Procédure pénale

ATF 145 IV 99 (d)

2018-2019

Art. 84 al. 2 LTF

Entraide internationale ; cas particulièrement important ; violation des principes fondamentaux dans la procédure suisse. Le texte français de l’art. 84 al. 2 LTF (précisant la notion de « cas particulièrement important » de l’al. 1) ne fait référence qu’à la procédure à l’étranger lorsqu’il considère la violation des principes fondamentaux, alors que les versions allemande et italienne se rapportent également à la procédure suisse. En dépit de la teneur du texte français, il faut admettre que la violation des principes fondamentaux dans la procédure d’entraide en Suisse est également propre à fonder un cas particulièrement important au sens de l’art. 84 al. 1 LTF. En effet, il ne se justifierait pas que le TF puisse entrer en matière en cas de violations des principes fondamentaux dans des procédures étrangères et non dans une procédure suisse. Une simple allégation par le requérant d’une violation d’un principe fondamental de procédure (en l’espèce son droit d’être entendu) ne suffit toutefois pas à fonder un cas particulièrement important. Ce n’est que sur la base d’arguments étayés que le TF, dans le cadre de l’examen des conditions de recevabilité du recours, se livrera à un examen préalable des griefs de violation des principes fondamentaux de procédure. Seule une violation substantielle, suffisamment détaillée et présentée de manière crédible permettra alors de conclure à la recevabilité du recours.

CEExtr, Art. 35 ss EIMP

Extradition, délégation de la poursuite ouverte en Suisse. Rien ne fait obstacle à ce que la Suisse extrade en Italie un auteur italien, charge à cet Etat d’assurer également la poursuite des infractions commises en Suisse. Il convient cependant, lorsque plusieurs Etats sont compétents pour poursuivre un crime de corruption d’agents publics étrangers et des infractions connexes, qu’ils se concertent pour désigner l’Etat qui sera le mieux à même d’assurer la poursuite de l’auteur. Bien que l’art 37 al. 3 EIMP dispose que l’extradition est refusée si l’Etat requérant ne donne pas la garantie que la personne extradée ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle, l’extradition ne peut être refusée à l’Italie malgré qu’elle a été sanctionnée par la CourEDH pour ses conditions de détention (Arrêt Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, 43517/09) dans la mesure où le pays requérant a présenté spontanément sa garantie et que, celle-ci étant postérieure à l’arrêt de la CourEDH précité, elle tient manifestement compte des exigences conventionnelles.

TPF RR.2010.176

2010-2011

žArt. 67 EIMP

Entraide pénale internationale, principe de la spécialité. Le respect du principe de la spécialité est présumé en faveur des Etats liés à la Suisse par une convention ou un traité. En pareille hypothèse, l’Etat requis doit rendre l’Etat requérant, présumé de bonne foi, attentif au respect de ce principe, mais il n’a pas à lui demander de garanties préalables. Cette condition est remplie lorsque la décision ordonne la transmission des pièces litigieuses sous réserve de la spécialité. Au surplus, les conventions bilatérales et multilatérales en matière d’extradition et d’entraide judiciaire reposent sur la confiance réciproque entre Etats parties à la convention, notamment en ce qui concerne l’exécution de la convention et le respect du principe de la spécialité. In casu, le recourant n’a pas lieu de craindre que les informations mentionnées au procès-verbal litigieux ne soient utilisées à d’autres fins (notamment fiscales) que celles de la procédure pénale française dans le cadre de laquelle l’entraide est demandée.

Art. 28 al. 3 lit. a EIMP, 74 ; 10 OEIMP ; 5 ch. 1 lit. a CEEJ ; 260ter ch. 1 CP

Entraide en faveur de la France. Organisation terroriste. Remise de moyens de preuve. D’après la jurisprudence du Tribunal pénal fédéral, le contrôle des conditions de l’entraide relatives à la double incrimination doit s’effectuer sur la base de la description de l’état de fait figurant dans la requête. Il ne suffit dès lors pas que le PKK soit considéré comme une organisation terroriste au sein de l’UE et qu’il figure sur la dénommée liste anti-terroriste européenne. En effet, cette liste ne comporte aucune indication permettant de vérifier si le PKK constitue une organisation criminelle selon le droit suisse. La description du PKK dans la requête d’entraide ne satisfait donc pas aux exigences en matière d’exposé sommaire des faits posées aux art. 14 ch. 2 CEEJ et 28 al. 3 let. a EIMP en relation avec l’art. 10 EIMP, ni à celles en rapport avec la double incrimination selon les art. 5 ch. 1 let. a CEEJ et 64 al. 1 EIMP. En outre, la mesure d’entraide requise ne serait pas admissible au regard de l’exigence de la proportionnalité. Les pièces du dossier, dont la transmission était prévue, sont des prises de vue photo- et vidéographiques montrant pour la plupart des camps d’entraînement présumés du PKK et pouvant ainsi servir de preuve de la participation de A à son organisation. L’on ne voit toutefois pas le rapport de ces enregistrements avec la procédure pénale diligentée contre B et d’autres personnes.

ATF 136 IV 16

2009-2010

Art. 80m et 80n EIMP.

Délai de recours en cas de notification d’une décision de clôture à un établissement bancaire.

Le délai de recours part dès la notification à l’établissement bancaire. L’ordonnance de clôture peut être exécutée à l’échéance de ce délai ; il n’y a alors plus de recours possible.

ATF 136 IV 4

2009-2010

Art. 5 al. 1 let. c, art. 74a EIMP et art. 33a OEIMP.

Haïti, fonds Duvallier. Prescription selon le droit suisse. Qualité pour soulever le grief.

Lorsqu’il existe entre la Suisse et l’Etat requérant un traité de collaboration judiciaire qui ne prévoit pas la prise en compte de la prescription selon le droit suisse, cette réglementation, plus favorable à l’entraide, l’emporte sur l’EIMP. De même, si le traité laisse à l’Etat requis la possibilité de refuser l’entraide en raison de la prescription selon son propre droit, l’autorité suisse requise peut également y renoncer. En revanche, en l’espèce, les Etats requérant et requis ne sont pas liés par un traité d’entraide judiciaire, les motifs d’irrecevabilité de l’art. 5 EIMP ne peuvent être ignorés. La prescription est intervenue en 2001 pour l’infraction de participation à une organisation criminelle, de sorte que la demande d’entraide est irrecevable. Les autres agissements décrits (assassinats, crimes contre l’humanité) ne sont pas directement à l’origine des fonds. Nécessité d’adapter la loi dans ce domaine.

ATF 136 IV 44

2009-2010

Art. 120 LTF, art. 104ss. EIMP, art. 342 CP, art. 29 al. 2 Cst.

Exécution en Suisse d’un jugement pénal rendu à l’étranger, décision de l’autorité fédérale, contestation de droit public entre cantons.

L’Office fédéral de la justice décide, après consultation du canton concerné, sur l’acceptation de l’exécution de la peine par la Suisse et par le canton désigné. Ce dernier peut former auprès du TF un recours au sens de l’art. 120 al. 2 LTF contre la décision de l’Office fédéral sur la compétence cantonale, avant la procédure d’exequatur selon l’art. 105s. EIMP.

Art. 80h, 80k EIMP, 9a OEIMP

(BJP 1/2010, n° 682)

Décision de clôture, dies a quo du délai de recours. Qualité pour agir. Le délai de recours contre la décision de clôture est de 30 jours dès la communication écrite de la décision (art. 80k EIMP). Le décompte du délai de recours commence, même en l’absence d’une notification formelle, lorsque l’intéressé a eu effectivement connaissance de la décision. La communication d’une décision à l’établissement bancaire ne vaut pas, en soi, communication aux titulaires de comptes ou aux autres personnes éventuellement touchées par la décision. La qualité pour agir contre une mesure d’entraide judiciaire est reconnue à celui qui est touché personnellement et directement et a un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 80h lit. b EIMP). La personne visée par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). Aux termes de l’art. 9a OEIMP, est notamment réputé personnellement et directement touché au sens de ces dispositions le titulaire d’un compte bancaire dont les pièces sont saisies (lit. a) et le propriétaire ou le locataire qui doit se soumettre personnellement à une perquisition ou a une saisie (lit. b). La jurisprudence constante dénie en revanche cette qualité au détenteur économique d’un compte bancaire visé par la demande, ou à l’auteur de documents saisis en mains d’un tiers, même si la transmission des renseignements requis entraîne la révélation de son identité. S’agissant de l’ayant droit d’une personne morale dissoute, la jurisprudence admet exceptionnellement sa qualité pour recourir s’il démontre, à l’appui de documents officiels, que la société a été liquidée. Il faut en outre que l’acte de dissolution indique clairement l’ayant droit comme son bénéficiaire. L’abus de droit est réservé. La liquidation est abusive lorsqu’elle est intervenue, sans raison économique apparente, dans un délai proche de l’ouverture de l’action pénale dans l’Etat requérant.