Droit administratif

Art. 26 Cst. ; 28 Cst./FR ; 23 LEx/FR

Expropriation partielle ; imposition d’une servitude de passage ; détermination de l’indemnité.

L’imposition d’une servitude de passage sur un fonds constitue une expropriation partielle dont l’indemnité doit être calculée selon la méthode de la différence, laquelle consiste à déduire de la valeur vénale du fonds libre de servitude celle du fonds grevé de la servitude. L’indemnité à verser au propriétaire du fonds grevé correspond donc à la dépréciation de la parcelle, soit au montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante. La valeur vénale déterminante est celle du jour de l’audience de conciliation et l’exproprié ne peut se prévaloir de la perte de valeur de son fonds si au moment de l’acquisition de celui-ci, la servitude était déjà inscrite au registre foncier et si un sentier pédestre avait été mis à l’enquête publique quatre ans plus tôt.

Art. 26 al. 2 Cst.

Indemnité refusée suite au transfert de routes privées dans le domaine public. Selon la jurisprudence, le transfert d’un chemin privé dans le domaine public ne fait généralement subir aucune perte de patrimoine à l’exproprié. Ce dernier peut continuer à user du chemin en conservant tous les avantages et en étant déchargé de certains inconvénients. Les servitudes de passage grevées sur une route privée ne lui confèrent en principe aucune valeur propre, à moins d’avoir une possibilité sérieuse d’en tirer un revenu. Dans la mesure où les recourants se limitent à affirmer qu’il subsiste des portions de terrain non grevées de servitudes qui conservent un caractère « constructible » et « utilisable », sans démontrer en quoi la décision de l’instance précédente est entachée d’arbitraire, la critique selon laquelle l’appréciation des juges quant au caractère inconstructible de la parcelle ne saurait être admise. De plus, il n’existe aucune créance potentielle pour la constitution d’un droit de passage, les recourants n’étant plus au bénéfice de procurations leur permettant la négociation des droits de passage avec les propriétaires des parcelles non raccordées au domaine public.

Art. 26 al. 2 Cst. ; 5 al. 2 LAT

Expropriation matérielle à la suite d’une mesure de déclassement. Le classement d’un bien-fonds dans une zone de protection des eaux est qualifié par la jurisprudence de mesure de police au sens étroit, dont il ne découle aucune obligation d’indemnisation. Il existe une exception lorsque l’établissement d’une zone de protection équivaut à un déclassement d’un terrain prêt pour la construction ou équipé et lorsque celui-ci aboutit à une interdiction totale de bâtir. C’est le cas en l’espèce, puisque la parcelle litigieuse est équipée et a accueilli une activité industrielle durant plusieurs années. De plus, l’établissement d’une expertise n’a révélé qu’un danger moyen d’inondations sur la parcelle ; le plan d’alerte développé sur cette base comprend des mesures très simples de sécurisation sans atteindre un coût exorbitant. En revanche, l’expertise a relevé une série de mesures plus coûteuses en cas d’utilisation différente de la parcelle. La mesure de classement ne peut dès lors pas être considérée comme une mesure destinée à prévenir un danger sérieux ou imminent pour les eaux et entraîne par conséquent une indemnisation.

TF 1C_264/2012

2012-2013

Art. 26 al. 2 Cst.

Refus de classement : examen des conditions donnant droit à indemnisation au titre de l’expropriation matérielle. L’attribution de la parcelle du recourant à la zone agricole en 1995 est à qualifier juridiquement comme un refus de classement et non pas comme un déclassement car le plan d’affectation de la ville de Zoug de 1982 n’était pas conforme aux prescriptions de la LAT (consid. 2). En principe, un refus de classement ne peut pas fonder le droit à une indemnité pour expropriation matérielle. La jurisprudence reconnaît toutefois des exceptions à ce principe, notamment lorsque le terrain litigieux est prêt à la construction ou lorsqu’il est déjà raccordé aux installations de l’équipement général et lorsque son propriétaire a déjà engagé des frais importants pour l’équipement ou la construction. Ces conditions sont en règle générale cumulatives. La jurisprudence retient encore d’autres hypothèses pouvant justifier une indemnisation tels que la protection de la bonne foi du propriétaire concerné, ou encore le fait que le terrain se trouve dans un secteur déjà largement bâti. (consid. 5). En l’espèce, on ne se trouve pas en présence d’une exception à la règle de la non-indemnisation car la réalisation de l’équipement de la parcelle était juridiquement trop incertaine (consid. 5.1-5.3) et il n’existe pas d’éléments suffisants justifiant de protéger la confiance qu’aurait pu légitimement avoir le propriétaire dans le classement futur de sa parcelle en zone à bâtir (consid. 5.5).

ATF 138 II 77

2011-2012

Art. 19 LEx

Expropriation des droits de voisinage en raison du bruit du trafic aérien, estimation schématique de la moins-value liée au bruit des avions pour les immeubles de rendement. Pour l’appréciation schématique du dommage causé par le bruit du trafic aérien, dans le cas des immeubles de plusieurs appartements, la CFE peut appliquer le modèle d’évaluation développé par l’un de ses juges spécialisés (modèle CFE), plutôt que le modèle MIFLU II développé pour le compte de l’expropriant. Le montant du dédommagement atteindra 17 % de la valeur courante des biens immobiliers (consid. 6 et 7).

ATF 135 III 633

2009-2010

Art. 928 CC

Trouble de la possession, vol et atterrissage de parapentes. Les prétentions de l’art. 928 al. 2 CC impliquent que le trouble de la possession soit illicite. Une restriction de droit public à la propriété, contenue dans un règlement communal des zones et des constructions, qui autorise le vol et l’atterrissage sans obstacles et sûr de parapentes sur les parcelles prévues à cet effet, peut lever l’illicéité du trouble (consid. 3-5).

ATF 136 II 263

2009-2010

Indemnisation des voisins de l’aéroport de Zurich pour une parcelle acquise après le 1er janvier 1961.

ATF 136 II 263 (recours contre l’arrêt du TAF A-1923/2008 du 26 mai 2009 qui avait fixé au 23 mai 2000, date de la dénonciation des accords de survol avec l’Allemagne, la date déterminante de l’imprévisibilité des immissions). Le 1er janvier 1961 est la date déterminante pour savoir si les immissions sonores excessives dues au trafic aérien étaient prévisibles ou non dans le rayon des aéroports nationaux suisses. L’augmentation des approches par l’Est depuis 2001, en raison des restrictions de l’espace aérien allemand, n’a pas pour conséquence la fixation d’une nouvelle date déterminante pour les propriétaires de biens situés à l’est de l’aéroport de Zurich (consid. 7). Sans égard à la prévisibilité des immissions dues au bruit du trafic aérien, les intéressés conservent toutes leurs prétentions fondées sur les normes de protection de l’environnement, à l’encontre du perturbateur. Nécessité d’une application coordonnée du droit de l’expropriation, de l’environnement et de l’aménagement du territoire (consid. 8).

Art. 26 et 36 Cst.

Négociations avant l’ouverture de la procédure d’expropriation formelle comme condition au respect du principe de proportionnalité. L’expropriation formelle doit respecter les règles régissant la restriction aux droits fondamentaux de l’art. 36 Cst., et en particulier le principe de proportionnalité (consid. 3.1). La question de savoir si ce principe impose de mener des négociations en vue du rachat du bien-fonds avant qu’une procédure d’expropriation ne soit ouverte est laissée ouverte vu que de telles négociations ont été menées en l’espèce de manière sérieuse. Comme les instances politiques compétentes ont refusé l’offre du recourant de leur vendre sa parcelle à CHF 1'100.- le m2, le Bezirksrat, qui menait les négociations, était en droit d’estimer qu’elles refuseraient également la seconde offre de vendre à CHF 1'040.- le m2. Il pouvait également conclure, au vu des prix articulés, que le recourant avait refusé l’offre qu’il avait faite quelques mois plus tôt, d’acheter à CHF 720.- le m2. Dans ces conditions, le Bezirksrat pouvait considérer que les négociations n’avaient plus de chances d’aboutir et ouvrir une procédure d’expropriation. Peu importe qu’il n’ait pas informé le recourant du résultat de l’examen de sa seconde offre avant de rendre sa décision d’expropriation (consid. 3.4).

Indemnisation des voisins de l’aéroport de Zurich pour une parcelle acquise après le 1er janvier 1961.

La jurisprudence du TF selon laquelle seuls les propriétaires qui ont acheté leur immeuble avant le 1er janvier 1961 peuvent prétendre à une indemnité ne peut pas être appliquée aux riverains propriétaires de bien situés à l’est de l’aéroport de Zurich. Ces derniers ne pouvaient en effet savoir, avant la dénonciation des accords de survol avec l’Allemagne, le 23 mai 2000, qu’une partie du trafic aérien serait déviée côté est, par le couloir 28 de la piste de Kloten. S’il est vrai que des avions ont toujours emprunté cette piste, cela constituait une approche exceptionnelle. Or, depuis la dénonciation des accords avec l’Allemagne cette approche est devenue la règle à certaines heures, en particulier tôt le matin, la nuit, le week-end et les jours fériés, soit à des moments où les besoins de repos et de tranquillité sont les plus importants.

ATF 134 II 49

2007-2008

Choix d'un "leading case", parmi 18 procédures traitées par la commission d'estimation, afin de résoudre des questions juridiques de principe (c. 2); Confirmation de la jurisprudence quant au droit à une indemnité d'expropriation en cas de survol d'un bien-fonds; Définition du survol direct, au sens du droit de l'expropriation (c. 5-5.3); In casu, atteinte directe à la propriété foncière niée (c. 5.5); Pour la condition de l'imprévisibilité des immissions de bruit, en cas de réalisation d'une construction sur un bien-fonds ou en cas d'agrandissement d'une construction existante, l'élément déterminant est la conclusion d'un contrat d'entreprise avant le 1er janvier 1961, voire le début des travaux dans la période précédant cette date (c. 7); Dans l'appréciation de la spécialité, des immissions qui pour l'essentiel sont apparues après le 1er janvier 1961, ne peuvent pas être considérées, au détriment du voisin, comme un élément démontrant que le terrain était déjà exposé au bruit (c. 8); Le dommage dû au bruit ne se produit pas uniquement au moment de la vente, dans le cas d'un bien-fonds utilisé par son propriétaire (c. 9), et ce dommage n'est pas considéré comme grave seulement quand la dévaluation de l'immeuble est d'au moins un tiers, une diminution de valeur de 10 % pouvant aussi constituer un dommage grave (c. 10 et 11);

Les effets de l'ouvrage qui sont à l'origine d'augmentations ou de diminutions de valeur sans relation avec l'expropriation, notamment l'avantage d'un emplacement proche de l'aéroport, doivent être totalement ignorés dans l'estimation du dommage; On ne considère comme un avantage particulier au sens de l'art. 22 LEx que celui qui se produit pour un bien-fonds faisant l'objet d'une expropriation partielle, à l’exclusion de l'avantage général profitant à l'ensemble du voisinage, dont font également partie des personnes qui ne sont pas expropriées (c. 12); Des évolutions possibles mais encore incertaines, à la date déterminante pour l'estimation, du niveau de bruit ne doivent pas être prises en considération pour le calcul de l'indemnité (c. 13); Description du modèle d’estimation économétrique, qui tient compte d'aspects "hédonistes", retenu par l'expropriant dans cette procédure (modèle "Minderwert Fluglärm", ou MIFLU; c. 17 et 18); Application de ce modèle pour déterminer la moins-value causée par le bruit aérien sur des maisons familiales et des appartements en PPE (c. 18). Nouvelle détermination de la dévaluation selon le calcul MIFLU (c. 19); Des prestations périodiques pour l'indemnisation ne peuvent être prévues qu'en cas d'expropriation à titre temporaire; Il n'est pas admissible de revoir et de fixer à nouveau une indemnité après une certaine période. La dévaluation causée par le bruit aérien doit être compensée par un paiement en capital (c. 20); Intérêts dus en relation avec une indemnité d'expropriation (c. 21); Question de savoir si le versement de l'indemnité d'expropriation peut être mentionné au registre foncier laissée indécise (c. 22).