Droit des migrations

ATAF 2018 VI/5 (f)

2018-2019

Art. 53 LAsi

Dans cet arrêt, la question litigieuse est de savoir si le refus d’accorder l’asile à un ressortissant turc d’ethnie kurde sur la base de son appartenance au Komalen Ciwan est légitime. Le Komalen Ciwan est une organisation chargée du recrutement de jeunes combattants pour la branche armée du PKK qui apporte donc une aide logistique aux structures hiérarchiques et factions militaires à ladite organisation. L’intéressé n’ayant commis aucun acte répréhensible au sens de l’art. 53 let. a LAsi, c’est donc sur les notions juridiques indéterminées d’atteinte ou de menace à la sécurité intérieure ou extérieure que le Tribunal va porter son examen. Après une analyse des structures du PKK (consid. 4), le TAF conclut que l’appartenance ou le soutien à une organisation ou association clandestine du PKK ayant pour but de fournir une aide logistique à ses factions radicales ou militaires permet de présumer une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Cela n’est pas le cas en présence de cas de simple propagande politique lorsqu’elle est dénuée d’appels à la violence ou à la haine. En l’espèce, la seule appartenance du recourant au Komalen Ciwan permet au Tribunal de présumer, avec le SRC et le SEM, une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Au vu de l’imprécision des réponses du requérant entraînant une violation de son obligation de collaborer, le requérant n’a pas réussi à renverser la présomption selon laquelle il est engagé et actif au sein de cette organisation. Partant, il y a des raisons sérieuses de croire que le recourant compromet la sûreté de la Suisse au sens de l’art. 53 let. b LAsi.

TAF D-5809/2014

2015-2016

Art. 53 LAsi ; 25 et 48aCP

Le TAF estime que les recourants, deux ressortissants éthiopiens et leur enfant, doivent être reconnus comme réfugiés et mis en bénéfice de l’admission provisoire en raison de motifs subjectifs survenus après la fuite au sens de l’art. 54 LAsi. Les juges observent en effet que les intéressés ont pris part, depuis leur arrivée en Suisse, à différentes activités politiques d’opposition au régime en place dans leur État d’origine (manifestations, participations à des débats télévisés, lettres ouvertes publiées sur internet, etc.). Ils relèvent ensuite, en se référant à un rapport de Human Rights Watch, que le gouvernement éthiopien se livre à un espionnage des opposants politiques en exil, y compris en Suisse. Le fait que l’époux ait travaillé durant plusieurs années comme chauffeur pour l’Ambassade américaine en Ethiopie avant leur départ peut en outre avoir suscité une surveillance accrue de la part des autorités éthiopiennes. Le TAF observe enfin que les opposants politiques font l’objet de mesures de répression impitoyables et que leur situation s’est encore dégradée ces dernières années. Le recours est admis (arrêt résumé par Matthieu Corbaz in : Actualité du droit des étrangers 2016 I, 227).

TAF D-2023/2014

2014-2015

Art. 53 LAsi ; 25 et 48a CP

Cet arrêt porte sur la question de l’indignité du recourant au sens de l’art. 53 LAsi. Ce dernier a été condamné à vie par un tribunal turc pour avoir prêté son pistolet à un ami, lequel s’en est servi pour abattre un homme. Le recourant allègue cependant n’avoir prêté cette arme que parce qu’il savait son ami menacé et pensait qu’il ne s’en servirait que pour se défendre. Il ajoute que sa condamnation était fondée sur des aveux obtenus sous la torture. Pour le TAF, le recourant ne pourrait être poursuivi que pour complicité d’homicide sous l’angle du droit suisse. Or pareille infraction n’est passible que d’une peine privative de liberté de moins de trois ans (art. 25 et 48a CP), ce qui est insuffisant pour retenir l’indignité de l’intéressé. Son recours est donc admis et l’asile lui est octroyé (arrêt résumé par Matthieu Corbaz et Andrina Cavelti, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II,143).

TAF E-4192/2013

2013-2014

Art. 3 al. 4 LAsi (entré en vigueur le 1er février 2014)

A., un ressortissant érythréen, dépose une demande d’asile en Suisse en mars 2013. Il explique avoir quitté son Etat d’origine en 2010 pour effectuer une formation à l’étranger et ne pas avoir pu y retourner en 2012 comme convenu, en raison des risques de persécutions qu’il y encourt pour avoir entre-temps adhéré au « Eritrea National Salvation Front (ENSF) », un parti politique en exil. Par décision du 21 juin 2013, l’ODM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure.

L’Office fédéral considère en effet que A. n’a rejoint l’ENSF que récemment et qu’il ne connaît pas de façon détaillée les objectifs et les activités de cette organisation. Il n’appartiendrait ainsi pas au groupe à risque constitué des personnes s’opposant de façon active au gouvernement érythréen depuis l’étranger.

Le TAF estime ainsi qu’il existe un risque important que A. fasse l’objet d’une punition exemplaire en cas de retour en Erythrée, non seulement pour avoir mené une activité politique d’opposition en exil, mais aussi pour ne pas être rentré à l’issue de son voyage autorisé à l’étranger. Bien que l’engagement politique du recourant soit relativement nouveau et plutôt modeste, il convient de lui reconnaître la qualité de réfugié et, en tant que tel, de le mettre au bénéfice de l’admission provisoire.