Droit des migrations

ATAF 2018 VI/6 (d)

2018-2019

Art. 51 al. 4 LAsi

Après avoir obtenu l’asile le 2 mars 2016, un ressortissant érythréen dépose, le 2 avril 2016, une demande de regroupement familial pour sa femme et ses deux enfants, demande qui est rejetée par le SEM au motif que le requérant n’aurait pas réussi à démontrer avoir vécu dans une communauté familiale avant sa fuite. En l’espèce, le Tribunal doit se déterminer sur le fait de savoir s’il existait une communauté familiale préexistante afin d’octroyer le regroupement familial sur la base de l’art. 51 al. 4 LAsi. Tel est le cas si les époux vivaient en ménage commun au moment de la séparation, à savoir que la communauté familiale a été séparée par la fuite à l’étranger du membre de la famille ayant droit à l’asile ou lorsque la vie commune n’était plus possible dans le pays d’origine pour des raisons impérieuses. En outre, la relation doit avoir été maintenue après la séparation physique et une rapide réunification familiale doit avoir été recherchée. Le recourant remplit toutes ces conditions, ce qui amène à l’admission du recours.

Art. 51 LAsi

Cet arrêt traite de « l’asile accordé aux familles » et plus précisément de la vraisemblance de l’union conjugale ainsi que de l’existence de « circonstance particulière » excluant le regroupement. Le TAF estime tout d’abord que le SEM a rejeté à tort la vraisemblance d’une union conjugale conclue en Erythrée. S’agissant des circonstances particulières, la question est de savoir si le fait que le regroupé potentiel soit déjà reconnu comme réfugié dans un autre Etat – en l’occurrence l’Italie – exclut l’octroi de l’asile familial ? Le TAF s’appuie sur le fait que l’art. 51 poursuit deux buts : d’une part, assurer le droit à la vie familiale et, d’autre part, offrir une protection aux membres de la famille de réfugiés. Il estime ensuite que le but de protection serait vidé de son sens si l’asile familial pouvait être accordé alors que la personne visée bénéficie déjà du statut de réfugié – et donc d’une protection – dans un Etat tiers. Dès lors, il existe donc bien une « circonstance particulière » excluant l’octroi de l’asile familial quand le membre de la famille pouvant en bénéficier est reconnu comme réfugié dans un Etat tiers.

TAF D-2620/2015

2015-2016

Art. 51 LAsi

A., un ressortissant togolais, est reconnu comme réfugié et mis au bénéfice de l’asile en 2004. Il épouse ensuite B., une ressortissante de Côte d’Ivoire titulaire d’une admission provisoire. De cette union naissent deux enfants. Par décision du 27 mars 2015, le SEM rejette la demande d’asile familial déposée par A. en faveur de sa femme et de ses enfants, en considérant que les nationalités différentes des époux constituent une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 al. 1 et 3 LAsi. Saisi d’un recours, le TAF rappelle que le fait pour les membres de la famille d’avoir des nationalités différentes peut effectivement constituer un obstacle à une telle inclusion, dans la mesure où l’ensemble de la famille pourrait s’installer dans l’État origine du conjoint non persécuté. Une telle issue n’est toutefois envisageable que dans l’hypothèse où l’exécution d’un renvoi de tous les membres de la famille à cette destination serait à la fois possible, licite et raisonnablement exigible. Pour le TAF, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, l’épouse bénéficie d’une admission provisoire fondée sur l’art. 83 al. 4 LEtr. La durée de validité de cette dernière a toujours été prolongée. D’autre part, les époux résident en Suisse depuis 13 et 12 ans et se sont toujours bien comportés. A cela s’ajoute le fait que l’épouse n’a plus de contact avec les membres de sa famille en Côte d’Ivoire et n’y dispose d’aucun réseau social. Enfin, les enfants sont nés en Suisse, y ont passé toute leur vie et y sont scolarisés. Dans ces circonstances, force est de constater que l’exécution du renvoi des membres de cette famille en Côte d’Ivoire devrait être déclarée inexigible et, par conséquent, que leurs différentes nationalités ne constituent pas une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 al. 1 et 3 LAsi. L’épouse et les enfants du recourant doivent ainsi être inclus dans sa qualité de réfugié et mis au bénéfice de l’asile (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 II, 176).

TAF E-1683/2013

2014-2015

Art. 51 LAsi

C. est reconnue comme réfugiée et mise au bénéfice de l’asile par décision du 5 avril 2007. En 2010, elle épouse D., un ressortissant nigérian. En 2012, elle donne naissance à A., leur enfant commun. Par courrier du 18 septembre 2012, C. demande au SEM de reconnaître la qualité de réfugiée de sa fille sur la base de l’art. 51 al. 3 LAsi. Par décision du 28 septembre 2012, le SEM rejette cette demande, estimant que la famille pourrait s’établir au Nigéria, l’État d’origine du père. Il considère en effet que A. pourrait obtenir la nationalité nigériane et qu’aucun des membres de la famille n’y est exposé à des persécutions. Saisi d’un recours, le TAF relève tout d’abord que la formulation de l’art. 51 al. 3 LAsi, lequel réserve les « circonstances particulières » s’opposant à l’inclusion de l’enfant dans la qualité de réfugié de ses parents, vise avant tout à prévenir des abus et que cette inclusion doit demeurer la règle. Il convient dès lors d’interpréter restrictivement cette notion de « circonstances particulières ».

Il observe cependant l’existence d’une pratique, élaborée par la CRA puis reprise par le TAF, selon laquelle le fait que le conjoint ou l’enfant mineur du réfugié ait une autre nationalité que ce dernier constitue une telle circonstance particulière, à condition toutefois qu’il soit exigible et possible que l’ensemble de la famille puisse s’installer dans cet autre État. Les juges administratifs fédéraux insistent toutefois sur le fait que cette pratique, qu’ils n’entendent pas remettre en question, suppose que le membre de la famille dont l’inclusion est demandée dispose déjà d’une autre nationalité. Il ne suffit pas que l’intéressé puisse, de façon hypothétique, acquérir cette dernière. En l’espèce, A. n’a pas acquis la nationalité nigériane et dispose pour l’heure de la nationalité de sa mère. Dans ces circonstances, il convient de nier l’existence de circonstances particulières au sens de l’art. 51 al. 3 LAsi et d’inclure A. dans la qualité de réfugiée de sa mère (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 204-205).

TAF E-4151/2013

2013-2014

Art. 51 LAsi ; 85 al. 7 LEtr

Une famille de ressortissants afghans constituée de l’épouse A., de l’époux B. et de leurs deux enfants C. et D. vit en Grèce en qualité de demandeurs d’asile depuis 2008. Le 21 août 2012, A. rejoint la Suisse accompagnée de son fils D. et y dépose une demande d’asile. Le 29 octobre 2012, elle demande à l’ODM d’autoriser B. et C. à la rejoindre en Suisse. Le 19 juin 2013, l’ODM rejette la demande du 29 octobre 2012 et refuse l’entrée en Suisse de B. et de C. Le TAF considère que c’est à tort que l’ODM a qualifié la demande introduite le 29 octobre 2012 de demande de regroupement familial.

En effet, « [s]on objectif était d’obtenir que l’ensemble de la famille puisse voir leurs demandes de protection traitées par une seule autorité, in casu: l’autorité suisse, et ce dans la mesure où le retour de l’intéressée et de ses enfants en Grèce n’était plus possible ». En ce sens, l’application de l’art. 51 LAsi – qui ne concerne que les membres de la famille de réfugiés ayant obtenu l’asile en Suisse – et de l’art. 85 al. 7 LEtr – qui vise le regroupement familial des personnes mises au bénéfice de l’admission provisoire – ne se justifie pas.

Deuxièmement, l’ODM n’explique pas en quoi la situation de la recourante et des membres de sa famille diffère de celle prévalant dans les trois cas auxquels se réfère l’intéressée. L’Office fédéral se contente en effet d’affirmer qu’ « aucun rapprochement entre le cas d’espèce et les cas rapportés par l’intéressée ne [peut] être fait ».

Se faisant, l’Office fédéral n’a pas correctement examiné si sa décision respecte le principe de l’égalité de traitement. Troisièmement, c’est à tort que l’ODM a indiqué que B. et C. conservent la possibilité de demander un visa humanitaire, ce dernier n’étant pas accordé lorsque la personne concernée se trouve déjà dans un Etat tiers.

Dans ces conditions, le TAF admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause à l’ODM pour nouvelle décision.