Droit des obligations et des contrats

Survenance d’un cas d’assurance, degré de la preuve. En matière de contrat d’assurance, il revient à l’ayant droit de prouver les faits qui fondent sa prétention et l’étendue de celle-ci, dont notamment la survenance d’un cas d’assurance. La jurisprudence admet un allègement du degré de la preuve en matière d’assurance contre le vol, car il est très difficile d’apporter une preuve stricte qu’un objet a bel et bien été volé. Il en va autrement en matière d’incapacité de travail : celle-ci peut-être facilement prouvée par un certificat médical. Partant, le degré de preuve ordinaire s’applique à l’incapacité.

Prétention frauduleuse, degré de la preuve. D’une manière générale, un allègement du degré de la preuve à la seule vraisemblance prépondérante suppose une difficulté particulière (Beweisnot). L’assurance qui entend se prévaloir de l’art. 40 LCA pour refuser des prestations doit prouver que les faits ont été présentés de manière contraire à la vérité, et ce avec l’intention de tromper. Comme l’intention de tromper relève de la psychologie interne, une vraisemblance prépondérante suffit. En revanche, sauf cas particulier, la présentation des faits contraire à la vérité est une condition objective, dont la preuve doit donc être apportée de manière stricte.

Art. 18 CO al. 1

Distinction entre assurance de sommes et assurance de dommages. L’assurance de sommes garantit une prestation prédéfinie qui doit être versée si l’événement assuré survient, ce indépendamment d’un éventuel dommage. En revanche, dans l’assurance de dommages, l’existence d’une perte patrimoniale effective est une condition du droit aux prestations. Les deux types d’assurance poursuivent un but similaire ; le critère de distinction réside plutôt dans les conditions de la prestation d’assurance. Il faut procéder à une interprétation des conditions générales et des autres documents contractuels. On peut relever que les assurances collectives conclues par une entreprise pour son personnel sont typiquement des assurances de dommages. Pour limiter le nombre important de litiges relatifs à la nature de l’assurance, le Parlement a adopté le 19 juin 2020 un nouvel art. 3 al. 1 let. b LCA, qui prévoit expressément que l’assureur doit renseigner le preneur d’assurance sur cette question (cf. FF 2020 5496).

Art. 18 al. 1 CO

Assurances privées, conditions générales d’assurance, exclusion de couverture ; un courtier en assurance qui donne un conseil à un employé qui souhaite devenir indépendant et lui assure que sa prestation de libre-passage est garantie par le fonds de garantie LPP alors que cette dernière information est erronée manque à son devoir de diligence et viole ainsi le contrat. Dans une telle situation, si l’assureur RC – qui exclut, de manière insolite, la couverture d’assurance en cas de faillite dans ses conditions générales d’assurance – tombe en faillite, un grand nombre de personnes peuvent subir des pertes. Toutefois, les assureurs responsabilité civile ne seraient confrontés à un grand nombre de sinistres que si un grand nombre de personnes concernées étaient en mesure d’en faire la demande. Cependant, si l’insolvabilité du courtier en assurance à l’origine de la responsabilité ne constitue pas un manquement à son devoir de diligence, il n’y a pas lieu de craindre une telle accumulation des créances. Pour ce faire, il faudrait plutôt accumuler les manquements à l’obligation de diligence raisonnable donnant lieu à la responsabilité, car ils donnent lieu à des réclamations contre l’assurance-responsabilité. Il revient par conséquent à l’assurance RC d’assumer le manque de clarté de ses conditions générales.

Art. 28 al. 2 et 4 LACI en relation avec la LCA.

Rappel de jurisprudence : les « indemnités journalières » prévues par l’art. 28 al. 2 LACI comprennent non seulement les indemnités de l’assurance-maladie sociale facultative régie par les art. 67ss LAMal, mais aussi celles d’assurances complémentaires soumises à la LCA (ATF 128 V 176, consid. 5).

En vertu de l’art. 15 al. 3 OACI, l’assurance-chômage doit avancer à l’assuré les prestations que pourrait verser l’assurance-invalidité, dans l’attente d’une décision de cette dernière. Mais cela ne crée pas de cas de surassurance. Ce motif ne permet donc pas à une compagnie d’assurance privée d’être exonérée de l’obligation de verser ses prestations dues contractuellement. En effet, les prestations versées par l’assurance-chômage ne sont qu’allouées provisoirement, sans qu’il n’existe de droit d’obtenir des prestations de l’assurance-invalidité.

Par ailleurs, l’art. 70 al. 2 LPGA ne s’applique pas dans les relations entre l’assureur-chômage et l’assureur perte de gain maladie soumis à la LCA (rappel de l’arrêt 8C_791/2016, consid. 5.1).

Art. 51 al. 2 CO et 72 al. 1 LCA

L’assurance privée qui indemnise une victime peut se retourner contre le responsable du préjudice pour obtenir le remboursement de la réparation payée à la victime, quel que soit le fondement de la responsabilité de l’auteur du préjudice. Par rapport au responsable objectif de l’accident, l’assureur privé doit, sur la base de l’art. 72 al. 1 LCA, être traité de la même manière que les assureurs sociaux qui sont subrogés aux droits de la victime dans la mesure des prestations légalement dues. Lorsqu’un responsable objectif cause un accident, il commet un acte illicite au sens de cette disposition, même si l’accident n’est pas dû à une faute de sa part. En effet, l’art. 72 al. 1 LCA n’exige pas de faute, un acte illicite suffit. Tout état de fait appréhendé par une responsabilité objective aggravée ou simple, c’est-à-dire toute responsabilité extracontractuelle au sens des art. 41 ss CO, tombe dès lors sous la notion d’acte illicite au sens de l’art. 72 al. 1 LCA. L’art. 51 al. 2 CO, régissant le recours interne entre personnes en vertu de causes juridiques différentes, ne trouve pas application (Müller, Newsletter rcassurances.ch 7/2017).

Art. 20 al. 3 LCA ; conséquences de la demeure, suspension de la couverture ; assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie, moment du sinistre.

Lorsque l’assuré se trouve en demeure dans le paiement des primes, la couverture d’assurance est suspendue (art. 20 al. 3 LCA). L’assurance n’a, par conséquent, pas l’obligation de couvrir les sinistres survenus après la sommation (art. 20 al. 3 LCA ; consid. 2.3). Le cas d’assurance survient au moment de l’incapacité de travail et non de la première manifestation de la maladie. En l’espèce, l’incapacité de travail survenant pendant la suspension de la couverture d’assurance, en raison du non-paiement des primes par l’employeur, n’est pas couverte et ceci même si la maladie (burnout) s’était déjà manifestée auparavant (consid. 3).

Art. 9 LCA et 4 de la Convention de libre passage entre assureurs d’indemnités journalières maladie (ci-après : Convention de libre passage) ; interdiction de l’assurance rétroactive, assurance indemnités journalières collective.

L’art. 4 al. 2 Convention de libre passage de l’Association suisse d’assurance ne viole pas l’interdiction de l’assurance rétroactive (art. 9 LCA ; consid. 7.2). En l’espèce, un accord entre l’assuré et la nouvelle assurance selon lequel cette dernière doit assumer, aux conditions de l’ancien contrat d’assurance, les sinistres en cours est admissible (consid. 7.2).

ATF 141 III 539

2015-2016

Art. 53 al. 1 et 71 al. 1 LCA

Calcul de l’obligation d’indemniser lors de double assurance.

En cas de double assurance (art. 53 al. 1 LCA), la détermination de la responsabilité des assurances peut être difficile lorsque l’un des contrats prévoit que plusieurs objets sont assurés par une somme globale et qu’un seul de ces objets est endommagé alors qu’il est également assuré dans un autre contrat par une somme propre. Il faut alors déterminer, pour le contrat qui prévoit une somme globale, la somme partielle correspondant à l’objet en question. Cette somme partielle est celle qui est assurée par la suite conformément à l’art. 71 al. 1 LCA. Elle se base sur le rapport entre la valeur de remplacement de l’objet endommagé et celle de tous les objets assurés par la somme globale (consid. 5.7.1).

TF 4A_153/2015

2014-2015

Art. 33 LCA

Exclusion de risques.

La simple formulation d’une exclusion d’un risque et de ses suites dans le contrat d’assurance n’est pas suffisante pour permettre à l’assurance de réduire ses prestations lorsqu’un risque couvert et un risque non couvert ont chacun individuellement ou ensemble provoqué la survenance de l’évé Une clause d’exclusion doit en effet être interprétée de façon restrictive puisqu’elle va à l’encontre du but d’une assurance (consid. 4.1 et 4.2.2).

TF 4A_376/2014

2014-2015

Art. 6 et 8 LCA

Maintien du contrat malgré la réticence. En cas de réticence (art. 6 LCA), la déclaration de résiliation de l’assurance doit être motivée avec précision. Elle doit contenir la question qui a reçu une réponse inexacte et préciser de façon circonstanciée en quoi consiste le fait important non déclaré ou inexactement déclaré (consid. 2.3.1). La formule « connaissait ou devait connaître » de l’art. 8 ch. 3 et 4 LCA, montre que l’assurance assume le devoir d’examiner de manière attentive et critique les réponses données aux questions qu’elle a posées. Sans devoir se renseigner et rechercher par elle-même les réponses, l’assurance doit rechercher les informations s’il est nécessaire d’écarter des incertitudes ou d’élucider des contradictions. L’assurance ne peut dès lors pas se prévaloir d’un cas de réticence si elle n’a pas respecté cette incombance (consid. 2.4.1).

TF 4A_644/2014

2014-2015

Art. 46 LCA

Prescription.

Dans la LCA, le point de départ de la prescription n’est pas lié à l’exigibilité de la créance (art. 41 LCA) mais au « fait d’où naît l’obligation » (art. 46 al. 1 LCA). Celui-ci ne se confond pas nécessairement avec la survenance du sinistre. Selon le type d’assurance envisagée, la prestation de l’assurance n’est due que si le sinistre engendre un autre fait précis. Ainsi, en matière d’assurance-accident complémentaire et de couverture en cas d’invalidité, la prescription court dès la survenance de l’invalidité. Précisément, lorsqu’il faut admettre que les mesures thérapeutiques destinées à conjurer ou à limiter l’atteinte ont échoué. Par contre, il n’est pas nécessaire que l’invalidité soit définitivement déterminée. Son principe est suffisant, à moins que le contrat d’assurance ne prévoie un taux minimal afin que le cas d’assurance soit réalisé. De plus, le moment où l’assuré a eu connaissance de son invalidité n’est pas déterminant. L’art. 46 al. 1 LCA fixe le point de départ de la prescription de façon objective (consid. 2.3).

Art. 101 LCA

Réassurance. Par un contrat de réassurance, la réassurance prend en charge une partie ou la totalité du risque souscrit par l’assurance primaire auprès de ces assurés. Il s’engage lors de la réalisation du risque en question à verser une prestation financière en contrepartie d’une prime d’assurance. Les contrats de réassurance ne sont pas soumis à la LCA mais au CO (art. 101 LCA). Il n’existe pas de disposition spéciale les régissant. Lors de lacunes ou d’ambiguïtés, les usages commerciaux et la pratique juridique internationale jouent un rôle important, notamment celle des tribunaux anglais. Des prestations de conseils et services offerts suite à la réalisation du risque ne constituent pas des prestations de réassurance au sens propre et ne caractérisent pas ce contrat.

Art. 6 LCA

Réticence ; point de départ du délai de résiliation. En cas de réticence, le droit de résiliation de l’assurance s’éteint quatre semaines après que celle-ci a pris connaissance du fait omis conduisant avec certitude à la violation du devoir d’annonce (art. 6 al. 2 LCA). En l’espèce, il s’agit d’un délai de déchéance lequel court dès la connaissance par le médecin conseil de la réticence commise par l’assuré lors de la conclusion du contrat. Peu importe que le médecin conseil exerce son activité principale auprès de l’assurance ou ne soit qu’un consultant externe, l’assurance doit se laisser opposer cette connaissance. Il s’agit là d’une question d’organisation interne propre à l’assurance n’ayant pas d’impact sur le point de départ du délai.

Art. 46 al. 1 LCA

Prescription des indemnités journalières. Suite au revirement de jurisprudence intervenu à l’occasion de l’ATF 139 III 418, le TF a reconnu qu’en cas d’incapacité de travail attestée par un certificat médical et après l’échéance du délai d’attente, lorsque l’assuré peut exiger une prestation régulière de la part de l’assurance, les créances pour les indemnités journalières ne se prescrivent pas dans leur globalité, mais individuellement, le délai de prescription commençant à courir le jour où chacune devient exigible.

Art. 14 al. 2 LCA

Assurance de choses ; faute grave. En omettant de se préoccuper de savoir si l’installation (bricolée) d’équipements fonctionnant au gaz liquide dans un bateau étaient conformes aux normes et ne présentaient pas de danger, l’assuré a accepté l’éventualité que celles-ci soient défectueuses. Partant, il a violé un devoir fondamental de prudence en ne prenant pas les mesures de précaution les plus élémentaires. Cela constitue une faute grave autorisant la réduction de la prestation d’assurance, dans la mesure répondant au degré de la faute.

Art. 6 LCA

Réticence ; résiliation. En cas de réticence, l’assurance peut se départir du contrat moyennant une déclaration de résiliation écrite mentionnant avec précision le fait important omis ou inexactement déclaré. Une telle déclaration doit indiquer la question précise à laquelle il n’a pas été correctement répondu sans quoi l’assurance ne peut valablement se prévaloir de la réticence.

Art. 46 LCA

Prescription des indemnités journalières. Le délai de prescription des indemnités journalières commence à courir au moment où l’incertitude concernant un devoir de prestation de la part d’un tiers disparaît (par ex. d’une assurance étatique). C’est uniquement à ce moment-là que tous les faits fondant la prétention à des indemnités journalières sont réunis (consid. 4.2.1).

Art. 61 LCA

L’obligation de réduire le dommage découlant de l’art. 61 al. 1 LCA peut conduire l’assuré à devoir changer d’activité professionnelle, si cela peut être raisonnablement exigé de lui et permet de réduire son incapacité de travail. Toutefois, une analyse médico-théorique ne permet pas à elle seule d’appliquer l’art. 61 al. 2 LCA. Celle-ci ne constitue qu’une étape du raisonnement. Il faut également tenir compte de l’état du marché du travail et des chances réelles de l’assuré de trouver un travail malgré son atteinte fonctionnelle. Ainsi, une analyse concrète de la situation doit être effectuée. En outre, le
tribunal doit examiner si en fonction de la formation, de l’expérience et de l’âge de l’assuré, un changement d’activité peut réellement être exigé de lui.

Art. 46 LCA

Prescription des créances dérivant du contrat d’assurance. Afin de connaître le « fait d’où naît l’obligation » et ainsi le point de départ de la prescription, il faut examiner le contrat d’assurance et établir quel est le sinistre assuré, respectivement quels éléments constitutifs doivent être réunis pour que l’assureur ait l’obligation d’indemniser l’assuré (consid. 1.2). Concernant les rentes pour incapacité de gain découlant du contrat d’assurance, le « fait d’où naît l’obligation » de l’assureur se répète constamment du fait que l’incapacité de gain, qui fonde le droit à la rente, est susceptible de varier ou de disparaître. Chacune de ces rentes est une prestation périodique qui se prescrit individuellement par deux ans (art. 46 al. 1 LCA ; art. 126 CO). Quant à la prescription du rapport de base, si l’art. 131 CO doit trouver application, l’on ne saurait lui appliquer le délai très court de l’art. 46 al. 1 LCA, mais plutôt celui de l’art. 127 CO (consid. 2.5).