Droit administratif

ATF 145 II 252 (f)

2019-2020

Art. 29a Cst., Art. 2 LMI al. 7, Art. 2 LMI al. 9 ch. 1

Marchés publics ; droit à une décision ; concession de monopole ; patrimoine financier. La Ville de Genève attribue à une entreprise privée le mandat d’exploiter l’hôtel B. et le restaurant C., ainsi que leur transformation. Une entreprise éconduite voit son recours déclaré irrecevable faute de décision attaquable. Se pose la question de savoir si l’attribution contestée constitue une passation d’un marché public, ou encore une transmission de l’exploitation d’un monopole communal à une entreprise privée au sens de l’art. 2 al. 7 LMI. Dans les deux cas, elle devrait alors faire l’objet d’une décision sujette à recours (cf. art. 9 al. 1 LMI) au risque pour l’autorité de violer la garantie constitutionnelle de l’accès à un juge (art. 29a Cst.). Le TF refuse tout d’abord de qualifier de marché public l’attribution de l’exploitation de l’hôtel et du restaurant, la Ville de Genève occupant le rôle d’offreur, et non de demandeur. L’attribution simultanée des travaux de transformation est un aspect mineur intégré en tant que mandat ponctuel dans la gestion plus large de l’hôtel et du restaurant. Elle ne pourrait entraîner la requalification de l’opération entière en passation de marché public qu’en présence d’une « opération complexe », jusqu’ici reconnue uniquement pour les attributions comportant un volet « concession d’un monopole d’utilisation du domaine public » et un volet « marché public ». Or les biens du patrimoine financier ne peuvent pas faire l’objet d’un monopole de droit ou de fait, et la transmission de droits sur le patrimoine financier par la collectivité publique à une entreprise privée ne peut pas faire l’objet d’une concession au sens de l’art. 2 al. 7 LMI. En l’espèce, l’hôtel appartient bien au patrimoine financier de la Ville de Genève non seulement sous l’angle historique et comptable, mais également parce qu’il ne constitue pas un moyen de réaliser une tâche publique ni ne vise à atteindre un intérêt public. Dans ces conditions, l’attribution de sa gestion ainsi que du restaurant ne relève pas de l’art. 2 al. 7 LMI, et n’est pas soumise au droit des marchés publics. Le prononcé cantonal d’irrecevabilité est confirmé.

Art. 26 Cst. ; 679 et 684 CC

Exploitation d’un centre pour requérants d’asile ; tâche publique ; expropriation ; immissions. L’exploitation d’un centre pour requérants d’asile sert notamment à la prise en charge des requérants d’asile et donc à l’accomplissement d’une tâche publique. Les immissions liées à cette exploitation peuvent donner droit à une indemnité pour cause d’expropriation des droits civils, pour autant que la gêne qu’elles entraînent atteigne une intensité telle qu’elle dépasse le seuil de l’acceptable.

ATF 143 III 242

2017-2018

Art. 679 CC

Eaux publiques ; responsabilité du propriétaire foncier ; responsabilité causale ; responsabilité étatique ; responsabilité du canton pour le fait d’un tiers. Le propriétaire foncier a qualité pour défendre à une action fondée sur l’art. 679 CC non seulement lorsqu’il cause lui-même un dommage, mais également quand celui-ci est le fait d’une tierce personne qui utilise directement son immeuble et qui y est autorisée en vertu du droit privé ou public. Cet article trouve aussi application lorsque le fonds d’où émane l’atteinte appartient à une collectivité publique. Tel est le cas sans restriction lorsque ce fonds ressortit au patrimoine financier de la collectivité publique concernée (composé de biens servant indirectement à remplir des tâches publiques) vu que ces biens sont en principe gérés selon le droit privé. Quant aux biens du patrimoine administratif (qui servent directement à remplir une tâche publique, tels que gares, hôpitaux ou écoles) et ceux destinés à l’usage commun, ils peuvent rester soumis au droit privé dans la mesure compatible avec leur affectation et pour autant que la loi ne prescrive pas une solution différente ; un examen du cas concret est donc nécessaire pour déterminer si l’accomplissement de tâches publiques déterminées par la loi exclut l’application du droit civil. Toutefois, si les immissions proviennent de l’utilisation, conforme à sa destination, d’un ouvrage d’intérêt public pour la réalisation duquel la collectivité disposait du droit d’expropriation, et si la tâche publique ne peut pas être exécutée sans provoquer des immissions dans les environs (immissions inévitables ou ne pouvant être écartées sans frais excessifs), le voisin ne peut pas exercer les actions du droit privé prévues à l’art. 679 CC. Dans un tel cas, la prétention au versement d’une indemnité d’expropriation se substitue à ces actions et il appartient non plus au juge civil, mais au juge de l’expropriation de statuer sur l’existence du droit à l’indemnité et sur le montant de celle-ci. En l’espèce, à l’instar du propriétaire d’immeuble qui répond de l’usage illicite qu’en fait son fermier, le canton engage sa responsabilité du fait d’inondations consécutives à une remontée de la nappe phréatique, provoquée par des travaux d’extraction industrielle de gravier dans le lit du Rhône effectués à une profondeur plus basse que la limite fixée dans l’autorisation délivrée par le canton.

Art. 58 al. 1 LCR

Responsabilité pour les dommages causés pendant l’examen du permis de conduire ; notion de détenteur. Le détenteur d’un véhicule est la personne qui utilise ledit véhicule pour son usage et dans son intérêt propre, qui en a la maîtrise et qui assume les risques liés à son utilisation. En l’espèce, le canton ne peut pas être considéré comme détenteur de la voiture d’auto-école utilisée durant l’examen, en raison notamment de la durée de l’utilisation du véhicule, de son but et de l’intérêt en cause. L’auto-école n’a aucune obligation de prêter une voiture pour l’examen pratique, elle la prête à des fins commerciales, de sorte qu’elle en reste détentrice et ce indépendamment du fait qu’elle n’a pas d’influence sur ce qui se produit pendant l’examen.

ATF 143 I 37 (f)

2016-2017

Art. 5 al. 2, 27, 94 Cst.

Activité de valet de parking sur le site de l’Aéroport International de Genève (ci-après : l’Aéroport) ; patrimoine administratif ; liberté économique ; proportionnalité.

Les parkings dont l’Aéroport est propriétaire font partie de son patrimoine administratif. En vertu du droit fédéral et cantonal, l’Aéroport a la compétence et l’obligation de les gérer dans le respect des impératifs d’intérêt public poursuivis ; il peut ainsi poser des conditions à leur usage et limiter une utilisation qui n’est pas conforme à leur but premier. Tel est le cas de l’activité de valet de parking exercée sans concession ou autorisation écrite. Le recourant ne peut se prévaloir de sa liberté économique au sens de l’art. 27 Cst. lorsqu’il entend utiliser les parkings de l’Aéoroport pour exercer son activité à d’autres fins (usage extraordinaire) que le but d’intérêt public poursuivi par l’Aéroport en lien avec les parkings de courte durée du site aéroportuaire. Le recourant peut néanmoins invoquer sa liberté écomique pour se plaindre d’une inégalité de traitement avec des entreprises concurrentes en lien avec cet usage.