Droit des migrations

ATF 143 II 113 (d)

2016-2017

Art. 79 LEtr

Pour calculer la durée totale maximale admissible d’une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers, il faut, en cas de détentions multiples, additionner les durées de détention d’une seule et même procédure de renvoi. Par contre, si la mise en détention intervient dans le cadre d’une nouvelle procédure de renvoi – indépendante des procédures antérieures – les délais légaux recommencent à courir et une détention est à nouveau admissible pour la durée maximale prévue (consid. 3.1-3.3).

Art. 76a LEtr

Cet arrêt concerne un ressortissant camerounais qui fait l’objet d’une mise en détention en vue du renvoi dans le cadre d’une procédure Dublin. Saisi d’un recours contre la décision de mise en détention fondée sur l’art. 76a al. 1 LEtr, le TF rappelle qu’en vertu de cette disposition, un étranger peut être mis en détention afin d’assurer son renvoi dans l’Etat Dublin responsable lorsque des éléments concrets font craindre que l’étranger concerné entende se soustraire au renvoi, la détention est proportionnée et d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace. Une mise en détention peut notamment être justifiée lorsque l’étranger en question ne respecte pas son devoir de collaboration (art. 76a al. 2 LEtr). Dans le cas particulier, l’autorité a considéré qu’il était nécessaire d’assurer le renvoi par une détention, puisqu’elle craignait que l’intéressé entende se soustraire au renvoi, compte tenu en particulier de son refus d’obtempérer aux décisions des autorités (art. 76a al. 2 let. b LEtr) et du fait qu’il a omis de mentionner le dépôt d’une demande d’asile dans un autre Etat Dublin (art. 76a al. 2 let. i LEtr). Les Juges fédéraux estiment que la mise en détention était effectivement nécessaire eu égard au comportement du recourant qui se trouve dans l’Espace Schengen sans autorisation depuis plus d’une année et a systématiquement essayé de cacher sa présence aux autorités, notamment à travers l’utilisation de faux papiers d’identité. Compte tenu de ce comportement, on ne saurait reprocher à l’autorité intimée d’avoir considéré qu’il existait un risque concret que l’intéressé tente de se soustraire au renvoi au sens de l’art. 76a al. 1 let. a LEtr. En outre, la mesure respecte le principe de la proportionnalité. En conséquence, le recours est rejeté en ce qui concerne la question de la conformité au droit de la mise en détention en vue du renvoi. Cela étant, le recours est admis en ce qui concerne la question du refus d’octroi de l’assistance judiciaire devant l’autorité intimée, eu égard aux garanties de procédure contenues dans le règlement Dublin III en relation avec la directive UE 2013/33. L’art. 9 al. 6 de cette directive ne permet en effet pas de soumettre l’octroi de l’assistance judiciaire à la condition que le recours ne soit pas dénué de chances de succès. Dans la mesure où le règlement Dublin renvoie explicitement à la directive précitée, la règlementation prévue par les dispositions en question fait partie de l’acquis applicable en Suisse. En conséquence, l’autorité inférieure aurait dû examiner l’indigence de l’intéressé et le cas échéant, lui octroyer l’assistance judiciaire. Partant, sur ce point, l’affaire est renvoyée à l’autorité intimée pour nouvelle décision (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 65).

Commentaire
(publication prévue)

ATF 137 I 23

2010-2011

Art. 64 al. 2, art. 80 al. 2 et 5 LEtr, art. 5 § 4 CEDH et art. 31 al. 4 Cst.

Détention administrative. Le juge saisi d’un recours contre une décision formée au sens de l’art. 64 al. 2 LEtr et d’une demande de libération immédiate qui décide de ne pas entrer en matière car il considère qu’il n’existe pas encore d’examen judiciaire de la détention au sens de l’art. 80 al. 2 LEtr et qu’une demande de mise en liberté d’après l’art. 80 al. 5 LEtr ne peut être déposée au plus tôt qu’un mois après la détention, agit en méconnaissance des art. 5 § 4 CEDH et 31 al. 4 Cst. qui énoncent que toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de la détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

TF 2C_386/2010

2009-2010

Dans le TF 2C_386/2010 du 1er juin 2010, le TF a été amené à statuer sur une affaire concernant un ressortissant du Bangladesh ayant vu sa demande d’asile rejetée et son renvoi de Suisse prononcé définitivement. Ce dernier a été interpellé le 25 novembre 2009 et placé en détention administrative car s’opposant successivement à son renvoi par avion de ligne, puis par vol avec escorte policière. En attendant un renvoi par vol spécial, sa détention a été prolongée le 22 mars 2010 jusqu’au 25 avril en raison de la suspension momentanée des vols spéciaux par l’ODM. Pour le TF, la décision attaquée constatant que l’organisation d’un vol spécial pour le Bangladesh est toujours en cours et qu’un renvoi serait possible dans la deuxième partie du mois d’avril était manifestement inexacte. En effet, les vagues suppositions de l’ODM sur la reprise des vols spéciaux ne pouvaient pas suffire à déterminer que l’exécution du renvoi était envisageable dans un délai prévisible. Dès lors, cette exécution du renvoi était, à ce moment-là, frappée d’une impossibilité au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, de sorte que la détention ne devait pas être prolongée (consid. 5.5). Le recours a donc été admis.

ATAF C-2918/2008

2008-2009

Art. 66 LEtr

La LEtr ne prévoit plus, ni la possibilité de prononcer un renvoi cantonal, ni la possibilité de transformer l’ordre de quitter un canton en ordre de quitter la Suisse. La suppression de la compétence de l’ODM de transformer l’ordre de quitter un canton en un ordre de quitter la Suisse est justifiée par le fait que selon l’expérience, l’étranger renvoyé d’un canton n’obtenait pas, en règle générale, d’autorisation d’un autre canton. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’obtenir une décision des autorités fédérales, ce qui ne ferait qu’alourdir la procédure. Il appartient donc à l’autorité cantonale de prononcer le renvoi de Suisse, en conformité au nouveau droit.

ATF 135 II 105

2008-2009

Art. 5 par. 1 lit. b et f CEDH, art. 78 et 79 LEtr

Un ressortissant marocain épouse une Suissesse en 2002. En 2004, le couple se sépare alors que naît leur premier enfant dont la mère a la garde. L’Office cantonal des migrations de Bâle-Campagne refuse la prolongation de séjour en 2005. Confirmation de ce refus par le TF. Pour garantir l’exécution de son renvoi, il est placé en détention administrative dès le 8 novembre 2006 avec prolongation de deux fois trois mois. Le 8 juillet 2008, le juge des mesures de contrainte du canton de Bâle-Campagne refuse une nouvelle prolongation et le libère. Rejet par le TF du recours de l’ODM contre cette décision. Selon le TF, risque de violation du principe de proportionnalité d'une détention en droit des étrangers dépassant vingt mois. Il est d'autant plus délicat de prolonger une détention pour des motifs de droit des étrangers que celle-ci a déjà passablement duré et que le refoulement apparaît de moins en moins réalisable. En ce qui concerne les 24 mois mentionnés à l'art. 79 LEtr, il s'agit d'un délai maximum qui ne peut être atteint que dans le cadre de ce qui est admissible constitutionnellement et conventionnellement. A ce propos, il importe de relever que la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (appelée Directive « retour ») constitue un développement de l’acquis de Schengen et devra par conséquent également être mise en œuvre en Suisse. Bien que cette directive comporte des lacunes importantes dans le domaine de l’assistance juridique et de l’accès à l’éducation des mineurs (caractère non obligatoire), elle implique deux modifications importantes pour le droit suisse : le renvoi sans décision formelle doit être remplacé par une procédure de renvoi formelle et, surtout, la durée maximale de tous les types de détention doit passer de 24 à 18 mois (cf. Département fédéral de justice et police - Office fédéral des migrations, Approbation et mise en œuvre de l’échange de notes entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise de la directive sur le retour (développement de l’acquis de Schengen). Explications en vue de la procédure de consultation, mai 2009).