. Les personnes identifiées par les forces de sécurité comme s’opposant au régime syrien risquent en effet la persécution au sens de l’art. 3 LAsi. Une alternative de fuite interne dans une autre région du pays ne paraît, par ailleurs, pas exigible. Dans ces conditions, le TAF conclut que les recourants doivent être reconnus comme réfugiés et mis au bénéfice de l’asile (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 174).

TAF E-3656/2014

2014-2015

Art. 3 LAsi ; 9 Cst.

A. dépose une demande d’asile en Suisse le 1er décembre 2011. Il explique être né en Érythrée et avoir la nationalité de cet État mais avoir vécu en Éthiopie dès son plus jeune âge. Par décision du 28 mai 2014, le SEM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure. Saisi d’un recours, le TAF observe que le SEM semble admettre que A. est de nationalité érythréenne. Dans sa décision, il désigne en effet cet État comme pays d’origine de l’intéressé. Toutefois, lorsqu’il se prononce sur la qualité de réfugié du recourant, le SEM examine la vraisemblance des motifs invoqués vis-à-vis de l’Éthiopie. Or, pour les juges administratifs fédéraux, « [c]’est le lieu de rappeler que le recourant n’étant pas apatride, l’examen de la qualité de réfugié doit avoir lieu, conformément à l’art. 3 LAsi, vis-à-vis de son État d’origine, et non vis-à-vis du pays de sa dernière résidence ». Le SEM se réfère également à l’Éthiopie lorsqu’il examine si l’exécution de son renvoi est licite, exigible et possible. Dans ce cadre, le Secrétariat d’État estime tantôt que l’Éthiopie est un État tiers dans lequel A. est habilité à résider, tantôt qu’elle est son État de dernière résidence, tantôt qu’elle est son État d’origine. Le TAF considère ainsi que « la décision attaquée présente une contradiction interne, qui ne peut être éliminée, ou tout au moins une ambiguïté irrémédiable, rendant impossible un examen par le tribunal de son bien-fondé. L’ambiguïté, voire la contradiction dans la motivation de la décision attaquée doivent être qualifiées d’arbitraires et conduisent ainsi à une violation de l’art. 9 Cst. ». Le recours est donc admis et la cause renvoyée au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 202).

TAF D-3623/2013

2013-2014

Art. 2, 3 et 44 LAsi ; 33 CR

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF de souligner à quel point la situation au Soudan est critique pour toute personne soupçonnée, à tort ou à raison, de soutenir l’opposition ou un groupe rebelle. Les étudiants, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les personnes actives dans les ONG ou encore celles travaillant au sein des agences de l’ONU sont surveillées, intimidées, voire torturées. De plus, les services de renseignement surveillent les activités politiques des ressortissants soudanais en exil.

La qualité de réfugié doit ainsi être reconnue à un demandeur d’asile soudanais membre du SLM (Soudan Liberation Movement) ayant donné une conférence à l’ONU en Suisse et ayant été interrogé par des journalistes. Pareil profil politique est en effet susceptible d’avoir été perçu par les forces de sécurité soudanaises et d’avoir suscité des soupçons auprès d’elles.

TAF D-7259/2013

2013-2014

Art. 2, 3 et 7 LAsi

A., un ressortissant érythréen, dépose une demande d’asile en Suisse le 15 novembre 2012. Il explique être un curé orthodoxe engagé pour l’indépendance de sa communauté religieuse. En 2008, les services secrets auraient procédé à une perquisition à son domicile et auraient découvert un document critique envers le gouvernement, qu’il aurait rédigé en vue d’une publication. À la suite de cette découverte, il est interrogé durant une semaine.

Un mois plus tard, un parent de sa femme l’informe que son arrestation est prévue. Il décide alors de quitter le pays, mais sa tentative échoue et il est mis en détention. Il parvient finalement à s’enfuir et rejoint la Suisse. Par décision du 25 novembre 2013, l’ODM reconnaît la qualité de réfugié de A., mais refuse de le mettre au bénéfice de l’asile, considérant que son récit comporte des incohérences. Saisi d’un recours, le TAF examine les différents éléments d’invraisemblance retenus dans la décision attaquée.

Contrairement à l’ODM, le Tribunal estime plausible que le recourant ait subi un interrogatoire durant une semaine en 2008 et qu’il n’ait été arrêté qu’un mois plus tard. De même, le fait qu’il ait été averti de son arrestation imminente par un proche n’est pas irréaliste. Enfin, les juges administratifs fédéraux considèrent que ses allégations en lien avec la rédaction de son livre sont crédibles et qu’elles coïncident avec différents rapports établissant la mise en détention de plusieurs ecclésiastiques.

Dans ces circonstances, le TAF admet le recours de l’intéressé et le met au bénéfice de l’asile.

ATAF 2013/11 (d)

2012-2013

Art. 3 LAsi ; art. 1 A CR

Arrêt de principe:

Le TAF examine la situation des Yézidis en Turquie et opère un changement de jurisprudence par rapport à la décision JICRA 1995 no 1. Il juge désormais que « la communauté yézidie en Turquie ne fait pas l’objet d’une persécution collective au sens de la jurisprudence ».

ATAF 2013/12 (d)

2012-2013

Art. 3 LAsi

Selon le TAF « les chrétiens du centre de l’Irak ne subissent pas de persécution collective au sens de la jurisprudence ».

ATF 138 II 513 (d)

2012-2013

Art. 2 al. 1, art. 3, 6a et 7 LAsi

La qualité de réfugié est niée à un ressortissant de Macédoine appartenant au groupe ethnique des Roms, car il aurait pu faire appel aux autorités de son pays pour obtenir protection.

ATAF 2011/29

2011-2012

Art. 1 F let. b CR, art. 53 LAsi

En principe, la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être examinée avant l’exclusion de cette qualité (« inclusion before exclusion ») (art. 1 F let. b CR). On ne peut imputer de manière globale à un membre du commandement des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) tous les délits de cette organisation ; il faut au contraire tenir compte de sa position et de son influence personnelles. En l’espèce, les actes imputables au recourant (participation à des attaques contre des camps de l’armée et affrontements armés avec des soldats) sont considérés comme des délits politiques et, par conséquent, les conditions pour l’exclusion de la qualité de réfugié au titre de l’art. 1 F let. b Conv. réfugiés ne sont pas remplies. La notion d’actes répréhensibles au sens de l’article 53 LAsi vise également des infractions qui ne tombent pas sous le coup de l’art. 1 F let. b CR. Elle correspond à la notion de crime de l’art. 10 al. 2 CP. En l’espèce, l’indignité du recourant est admise en raison du soutien logistique et militant qu’il a accordé aux LTTE pendant des années (art. 53 LAsi).

ATAF 2011/51

2011-2012

Art. 1 A ch. 2 CR et art. 3 LAsi

Le Tribunal administratif fédéral relève dans cet arrêt que la reconnaissance de la qualité de réfugié ne dépend pas de l’auteur de la persécution, mais de la possibilité d’obtenir, dans l’Etat d’origine, une protection adéquate contre cette persécution (théorie de la protection). La qualité de réfugié ne peut pas être niée à la personne qui a subi une persécution dans une partie du pays, au motif que celle-ci disposerait d’une possibilité de protection interne dans une autre partie du pays, si elle se retrouvait, au lieu de la protection interne, dans une situation menaçant son existence (précision de la jurisprudence).