Droit des obligations et des contrats

Procédure applicable aux litiges relatifs à l’annotation du bail au registre foncier. Les litiges relatifs à l’annotation de baux d’habitations ou de locaux commerciaux au registre foncier (art. 261b CO cum art. 959 CC) relèvent de la « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC. Cette notion doit en effet être comprise dans une acception large et vise tous les cas dans lesquels le tribunal doit se prononcer sur la fin du bail en raison p.ex. d’un congé, de l’expiration d’un contrat de bail de durée déterminée ou de l’exercice d’un droit d’option. L’annotation du bail visant essentiellement à empêcher, en cas d’aliénation de la chose louée, une résiliation anticipée du bail par la nouvelle propriétaire sur la base de l’art. 261 al. 2 let. a CO (besoin propre et urgent), elle tombe sous le coup de l’art. 243 al. 2 let. c CPC. Ces litiges sont donc soumis à la procédure simplifiée et – la règlementation du type de procédure primant celle de la compétence matérielle – ne peuvent pas être portés devant un tribunal de commerce, dont la compétence exclut l’application de cette procédure (art. 243, al. 3 CPC)

TF 4A_153/2023 (d)

2022-2023

Conditions de validité d’une convention modifiant les modalités de perception et de paiement des frais accessoires. En vertu de l’art. 269d al. 3 CO, les modifications unilatérales (autres que les augmentations de loyer) du contrat au détriment de la locataire, telle que l’introduction de nouveaux frais accessoires, doivent respecter – sous peine de nullité – les conditions fixées par l’art. 269d al. 1 et 2 CO. Lorsque la modification est consensuelle, l’art. 269d al. 3 CO ne s’applique en principe pas ; toutefois, pour éviter que le but de protection de cette disposition légale ne soit éludé, la jurisprudence précise qu’une modification consensuelle n’est valable que s’il ressort des circonstances soit que l’initiative vient de la locataire soit que la locataire était suffisamment informée de son droit de contester la modification, a renoncé sciemment par avance à la contestation et n’a pas donné son accord sous pression (p.ex. menace d’une résiliation). Faute pour la bailleresse d’avoir établi en l’espèce l’un de ces deux cas de figure exceptionnels, l’avenant par lequel les parties avaient en substance convenu, à la suite d’une résiliation du bail par la locataire, que ce congé était retiré, que le loyer mensuel net était diminué et que le mode de perception des frais accessoires passait du paiement d’un forfait mensuel à celui d’un acompte mensuel plus élevé, est soumis aux exigences de l’art. 269d CO.

TF 4A_305/2022 (f)

2022-2023

Formes des conventions relatives aux frais accessoires et de consommation. Les frais accessoires, dus pour les prestations fournies en rapport avec l’usage de la chose, ne sont à la charge des locataires que si cela a été convenu spécialement (art. 257a CO), la convention y relative n’étant soumise à aucune forme (art. 257a al. 2 CO a contrario). Toutefois, si le contrat de bail a été conclu par écrit, la convention relative aux frais accessoires doit l’être également. On oppose aux frais accessoires les frais de consommation, générés exclusivement par les locataires pour leurs propres besoins et dont ils supportent en principe le coût, qui échappent à cette réglementation. Est donc valable une convention implicite, conclue en parallèle à un contrat de bail écrit muet au sujet des charges, disposant que les locataires – équipés d’un boiler et d’une chaudière générant des frais de gaz qui leur sont facturés directement par le fournisseur et qu’ils payent depuis plus de trente ans directement à celui-ci – s’acquittent eux-mêmes des frais liés au chauffage et à la production d’eau chaude dans leur appartement.

TF 4A_521/2021 (f)

2022-2023

Résiliation avec effet immédiat, distinction entre sous-location et hébergement de familiers. Lorsque le locataire sous-loue la chose sans demander l’autorisation de la bailleresse et que l’un des motifs de l’art. 262 al. 2 CO ou de l’art. 2 al. 2 CC est réalisé, la condition du caractère insupportable du maintien du contrat pour la bailleresse est réalisée de telle sorte qu’elle peut le résilier avec effet immédiat (art. 257f al. 3 CO). Lorsqu’un locataire accueille chez lui son enfant hors de toute obligation légale d’entretien, il convient de déterminer, en fonction des circonstances, s’il s’agit d’un hébergement de familiers – admis par le TF pour autant que cela ne provoque pas une sur-occupation des locaux – ou si les parties ont la volonté de conclure un contrat ; il y a nécessairement animus contrahendi, et donc sous-location (partielle), lorsque la fille du locataire s’installe avec son mari et leurs enfants après le décès de sa mère dans l’appartement loué par son père, qu’elle a convenu avec son père d’une répartition des chambres et qu’elle a accepté de prendre en charge les deux tiers du loyer.

ATF 148 III 63 (f)

2021-2022

Formule officielle et présomption d’ignorance du locataire, prescription de l’action en remboursement du trop-perçu de loyer. En cas de nullité, en raison de l’absence de formule officielle de notification d’un nouveau loyer, d’un loyer initial abusif, le délai de prescription relatif de l’action en répétition de l’indu, à laquelle l’art. 67 CO est applicable, court dès la connaissance effective par le locataire de son droit de répétition. Cette connaissance effective intervient lorsque le locataire sait que l’absence de cette formule entraîne la nullité du loyer initial, que le loyer qu’il a versé était trop élevé et qu’il était, partant, abusif. En principe, l’ignorance du locataire quant au caractère obligatoire de la formule officielle et aux conséquences attachées à l’absence de celle-ci est présumée. Toutefois, cette présomption d’ignorance tombe dans certaines circonstances, notamment si le locataire avait des connaissances spécifiques en droit du bail, s’il avait déjà loué un appartement pour lequel il avait reçu la formule officielle, ou s’il avait été impliqué dans une précédente procédure de contestation du loyer initial.

Annulabilité de la résiliation pour cause de rénovation. La bailleresse est libre de notifier une résiliation ordinaire du bail pour effectuer des travaux de transformation (Umbauarbeiten), de rénovation (Renovationsarbeiten) ou d’assainissement (Sanierungsarbeiten), pour autant que ce congé ne contrevienne pas aux règles de la bonne foi. La motivation – respectivement l’absence ou le caractère lacunaire de celle-ci – du congé, qui n’est pas une condition de sa validité, peut constituer un indice de son caractère abusif. La résiliation notifiée par le bailleur pour effectuer des travaux de rénovation est notamment contraire aux règles de la bonne foi et, partant, annulable, lorsque, au moment de sa notification : (a) la bailleresse n’a pas véritablement l’intention de réaliser le projet qu’elle a envisagé et/ou fait étudier ; (b) le projet de rénovation de la bailleresse est manifestement incompatible avec les règles du droit public (ou objectivement impossible), au point qu’il est certain qu’il ne sera pas autorisé ; ou (c) la bailleresse ne dispose pas d’un projet suffisamment mûr et élaboré qui permette de constater concrètement qu’il est nécessaire que la locataire quitte les locaux.

Résiliation du bail d’une locataire décédée, action en annulation du congé. En cas de décès de la locataire, la résiliation du bail doit être adressée à tous les héritiers (devenus cotitulaires du bail par succession universelle) sous peine de nullité, l’abus de droit étant réservé. Toutefois, seule la personne qui utilise effectivement le logement (p.ex. l’enfant adulte de la défunte qui faisait ménage commun avec elle et continue d’habiter ledit logement) dispose d’un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC, condition de recevabilité de l’action) à intenter l’action en annulation du congé. Du point de vue de la légitimation active (qui relève du droit matériel et dont le défaut conduit au rejet de l’action), les héritiers forment une consorité nécessaire, ce qui implique qu’ils doivent tous être parties au procès d’un côté ou de l’autre de la barre.

Fixation judiciaire du loyer initial d’un immeuble ancien. Lorsque, dans le cadre de sa contestation, le loyer initial d’un immeuble ancien est présumé abusif – car augmenté massivement par rapport au précédent loyer, soit de beaucoup plus de 10 %, sans que cela ne s’explique par la variation du taux hypothécaire de référence ou de l’IPC et sans que la bailleresse ne soit parvenue à éveiller auprès du tribunal des doutes fondés quant à la véracité, dans le cas d’espèce, de la présomption du caractère abusif d’un tel loyer – et que les parties n’ont pas produit d’éléments permettant de fixer le loyer selon l’art. 11 OBLF, le tribunal doit procéder à la fixation judiciaire du loyer comme suit : (a) en l’absence de tout élément de preuve, il doit s’en tenir au loyer payé par le précédent locataire ; (b) s’il existe d’autres éléments, comme des statistiques cantonales ou communales, même si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de l’art. 11 al. 4 OBLF, il y a lieu d’en tenir compte et de pondérer les chiffres qui en résultent en fonction des caractéristiques concrètes de l’appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire, ainsi que de la connaissance du marché local et de l’expérience des juges. Dans le second cas de figure, il n’est notamment pas contraire au droit fédéral d’utiliser comme base de calcul les statistiques de l’OFS relatives au « loyer moyen par m2 en francs selon le nombre de pièces, par canton ».

ATF 147 III 14 (f)

2020-2021

Calcul du rendement net admissible, réévaluation des fonds propres investis, taux de rendement admissible des fonds propres. Le rendement net admissible au sens de l’art. 269 CO se détermine à l’aide des sept étapes suivantes : 1. Détermination des coûts d’investissements effectifs ; 2. Déduction des fonds empruntés ; 3. Réévaluation des fonds propres pour tenir compte du renchérissement ; 4. Application aux fonds propres du taux de rendement admissible ; 5. Ajout des charges immobilières ; 6. Ventilation du résultat appartement par appartement ; 7. Comparaison du loyer admissible ainsi obtenu avec le loyer actuel. S’agissant des étapes 3 et 4, la réévaluation selon l’IPC doit désormais être effectuée sur le 100 % des fonds propres investis (et non plus sur le 40 % uniquement de ceux-ci). En outre, il y a lieu de fixer le taux de rendement admissible des fonds propres – jusque-là fixé à 0.5 % en sus du taux hypothécaire de référence – à 2 % en sus du taux hypothécaire de référence lorsque celui-ci est égal ou inférieur à 2 %.

ATF 147 III 32 (f)

2020-2021

Modification du loyer à l’expiration de la durée initiale du bail à loyer indexé. A l’expiration de la durée initiale du bail à loyer indexé, chaque partie peut, en respectant le délai de résiliation, solliciter une modification du loyer (art. 269d et 270a CO) en invoquant la méthode relative à l’appui de son action. Singulièrement, le locataire qui agit en diminution du loyer avec effet à l’expiration de la durée initiale du bail indexé ne peut se fonder que sur des critères relatifs, à l’exclusion de la méthode absolue du rendement net. En effet, si la méthode absolue peut être invoquée par le locataire pour contester le loyer initial au début du bail à loyer indexé (action réservée expressément par l’art. 270c CO), lui accorder la possibilité de s’en prévaloir à nouveau à l’expiration de la durée initiale du bail reviendrait à contourner le délai et les conditions de l’art. 270 CO.

Fardeau de la preuve en matière de contestation du loyer initial d’un immeuble ancien. En cas de contestation du loyer initial d’un immeuble ancien (où le critère des loyers usuels dans la localité ou le quartier s’applique en priorité), le caractère abusif du loyer est présumé lorsque l’augmentation est massive – c’est-à-dire nettement supérieure à 10 % – par rapport au loyer précédent et qu’elle ne s’explique pas par la variation du taux hypothécaire de référence ou de l’IPC. Le fait que le bail précédent ait été de longue durée – soit de 15 à 20 ans – ne rend pas d’emblée inapplicable la présomption, mais constitue un indice qui peut contribuer à la renverser. Il suffit que le bailleur parvienne à éveiller des doutes fondés quant à l’exactitude de cette présomption pour que celle-ci ne s’applique plus. Il reviendra alors au locataire de prouver que le loyer est abusif au moyen de statistiques officielles ou de cinq logements de comparaison.

Consignation de loyers échus. La consignation de loyers échus n’a pas d’effet libératoire. L’art. 259g al. 1 CO permet au locataire qui exige la réparation d’un défaut de consigner les loyers à échoir moyennant fixation préalable au bailleur d’un délai pour le réparer et menace écrite de la consignation. Si le locataire consigne des loyers déjà échus, l’une des conditions précitées fait défaut et les loyers ne sont pas réputés payés au sens de l’art. 259g al. 2 CO. Le locataire s’expose dans ce cas à une résiliation extraordinaire pour défaut de paiement (art. 257al. 2 CO).

Art. 806 CC al. 1 , Art. 152 LP al. 2 , Art. 91 ORFI al. 1 , Art. 101 ORFI al. 1

Grevage des loyers et fermages. L’art. 806 al. 1 CC dispose que le gage grevant un immeuble donné à bail comprend les loyers ou fermages qui ont couru depuis la poursuite en réalisation de gage jusqu’à la réalisation. Cette extension du droit de gage n’intervient toutefois pas de plein droit, mais doit être expressément requise par le créancier. Cette demande peut intervenir soit au moment de l’introduction de la poursuite (art. 152 al. 2 LP), soit ultérieurement, mais sans effet rétroactif. Le créancier qui, au moment de la réquisition de poursuite, renonce de manière tacite ou expresse à l’immobilisation des loyers ou fermages ne se voit pas privé du droit de former une requête ultérieurement sur ce point.

ATF 146 III 47 (d)

2019-2020

Art. 200 CPC al. 1

Compétence de l’autorité de conciliation. Pour juger de la compétence matérielle de l’autorité de conciliation paritaire au sens de l’art. 200 al. 1 CPC, il faut en principe partir des prétentions du demandeur. Lorsque le demandeur fonde sa requête sur l’existence d’un bail à loyer d’habitation ou de locaux commerciaux, l’autorité de conciliation paritaire au sens de l’art. 200 al. 1 CPC doit mener la procédure de conciliation et ne peut pas préjuger au fond de l’existence d’un tel bail. S’il s’avère que l’autorité de conciliation paritaire est manifestement incompétente, elle peut mettre fin à la procédure par une décision de non-entrée en matière.

ATF 146 III 63 (d)

2019-2020

Art. 243 CPC al. 2 let. e

Application de la procédure simplifiée. La notion de consignation de loyer au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC doit se comprendre de manière large et en tenant compte du fait que cette institution sert de « moyen de pression » pour le locataire. Il faut comprendre aussi bien les litiges portant sur la consignation même du loyer, que les prétentions relevant des droits relatifs aux défauts au sens de l’art. 259a al. 1 CO, indépendamment de la valeur litigieuse, et pour lesquels le locataire fait valoir le moyen de pression de la consignation du loyer.

ATF 146 III 82 (f)

2019-2020

Art. 67 CO al. 1 , Art. 130 CO al. 1

Nullité du loyer initial, action en restitution du trop-perçu. Lorsque l’usage de la formule officielle est obligatoire et que le bail est conclu sans qu’elle soit communiquée ou sans que la hausse de loyer par rapport à celui payé par le précédent locataire n’y soit motivée, le loyer fixé est nul. Le locataire peut dès lors agir en fixation judiciaire du loyer initial et en restitution du trop-perçu. L’action en restitution se fonde sur les règles de l’enrichissement illégitime (art. 62 ss CO) et est soumise à la prescription de l’art. 67 CO. Le dies a quo du délai de prescription absolu est celui de l’exigibilité de la créance en enrichissement illégitime. Lorsque l’action en répétition porte sur plusieurs prétentions successives, comme des paiements de loyer, le dies a quo du délai de prescription absolu coïncide avec l’exigibilité de la prétention en enrichissement illégitime, soit au moment de chaque paiement indu.

Art. 70 CPC

Colocation, consorité nécessaire. Les colocataires, en tant que consorts matériels nécessaires, doivent ouvrir action ensemble ou être mis en cause ensemble. L’action conjointe souffre de tempéraments en raison du besoin de protection sociale. Un locataire peut agir seul en annulation du congé mais doit assigner le ou les colocataires qui n’entendent pas s’opposer au congé aux côtés du bailleur. La jurisprudence applicable à l’action en annulation du congé est également valable pour une action en fixation du loyer. En effet, le législateur a voulu octroyer à ces deux domaines le même niveau de protection. Dans cet arrêt, il est en outre admis que, lorsqu’un immeuble sort du contrôle étatique (loyers contrôlés), il convient d’admettre que tant le bailleur que le locataire peuvent se prévaloir de l’application de la méthode absolue pour le calcul du rendement.