Droit des obligations et des contrats

TF 4A_219/2021 (f)

2022-2023

Interruption de la prescription ; action pénale. La réquisition de poursuite au sens de l’art. 67 LP est un acte interruptif de prescription selon l’art. 135 ch. 2 CO. Par ailleurs, la notification du commandement de payer est également constitutive d’un acte de poursuite selon la disposition précitée. Si l’acte interruptif de prescription intervient avant que l’action pénale ne soit prescrite, l’interruption déclenche un nouveau délai égal à la durée initiale selon le droit pénal.

TF 4A_22/2022 (f)

2022-2023

Prescription ; assurance ; diligence. La prétention en dommages-intérêts élevée contre un assureur protection juridique qui, donnant des conseils juridiques, viole son obligation de diligence et cause un préjudice à l’assuré se prescrit en vertu de l’art. 127 CO. Le délai plus court de l’art. 46 al. 1 LCA s’applique uniquement aux créances qui découlent de la survenance du risque couvert (en matière de protection juridique, la couverture financière du litige et la mise à disposition de conseils juridiques).

TF 4A_298/2021 (f)

2022-2023

Interruption de la prescription ; monnaie étrangère. La prescription d’une créance en monnaie étrangère est valablement interrompue par le dépôt d’une demande en paiement dont les conclusions sont libellées en francs suisses. Dès lors qu’une créance est suffisamment individualisée par son fondement, l’effet interruptif de la prescription au sens de l’art. 135 al. 2 CO se produit sans égard à la monnaie dans laquelle est exprimé le montant de cette créance.

TF 4A_601/2021 (d)

2022-2023

Prescription ; dies a quo ; mandat. Le dies a quo du délai de prescription décennal pour les demandes de renseignements découlant d’un contrat bancaire de type « execution only » commence au moment de l’exigibilité de la créance. Le TF confirme d’abord sa jurisprudence selon laquelle le dies a quo du délai de prescription débute le jour où le mandataire reçoit le montant à restituer. Il précise ensuite que chaque réception d’un montant à rétrocéder par le mandataire fait naitre une créance exigible en restitution. La naissance et l’exigibilité de telles créances ne peuvent être reportées à la fin du contrat sous peine de vider l’institution de son sens.

ATF 147 III 78 (f)

2020-2021

Délai de prescription des actions en délivrance et en rectification du certificat de travail. Les actions en délivrance et en rectification du certificat de travail sont soumises au délai de 10 ans de l’art. 127 CO, à l’exclusion du délai de 5 ans prévu à l’art. 128 ch. 3 CO. Il ressort en effet de l’interprétation de l’art. 128 CO que s’agissant des actions des travailleurs, le délai spécial figurant au ch. 3 de cette disposition ne s’applique qu’en lien avec les créances de salaire et non avec les autres créances découlant des rapports de travail.

Suspension du délai de prescription en cas de procédure judiciaire. La phrase « lorsque la juridiction saisie clôt la procédure » de l’art. 138 al. 1 CO doit être interprétée en ce sens qu’un délai de prescription interrompu par le dépôt d’une requête en conciliation, d’une action ou d’une exception ne recommence à courir que lorsqu’une décision finale ne pouvant plus faire l’objet d’un appel ou d’un recours est rendue, c’est-à-dire lorsque la suite des instances est épuisée. L’introduction d’un recours ou d’un appel, le renvoi à l’autorité précédente et les moyens de droit extraordinaires que sont la révision, l’interprétation ou la rectification ne font donc pas débuter un nouveau délai de prescription.

ATF 146 III 14 (d)

2019-2020

Art. 60 CO al. 1 , Art. 130 CO al. 1

Dommage différé (amiante), prescription. L’arrêt de la CourEDH dans l’affaire Howald Moor c. Suisse n’a pas modifié la jurisprudence du TF relative au point de départ du délai de prescription. Lorsque le fait dommageable consiste en l’exposition d’une personne à des poussières d’amiante pendant une certaine durée, le dies a quo du délai de prescription correspond au jour où cesse l’exposition ou, le cas échéant, au jour où des mesures de protection adéquates sont prises.

ATF 146 III 25 (d)

2019-2020

Art. 60 CO al. 1 , Art. 130 CO al. 1 , Art. 6 CEDH al. 1

Dommage différé (amiante), prescription. Le législateur suisse a finalement décidé de s’en tenir au système des délais de prescription relatif et absolu, sans solution transitoire spécifique pour les dommages corporels liés à l’amiante. On ne peut pas déduire de l’arrêt de la CourEDH dans l’affaire Howald Moor c. Suisse une exclusion de principe des délais de prescription absolus. En l’espèce, la demande en justice des héritiers de la victime ayant été déposée 37 ans après le dernier acte dommageable possible, il n’est pas disproportionné de la considérer comme prescrite.

Art. 60 al. 1, 67 al. 1, 23 et 24, 28 CO

Vices du consentement ; action en répétition de l’indu et en paiement de dommages-intérêts ; prescription. Les délais relatifs d’un an des art. 60 al. 1 et 67 CO commencent à courir dès que le lésé a connaissance de suffisamment d’éléments lui permettant de fonder et motiver une action en justice. Il doit avoir la connaissance effective du dommage (nature et traits essentiels), respectivement connaître la mesure approximative de l’atteinte à son patrimoine, l’absence de cause du déplacement et la personne de l’enrichi. Dans les deux cas, il peut être attendu du créancier qu’il se procure les informations nécessaires à l’ouverture d’une action. Le dol au sens de l’art. 28 CO est une notion moins exigeante que l’escroquerie pénale qui impose l’existence d’une tromperie astucieuse. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le délai de prescription plus long de l’action pénale à un dol civil (art. 60 al. 2 CO). L’existence d’une erreur essentielle (art. 23 et 24 CO) portant sur un fait futur est niée à l’égard de l’administratrice de la société acheteuse du terrain qui pensait obtenir une dérogation lui permettant de construire ; dans le cas d’espèce, aucune circonstance ne permettait de tenir ce fait pour certain. Le fait qu’une construction récente ait été possible dans le même secteur n’est d’aucun secours.

Art. 23 ss CO

Erreur essentielle. L’erreur permettant d’invalider un contrat doit être essentielle (art. 23 s. CO) ; tel est le cas si elle porte sur un fait objectivement essentiel à la conclusion du contrat et que ce fait était subjectivement essentiel dans la décision de conclure de la partie invoquant l’erreur ; l’erreur essentielle peut porter sur un fait futur dont la partie qui veut invalider le contrat croyait – au moment de conclure – qu’il se produirait certainement ; en cas de vice du consentement, le contrat est en principe invalide depuis le début (ex tunc) et les prestations effectuées doivent être restituées (art. 641 al. 2 CC ou art. 62 ss CO). Toutefois, les contrats de durée partiellement ou entièrement exécutés sont invalidés avec effet ex nunc, laissant ainsi l’accord des parties intact jusqu’à invalidation.

Art. 60, 130, 134 CO

Prescription. L’action en dommages-intérêts de la veuve de l’employé contre l’employeur en raison du fait que ce dernier n’a versé aucune cotisation AVS à son salarié n’est pas une action fondée sur une obligation contractuelle ; l’art. 130 al. 1 CO n’est donc pas applicable. La recourante soutient en outre qu’au sens de l’art. 134 al. 1 ch. 6 CO – qui prévoit la suspension de la prescription tant qu’il est impossible de faire valoir la créance devant un tribunal suisse – la prescription était suspendue jusqu’à la naissance de sa rente de veuve. Le Tribunal fédéral rappelle cependant que la jurisprudence interprète restrictivement ladite disposition et que cette dernière ne saurait être utilisée pour contourner le fait que la prescription décennale de l’art. 60 al. 1 CO ou celle des art. 127ss CO court sans égard à la survenance du dommage et à la connaissance que le lésé peut en avoir (consid. 5.2). Se référant à l’affaire Moor contre Suisse, la recourante tente par ailleurs de se prévaloir du fait que l’autorité intimée aurait violé l’art. 6 § 1 CEDH. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il était en effet tout à fait possible pour la recourante d’agir avant que la prescription ne soit acquise. En conséquence, le Tribunal fédéral confirme que la créance de la recourante est prescrite et que le grief de violation de l’art. 6 § 1 CEDH est infondé (consid. 5.3).

Art. 135 al. 2 CO

Interruption de la prescription par ouverture d’action. Le dépôt d’une requête en conciliation vaut ouverture d’action, de sorte qu’elle interrompt la prescription. Lorsqu’une requête est rejetée en raison de l’ouverture contre une personne qui n’a pas qualité pour défendre ou par une personne qui n’a pas la qualité agir, une nouvelle requête peut être déposée. Celle-ci ne rétroagit toutefois pas à la date de la première requête. Dans le cas d’une société simple, les associés – qui sont titulaires en commun des créances de la société simple et forment à ce titre une consorité nécessaire – doivent ouvrir action ensemble afin d’interrompre la prescription. Si un seul des associés ouvre d’abord action et que l’action se prescrit avant que tous n’ouvrent action, la prescription est acquise, faute d’interruption valable (consid. 3.1).

ATF 141 III 522

2015-2016

Art. 127 ss CO

Prescription des créances de la succession contre un héritier.

L’indemnité due par un héritier à la communauté héréditaire pour l’usage d’un bien successoral se prescrit aussi durant l’indivision. Les causes de suspension de la prescription énumérées à l’art. 134 al. 1 CO sont exhaustives (consid. 2.1.3.1).

ATF 142 V 20

2015-2016

Art. 127 ss et 135 CO

Prescription de la créance en restitution.

Les créances en restitution des prestations de la prévoyance professionnelle touchées indument se prescrivent dans un délai absolu de cinq ans et un délai relatif d’un an à compter du moment où l’institution de prévoyance a eu connaissance des faits. Ces délais sont des délais de prescription et peuvent donc être interrompus (consid. 3.3).

TF 4F_15/2014

2015-2016

Art. 6 CEDH

Prescription.

L’institution de la prescription est incompatible avec l’art. 6 CEDH, lorsque les dommages se révèlent longtemps après l’atteinte. Le TF ne se prononce pas sur des critères généraux d’incompatibilité, mais renvoie, dans le cas d’espèce, à l’instance cantonale supérieure pour nouvelle décision, sans tenir compte de la prescription (consid. 3 non publié à l’ATF 142 I 42).

Commentaire
Publié en partie à l’ATF 142 I 42

Art. 46 LCA et art. 131 CO

Prescription des créances relevant du contrat d’assurance. Les indemnités journalières pour cause de maladie viennent remplacer le revenu de l’assuré. A ce titre, elles doivent être versées à intervalles réguliers et constituent dès lors des redevances périodiques. Ainsi, elles se prescrivent de manière individuelle, depuis le jour où chaque indemnité peut être exigée par l’assuré. Lorsque le droit à l’indemnité est incertain, la prescription pour toutes les indemnités journalières antérieures ne court qu’à partir du jour où l’incapacité de travail est établie au moyen d’un certificat médical et que le délai d’attente est écoulé. Toutefois, si le contrat prévoit que, en cas d’incertitude, les indemnités journalières seront versées d’avance, la prescription commence à courir dès l’exigibilité de chaque indemnité.

Art. 67 al. 1 CO

Délai de prescription ; enrichissement illégitime. Les prétentions en restitution peuvent prendre naissance par contrat, acte illicite ou par enrichissement illégitime. Elles se prescrivent par des termes différents selon leur origine. La pratique actuelle tend à privilégier l’aspect contractuel et donc à restreindre le champ d’application de l’enrichissement
illégitime. La prestation réalisée dans l’exécution d’un contrat, qui en constitue donc le fondement juridique, ne peut pas être constitutive d’enrichissement illégitime. Toutefois, le simple fait que la prestation soit faite dans le cadre
d’un contrat ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit également de son fondement. Le TF a conclu que la restitution de prestations effectuées en vertu d’un contrat nul, pour un vice de volonté ou de forme ou à cause d’une condition suspensive non réalisée, se fonde sur les règles de l’enrichissement illégitime. En revanche, si le contrat est valablement conclu, mais qu’il est invalidé par la suite, p.ex. par une résolution pour non-exécution, la restitution des
prétentions est régie par les règles contractuelles. En l’espèce, le TF a estimé que les faits n’étaient pas suffisamment déterminés et ne lui permettaient pas d’appliquer le droit fédéral, à savoir d’établir si la prestation litigieuse se prescrit selon l’enrichissement illégitime ou les règles contractuelles.

Art. 67 al. 1 CO

Abus de droit à invoquer la prescription ; enrichissement illégitime. Selon l’art. 67 al. 1 CO, l’action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition. Le lésé est tenu pour informé de son droit dès le moment où il connaît approximativement l’ampleur de son
appauvrissement, l’inexistence de la cause de déplacement patrimonial et l’identité de l’enrichi. Alors même que la prescription est a priori acquise au débiteur, le juge doit rejeter l’exception correspondante lorsque ledit débiteur a
astucieusement détourné le créancier d’agir en temps utile. L’exception doit également être rejetée lorsque le débiteur, sans intention maligne, a par son comportement incité le créancier à ne pas entreprendre de démarches juridiques
pendant le délai de prescription. Le comportement du débiteur doit se trouver en relation de causalité avec le retard à agir du créancier, et ce retard doit apparaître compréhensible à l’issue d’une appréciation raisonnable et fondée sur des critères objectifs. En l’espèce, les négociations sur une créance n’entraînent pas de suspension de la prescription.

TF 4A_495/2011

2011-2012

Art. 141 al. 1 et 371 al. 2 CO, art. 2 al. 1 CC

Renonciation à exciper de la prescription par actes concluants ; abus de droit à se prévaloir de la prescription. Lorsque le délai de prescription est écoulé, il est possible de renoncer à soulever l’exception de prescription. La renonciation à la prescription peut résulter d’actes concluants mais nécessite des indices clairs de la volonté univoque du débiteur, comme par exemple la constitution d’une sûreté. Le fait pour l’entrepreneur général d’informer par courrier le maître d’ouvrage qu’il va notamment intervenir auprès du sous-traitant pour que les réparations demandées soient réalisées et qu’un mandat a été conféré à un professionnel pour effectuer divers réglages ne peut être interprété comme une déclaration de renonciation à invoquer la prescription. Il n’y a abus de droit à se prévaloir de la prescription que lorsque le débiteur amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile ou lorsque son comportement, sans mauvaise intention, incite le créancier à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant ce délai et que ce retard apparaît compréhensible, selon une appréciation raisonnable fondée sur des critères objectifs. Il faut de plus un lien de causalité entre le comportement du débiteur et le retard du créancier. Un document intitulé « Garantie pour votre villa », par lequel l’entrepreneur fait savoir qu’il n’ignore pas que l’échéance du délai de prescription approche et requiert du maître d’ouvrage une liste des travaux qui seraient selon lui couverts par la garantie pour les défauts afin de vérifier ladite liste et de la transmettre aux sous-traitants concernés, ne constitue pas une invitation faite au maître d’ouvrage à ne pas entreprendre de démarches pour interrompre le délai de prescription. Le comportement de l’entrepreneur ne constitue donc pas un abus de droit.

TF 4A_699/2011

2011-2012

Art. 130 al. 2 CO

Prêt de durée indéterminée ; dies a quo du délai de prescription. Dans un contrat de prêt de consommation de durée indéterminée sans terme prévu pour la restitution, l’obligation de rembourser prend naissance dès la conclusion du contrat et est donc soumise à l’art. 130 al. 2 CO. La résiliation du contrat peut ainsi intervenir dès sa conclusion, en observant le délai d’avertissement de six semaines prévu à l’art. 318 in fine CO. Dès lors et pour un contrat conclu en date du 29 mars 1999, l’avertissement pouvait être donné au plus tôt pour le 11 mai 1999, de sorte que le délai de prescription s’est écoulé dès ce jour et est arrivé à échéance le 11 mai 2009 conformément à l’art. 127 CO.