Droit des migrations

TF 2C_1039/2013

2013-2014

Art 91 et 122 LEtr

Une société de construction et de rénovation est condamnée à plusieurs reprises pour avoir engagé du personnel au noir. En plus de sa sanction pénale, elle fait l’objet d’une interdiction d’engager de la main-d’oeuvre étrangère pour une durée de trois mois. En 2013, elle sollicite une autorisation de travail pour un ressortissant kosovar.

Parallèlement, à la suite d’un nouveau contrôle de chantier, il est à nouveau constaté qu’une personne sans autorisation de travail œuvre pour le compte de la société, celle-ci n’ayant apparemment pas fait les démarches nécessaires pour s’assurer que son employé disposait d’un permis de travail.

Dès lors, une nouvelle décision l’enjoignant à respecter les procédures applicables lui est notifiée. Une interdiction d’engager des travailleurs étrangers pour une durée de six mois est prononcée. Saisi d’un recours, le TF constate que la société a récidivé plusieurs fois en matière de travail illégal et que, d’un point de vue de la proportionnalité, la sanction prononcée se justifie donc. Le recours est rejeté.

ATF 139 IV 128 (d)

2012-2013

Art. 115 LEtr

La fouille opérée sur une femme, fortement alcoolisée, arrêtée à 7h15 dans un bar qui fait office de « Kontaktbar » dans le milieu de la prostitution, permet de trouver un chip de Swisscom, un i-phone et une liste d’adresses (icône Contacts, accessible sans code d’accès). On déduit des éléments récoltés qu’elle exerce une activité lucrative, sans autorisation, en tant que prostituée. Un certain B., contacté ultérieurement comme témoin, confirme qu’il entretient avec l’intéressée des relations sexuelles tarifées. Partant, il y a violation de l’art. 115 al. 1 let. a et b LEtr et la condamnation à une peine privative de liberté de 45 jours est confirmée.

TF 6B_196/2012

2012-2013

Directive sur le retour ; art. 115 LEtr

Un ressortissant du Kosovo est condamné à une peine de 90 jours-amende à CHF 10.- le jour pour infraction à l’aLSEE et à la LEtr. Le Tribunal fédéral rappelle que le séjour illégal est un délit continu, d’où l’application de la LEtr, car même si le séjour illégal a commencé sous l’empire de l’aLSEE il continue sous le régime de la LEtr. Cela dit, l’intérêt principal de l’arrêt a trait à la Directive sur le retour 2008/115/CE et l’impact de la jurisprudence de la CJUE en droit suisse (affaires El Dridi et Achughbabian). Les juges de l’Union considèrent qu’un État membre de l’UE ne peut ordonner l’emprisonnement d’une personne étrangère en situation irrégulière pour la seule raison qu’elle continue de se trouver de manière illégale sur le territoire de l’État après qu’un ordre de quitter le territoire national lui est notifié et que le délai imparti dans cet ordre est arrivé à échéance. Saisi de la question, le TF relève qu’il n’est pas lié par la jurisprudence précitée de la CJUE, « même si une interprétation conforme du droit suisse doit être privilégiée ». Il ne saisit cependant pas l’occasion pour examiner de manière approfondie cette question et contourne le problème en jugeant que dans l’affaire en cause, la personne étrangère « ne se trouve pas dans les hypothèses visées par les arrêts européens ».

Directive sur le retour ; art. 115 LEtr

Les deux arrêts ici cités font suite à celui du TF 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 relatif à l’articulation entre la réglementation Schengen, plus particulièrement la Directive sur le retour, et le droit pénal. Dans la première affaire (TF 6B_617/2012), une Éthiopienne ne collabore pas à l’exécution de son renvoi en ce sens qu’elle refuse de rentrer volontairement dans son pays, ce qui a pour effet de provoquer le refus de l’ambassade de délivrer un laissez-passer. S’agissant de la seconde affaire (TF 6B_618/2012), elle vise une ressortissante de Mongolie qui doit quitter la Suisse déjà depuis juillet 2002. Toutefois, elle se trouve toujours en Suisse et refuse de rentrer volontairement dans son pays. Or, d’après les indications fournies par l’ODM, jusqu’à ce jour, aucun renvoi vers la Mongolie n’a pu être exécuté et seul le retour volontaire est envisageable. Dans ces conditions, pour les deux affaires, le prononcé d’une sanction pénale n’est pas, selon la Haute Cour, incompatible avec les normes découlant de la Directive sur le retour.

ATF 137 IV 159

2011-2012

Art. 117 al. 1 et 116 al. 1 let. b LEtr

Le gérant d’un établissement, qui est responsable des infrastructures et décide quelles étrangères peuvent s’y prostituer, est un employeur même sous l’empire de la nouvelle loi sur les étrangers. Il peut ainsi réaliser l’infraction réprimant l’emploi d’étrangers sans autorisation. Il n’est pas aisé de distinguer entre l’art. 116 al. 1 let. b LEtr (procurer une activité lucrative illégale) et l’art. 117 al. 1 LEtr (emploi d’une personne non autorisée à travailler). Même si l’art. 116 al. 1 let. b LEtr n’a pas d’équivalent dans l’aLSEE, il n’y a aucune raison de faire abstraction de la pratique en lien avec l’art. 23 al. 4 aLSEE et d’interpréter la notion d’employeur au sens de l’art. 117 al. 1 LEtr de manière plus restrictive, avec pour conséquence que l’exploitation d’un établissement tel que celui de l’ATF 128 IV 170 ne remplirait pas les conditions d’application de l’art. 117 al. 1 LEtr mais seulement celles de l’art. 116 al. 1 let. b LEtr.

ATF 137 IV 297

2011-2012

Art. 117 LEtr

L’autorisation d’exercer une activité lucrative en Suisse doit, selon le Tribunal fédéral, exister après la conclusion du contrat de travail et au moment de l’entrée en service. La candidature à un poste de travail et la participation à une procédure de recrutement ne nécessitent pas d’autorisation correspondante. L’employeur, qui fait travailler à titre d’essai un candidat étranger dans la perspective d’un engagement éventuel, ne l’emploie pas au sens de l’art. 117 LEtr.

TF 6B_39/2011

2010-2011

Art. 117 al. 1 LEtr et art. 91 al. 1 LEtr

L’exploitant d’un sauna dans lequel des clients rencontrent des prostituées étrangères travaillant au noir est considéré comme l’employeur de ces femmes du moment notamment qu’il exploite cet établissement en mettant à disposition son infrastructure et procède à des entretiens visant à contrôler les bonnes manières, l’apparence et les connaissances linguistiques des femmes qu’il emploie illégalement.

TF 6B_850/2010

2010-2011

Art. 116 al. 1 ch. 6 LEtr

Procurer une activité lucrative au sens de l’art. 116 al. 1 let. b LEtr ne signifie pas indiscutablement fournir directement du travail. Cet article n’a pas la même portée que l’art. 117 LEtr, réprimant un comportement actif et non une simple permission ou tolérance. L’art. 116 al. 1 let. b LEtr sanctionne au contraire celui qui favorise ou facilite l’exercice illégal d’une activité lucrative par un étranger et celui qui accomplit des actes de complicité à l’infraction réprimée par l’art. 115 al. 1 let. c LEtr. L’exploitant d’un établissement fournissant à des prostituées en séjour irrégulier ses infrastructures, des chambres et le nettoyage des draps et du local, en échange de CHF 75.- par client, mais sans exercer aucun contrôle sur leur activité, facilite l’exercice d’une prostitution illégale, et tombe ainsi sous le coup de l’art. 116 al. 1 let. b LEtr.