Procédure pénale

ATF 148 IV 419 (d)

2022-2023

Mesures de protection ordonnées à titre provisionnel ; détention provisoire ; détention excessive ; indemnisation. Le placement en établissement fermé comme mesure de protection ordonnée à titre provisionnel au sens de l’art. 5 DPMin ne peut pas être assimilée à une détention provisoire donnant droit à une indemnisation en cas de détention excessive.

ATF 149 IV 135 (d)

2022-2023

Droit de recours du ministère public contre une décision de détention provisoire. Cet arrêt marque la fin de la jurisprudence constante concernant l’application de l’art. 222 CPP réglant les voies de droit contre les décisions ordonnant la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, ainsi que la prolongation de ces détentions. Le TF avait jusqu’alors considéré que l’absence de recours possible pour le ministère public contre les décisions (ordonner, prolonger ou libérer) du Tribunal des mesures de contraintes était un oubli du législateur. Cependant, le législateur a clarifié sa position lors de la dernière révision du CPP : seule la personne détenue possède ce droit (art. 222 CPP). Cet arrêt permet d’aligner la jurisprudence avec la volonté initiale du législateur. De plus, la solution retenue jusqu’alors était contraire à l’art. 5 al. 3 CEDH.

ATF 149 IV 35 (f)

2022-2023

Exploitabilité des preuves ; mesure de surveillance secrète ; temporalité ; demande tardive de renouvellement de la mesure. Le ministère public porte la responsabilité de la direction de la procédure : il lui appartient de demander toutes les mesures nécessaires à temps. Une prolongation doit être demandée pendant la durée de la mesure concernée. La demande tardive ne rend pas nécessairement inexploitable l’intégralité des éléments recueillis, eu égard à la faible gravité du vice et aux conditions matérielles remplies, mais la mesure ne saurait rétroagir au-delà du jour de réception de la demande. Ainsi les éléments de preuve récoltés entre la fin de la mesure et la réception de la demande de prolongation sont absolument inexploitables et doivent être détruits.

Détention excessive ; indemnisation pour tort moral ; expulsion pénale. En cas de détention excessive, le prévenu a droit à une indemnisation. Afin de déterminer son montant, il est permis de s’inspirer des règles générales des art. 41 ss CO. Dans le cadre d’une détention injustifiée, il avait été admis que le montant de 200.- par jour de détention était raisonnable. En comparaison, pour une détention qui est justifiée, mais excessive et pour laquelle il est possible de renoncer à une réparation au sens de l’art. 431 al. 3 let. a CPP, un tel montant doit être relativisé. En principe, il n’y a pas lieu de prendre en considération le lieu de vie du prévenu et de l’usage potentiel de l’argent obtenu pour déterminer le montant de l’indemnité. Néanmoins, exceptionnellement dans les répercussions socio-économiques à l’étranger avantageraient excessivement le prévenu, il convient de réduire le montant en conséquence. En cas d’expulsion pénale entrée en force, la prise en compte de manière exceptionnelle de la situation dans le pays d’expulsion où il ne réside pas encore est permise.

Perquisition de domicile ou d’enregistrements ; entraide judiciaire nationale. Les dispositions relatives à la perquisition de domicile (art. 244 CPP) ainsi qu’à la perquisition d’enregistrements (art. 246 CPP) ne sont pas applicables lorsqu’il s’agit de locaux et d’enregistrements d’une autorité cantonale au sens de l’art. 43 al. 1 CPP. Un établissement pénitentiaire étant une autorité cantonale au sens de cet article, le ministère public ne peut alors ni perquisitionner ni séquestrer les enregistrements vidéo effectués en ces lieux sur la base de l’art. 246 CPP. Il doit impérativement passer par la voie de l’entraide judiciaire nationale au sens des art. 43 ss CPP s’il veut avoir accès aux enregistrements vidéo dudit établissement. L’art. 141 al. 2 CPP s’applique pour les preuves recueillies en violation de cette règle.

ATF 148 IV 145 (d)

2021-2022

Droit de participation du défenseur lors de l’investigation policière. Un débat doctrinal concernant la portée des art. 147 al. 1 et 159 al. 1 CPP est tranché dans cet arrêt. Il s’agit de déterminer si le droit d’assister et de participer à l’administration des preuves (art. 147 al. 1 CPP), mentionnant la présence d’un défenseur lors des interrogatoires de police (art. 159 al. 1 CPP), s’applique durant la phase d’investigation policière ou uniquement devant le ministère public et les tribunaux. Alors qu’il avait autrefois admis que le défenseur pouvait participer aux auditions des personnes appelées à donner des renseignements, le TF revient sur sa jurisprudence après avoir effectué une interprétation systématique et historique de la norme. Le droit du prévenu à la présence d’un défenseur (art. 159 al. 1 CPP) a été prévu pour être limité aux auditions par la police, afin qu’il soit assisté d’un avocat et que ce dernier puisse poser des questions. Il ne garantit pas un droit de participation à la défense.

ATF 148 IV 22 (d)

2021-2022

Droits liés à l’expertise ; droit d’être entendu ; choix et récusation de l’expert. Le recourant allègue que l’expertise, qui a été menée pour comparer les munitions retrouvées à son domicile et l’arme utilisée lors des brigandages, n’est pas exploitable, car les règles de procédure des art. 182 ss CPP n’ont pas été respectées. Il invoque tout particulièrement la violation de son droit de s’exprimer sur le choix de l’expert et les questions à lui poser (art. 184 al. 3 phr. 1 CPP). Dans le cas d’espèce, même si une éventuelle violation du droit d’être entendu au sens de l’art. 184 al. 3 CPP cum art. 107 al. 1 let. b et 29 al. 2 Cst., est constatée, elle a été réparée a posteriori, car le recourant a eu accès au dossier complet et a pris connaissance de l’expertise après l’établissement du rapport. Il aurait alors dû faire valoir ses motifs de récusation ou poser des questions complémentaires à ce moment-là. De plus, les parties ont un droit de regard sur l’expert, mais non un droit de le nommer. Les expertises sont donc exploitables si le prévenu a eu accès au rapport et ne s’est pas prononcé après sa consultation.

ATF 148 IV 74 (d)

2021-2022

Réalisation anticipée de cryptoactifs. La réalisation anticipée de fonds virtuels séquestrés en vertu de l’art. 266 al. 5 CPP (ici de la cryptomonnaie) doit être réalisée de manière à préserver les intérêts de le leur titulaire, ainsi que ceux de l’Etat. Il incombe dès lors à l’autorité compétente de préciser les modalités de la réalisation anticipée. Elle se doit de prendre en considération la situation concrète, de même que la nature et les spécificités des valeurs concernées, en particulier lorsqu’il est prévisible que la manière d’opérer la réalisation des fonds est susceptible d’influencer négativement leur valeur sur le marché. L’autorité ordonnant la réalisation doit donc prendre les dispositions nécessaires à exclure un risque de perte, ce qui peut imposer, dans le cas où elle ne disposerait pas des connaissances techniques requises, de recourir à un expert.

ATF 148 IV 82 (f)

2021-2022

Recherches secrètes ; exploitabilité des preuves obtenues de manière illicite. Dès le moment où l’autorité pénale a pris connaissance de l’existence de soupçons de commission d’une infraction, les règles du CPP concernant les mesures de surveillance s’appliquent. Dans le cas d’espèce, l’information a été transmise à la police par une source anonyme, de sorte que l’achat fictif de cocaïne par un policier non identifiable auprès de la personne soupçonnée constitue une recherche secrète au sens de l’art. 298CPP. Cependant, le CPP ne prévoyant pas expressément ce qu’il doit advenir des preuves obtenues grâce à des recherches secrètes effectuées de manière illicite, ce sont les règles générales de l’art. 141 al. 2 CPP qui s’appliquent et non celles de l’art. 289 al. 6 CPP. Les preuves ne devant donc pas être immédiatement restituées ou détruites, leur maintien au dossier ne constitue pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF. Cet arrêt précise aussi les critères de distinction entre les recherches secrètes, l’observation et l’investigation secrète au sens du CPP (consid. 5.1).

Procédure de scellés ; copie forensique des données informatiques ; inexploitabilité des moyens de preuve. L’autorité de poursuite doit demander au juge des scellés d’ordonner la copie-miroir des données informatiques. Elle ne peut pas y procéder elle-même ou par l’intermédiaire d’un tiers (en l’espèce, Fedpol). La gravité des vices qui affectent la procédure entraîne l’inexploitabilité des moyens de preuve.

Conditions de la détention pour des motifs de sûreté ; délai d’attente proportionné avant l’exécution d’une mesure. L’art. 440 al. 1 CPP prévoit que la détention pour des motifs de sûreté peut être prononcée avant ou après l’entrée en force d’un jugement, mais elle est principalement destinée à être prononcée pour un temps limité entre la condamnation et le début de l’exécution de la peine ou de la mesure (TF 1B_186/2015). Le prononcé de la mesure et les délais d’attente pour son exécution dans un établissement approprié sont soumis au principe de la proportionnalité. La proportionnalité de la durée de la détention doit être analysée en rapport avec les efforts déployés par l’Etat pour trouver un établissement approprié pour la personne concernée. Lors de cette analyse, les difficultés propres à chaque individu à trouver un établissement particulier (difficultés linguistiques, refus de se soumettre à une thérapie, ou comportement agressif) sont prises en compte. Cependant, même si aucun établissement n’est disponible, la détention peut être disproportionnée, au sens de l’art. 62c al. 3 CP prévoyant une levée de la mesure si aucune place ne peut être trouvée dans un établissement approprié. Dans le cas d’espèce, l’autorité n’a pas fait suffisamment de démarches pour trouver un établissement approprié, car elle a seulement inscrit le recourant sur une liste d’attente. De plus, le recourant ne posait pas de problème particulier et il avait même exprimé sa volonté de suivre une thérapie. La mesure est donc illicite dans son mode d’exécution, mais les conditions pour une levée de la mesure ou une remise en liberté ne sont pas remplies.

ATF 146 IV 326 (f)

2020-2021

Détention pour des motifs de sûreté. La détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s’il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette de manière sérieuse la sécurité d’autrui (art. 221 al. 1 let. c CPP). Un trafic de haschich de grande envergure et réalisant le cas grave de l’art. 19 al. 2 let. c LStup menace sérieusement la sécurité des adolescents et des jeunes adultes au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CP, car la consommation de cannabis régulière et/ou à haute dose peut troubler le développement physique et psychique de cette population particulièrement vulnérable et générer des addictions. L’art. 221 al. 1 CPP ne suppose pas – contrairement au cas grave de l’art. 19 al. 2 let. a LStup – qu’un grand nombre de personnes voient leur santé mise en danger ; il suffit que la sécurité d’autrui soit compromise de manière sérieuse, sans considération pour le nombre de personnes concernées.

Compétence du tribunal des mesures de contrainte d’aller au-delà des conclusions du ministère public. Le tribunal des mesures de contrainte ordonne une détention provisoire de trois mois alors que le ministère public n’en a requis que deux. Selon la règle, le tribunal des mesures de contrainte est limité par les conclusions du ministère public. S’agissant des mesures de substitution, la jurisprudence l’autorise cependant à ordonner d’autres mesures de substitution que celles proposées par le ministère public, lesquelles peuvent être plus incisives (ATF 142 IV 29, consid. 3.3). En l’espèce, le TF nie cette possibilité en matière de détention provisoire.

Maintien du prévenu en détention avant jugement (pour des motifs de sûreté) dans un centre de détention de haute sécurité. Le prévenu se trouve en isolement dans une section de haute sécurité pour avoir recouru à un usage excessif de la force lorsqu’il exécutait une peine privative de liberté dans un autre établissement pénitentiaire et demande à être placé dans un centre de détention provisoire. La présomption d’innocence commande que les personnes placées en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté soient en principe séparées de celles qui ont été condamnées et sont en exécution de peine. L’exécution de la détention avant jugement dans un établissement pénitentiaire ne peut dès lors entrer en considération qu’en dernier recours, lorsque les circonstances du cas particulier excluent que l’intéressé soit placé dans un centre de détention provisoire. En l’espèce, un changement de comportement n’est pas concevable et des solutions alternatives équivalentes au placement actuel ne sont pas envisageables. Le placement dans l’établissement de haute sécurité est encore justifié pour le moment au vu du comportement de l’intéressé et de sa dangerosité à l’égard des tiers.

Art. 5 CEDH al. 1

Privation de liberté non prévue par le droit suisse. Le maintien d’une personne en détention pour des motifs de sûreté dans l’attente d’une décision de prolongation d’une mesure institutionnelle qui intervient par une décision judiciaire ultérieure indépendante (art. 363 ss CPP) serait, selon le TF, possible par application analogique des art. 221 et 229 ss CPP, dans la mesure où sa jurisprudence à ce propos est constante. La CourEDH estime que le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté aurait en l’espèce pu être évitée si le jugement visant à prolonger la mesure thérapeutique institutionnelle était survenu avant le terme du délai de cinq ans de l’art. 59 al. 4 CP. Le droit pénal ne contient aucune base légale en matière de détention pour des motifs de sûreté en cas de décisions judiciaires indépendantes et, contrairement à ce que prétend le TF, il n’existe qu’un seul arrêt de principe sur ce point précis. En outre, une application par analogie d’une disposition matérielle n’est pas suffisante compte tenu de la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle du condamné et de la nécessité d’une stricte interprétation des exigences relatives à une détention régulière. Partant, la détention subie par le requérant a été prononcée en violation de l’art. 5 par. 1 CEDH. Néanmoins, dans un arrêt daté du 31 mars 2020 (TF 1B_111/2020 [d]), le TF considère que la détention pour motifs de sûreté en vue d’une décision judiciaire ultérieure indépendante ordonnée en application des art. 221 et 229 ss CPP par analogie est conforme à l’art. 5 par. 1 CEDH. Le TF conteste donc l’opinion de la CourEDH exprimée dans l’arrêt I.L. c. Suisse selon laquelle la Suisse n’aurait rendu qu’une seule décision en la matière, de sorte que cette pratique ne s’appuie pas sur une jurisprudence ancienne et constante. Le TF soutient que la jurisprudence pertinente comprend l’ensemble des décisions rendues en matière de détention pour des motifs de sûretés, indépendamment de savoir si elle est ordonnée en vue d’un internement ou d’une mesure thérapeutique institutionnelle. Selon le TF, il s’agit dès lors d’une jurisprudence ancienne et constante qui légitime l’application analogique des art. 221 et 229 ss CPP pour ce domaine.

ATF 145 IV 503 (f)

2019-2020

Art. 221 CPP al. 1 let. a, Art. 231 CPP al. 1, Art. 237 CPP al. 3

Détention provisoire ; risque de fuite ; bracelet électronique comme mesure de substitution. Condamné en première instance à une peine privative de liberté de 18 ans pour l’assassinat de son épouse, le prévenu est placé en détention pour des motifs de sûreté en raison d’un risque de fuite. Il conteste l’existence de ce dernier en faisant notamment valoir sa nationalité suisse, son âge avancé (82 ans) et son état de santé. Le TF estime que l’âge et la santé du recourant ne permettent pas de nier le risque de fuite, qui apparaît au contraire concret en l’espèce, et ce essentiellement car une lourde peine telle que celle prononcée en l’espèce tend généralement, selon la jurisprudence, à augmenter le risque de fuite.

Subsidiairement, le recourant invoque le principe de proportionnalité pour solliciter le port d’un bracelet électronique (art. 273 al. 3 CPP). Se pose ainsi la question de savoir si cette mesure spécifique suffit à pallier le risque de fuite. Si l’art. 273 al. 3 CPP constitue certes une base légale suffisante pour la surveillance électronique dans le contexte de la procédure pénale, une telle surveillance ne peut en l’état actuel être assurée de manière permanente et en temps réel, faute de centrale de surveillance active 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. De même, la police n’est pas en mesure d’intervenir immédiatement. L’effet préventif d’un contrôle rétroactif n’est pas suffisant face à un prévenu présentant un important risque de fuite. Quand bien même la surveillance se ferait en temps réel et avec possibilité d’intervention immédiate de la police, ce système n’est pas sans failles puisque l’individu portant un bracelet demeure en mesure de l’ôter de force ou le rendre hors d’usage, voire de passer la frontière avant que la police ne l’arrête. Aussi, pour estimer l’adéquation de cette mesure de substitution, il doit être tenu compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, en particulier l’intensité du risque de fuite et la nécessité d’assurer la présence du prévenu durant la procédure. In casu, une surveillance électronique ne suffirait pas à prévenir le risque de fuite jugé élevé et concret. Le TF appelle finalement la Confédération et les cantons à mettre en place des structures propres à garantir un système fiable de surveillance en temps réel, cas échéant à adopter la réglementation nécessaire.

ATF 146 I 11 (d)

2019-2020

Art. 13 Cst. al. 2, Art. 36 Cst. al. 1, Art. 141 CPP al. 2

Exploitabilité d’enregistrements effectués au moyen du Système de recherche automatisée de véhicules et surveillance du trafic (RVS). La réalisation et le stockage d’enregistrements par l’entremise de la RVS engendrent une atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui y sont soumises et constituent plus spécifiquement une atteinte grave à l’autodétermination en matière de données. En effet, la possibilité d’une utilisation ultérieure (et secrète) des données collectées par les autorités, ainsi que le sentiment de surveillance qui en découle peuvent entraver considérablement l’autodétermination. L’usage d’un tel système doit dès lors respecter les conditions de l’art. 36 Cst. et notamment reposer sur une base légale formelle, qui en l’espèce fait défaut dans le canton de Thurgovie. Partant, l’atteinte réalisée à la sphère privée par cette surveillance viole les art. 13 al. 2 cum 36 al. 1 Cst. et les preuves réunies par le biais de la RVS sont illicites. Leur exploitabilité dans la procédure pénale doit être évaluée au regard de l’art. 141 al. 2 CPP. Dans la mesure où les infractions retenues in casu sont des délits et non des crimes, il s’impose de conclure à l’inexploitabilité des preuves illicites, l’art. 141 al. 2 CPP étant ainsi pensé que les preuves sont exploitables uniquement si elles sont indispensables pour élucider des infractions graves, soit essentiellement des crimes.

ATF 146 IV 136 (d)

2019-2020

Art. 221 CPP al. 1 let. c

Détention provisoire ; risque de récidive. L’opposition du prévenu contre la prolongation de sa détention provisoire est rejetée en raison du risque de récidive en matière d’infractions contre le patrimoine. La détention provisoire peut être ordonnée s’il existe un risque que le prévenu mette sérieusement en danger la sécurité d’autrui en commettant à nouveau des crimes ou délits graves du même type que ceux déjà commis (art. 221 al. 1 let. c CPP). Une telle détention provisoire peut notamment être prononcée lorsque le risque porte sur des infractions contre le patrimoine ; toutefois, lorsque la mise en danger concerne le patrimoine, le risque de récidive n’est admis qu’en présence d’un pronostic défavorable. Tel est le cas lorsque les menaces de crimes ou délits graves toucheraient les droits des lésés de manière particulièrement dure ou similaire à un acte de violence (Gewaltdelikt). L’évaluation de la gravité du risque de récidive dépend des circonstances concrètes du cas individuel ; la gravité des antécédents du prévenu et sa situation personnelle, notamment financière, constituent des indices concrets qui permettent d’évaluer la probabilité que le prévenu fasse usage de violence et, partant, mette sérieusement en danger la sécurité d’autrui en cas de récidive. En l’espèce, le TF nie le risque de récidive au motif que le prévenu n’a pas causé de préjudice grave, ni commis d’acte de violence et qu’aucun autre indice concret n’indiquait un risque de recours à la violence s’il commettait de nouvelles infractions contre le patrimoine.

ATF 146 IV 36 (f)

2019-2020

Art. 280 CPP, Art. 272 CPP, Art. 277 CPP, Art. 30 EIMP

Enregistrements à l’étranger par le biais d’une mesure technique de surveillance. Conformément au principe de territorialité, les mesures techniques de surveillance (art. 280 CPP), en leur qualité de mesures de contrainte, ne peuvent être mises en œuvre dans un Etat étranger que sur la base d’un traité international, d’un accord bilatéral ou du droit international coutumier. A défaut d’un fondement dans le droit international, elles ne peuvent l’être qu’en vertu du consentement préalable de l’Etat concerné. Dans ce dernier cas de figure, les règles régissant l’entraide judiciaire doivent être observées.

Art. 221 CPP al. 1 let. c

Détention provisoire en cas de risque de récidive. Le prévenu est placé en détention provisoire en raison du risque de récidive en matière de vol de téléphones portables. La détention provisoire en vue d’éviter une récidive n’est autorisée que si l’on craint que le prévenu ne mette sérieusement en danger la vie d’autrui en commettant le même type de crimes ou de délits graves (art. 221 al. 1 let. c CPP). Or, les vols de téléphones portables reprochés au prévenu ne constituent pas des infractions contre le patrimoine particulièrement graves. De plus, les circonstances ne laissent pas présager que le prévenu puisse mettre en danger la sécurité d’autrui en cas de récidive. Le recours est admis et la cause est renvoyée à l’instance précédente pour qu’elle examine si des mesures de substitution peuvent être ordonnées.

Art. 249 CPP, Art. 250 CPP, Art. 7 Cst.

Proportionnalité d’une fouille corporelle intégrale. Une fouille corporelle à l’occasion de laquelle le prévenu est appelé à se dévêtir complètement et à s’accroupir pour permettre aux policiers de réaliser une inspection anale est disproportionnée et donc illicite si elle se fait en l’absence d’indices concrets que le prévenu dissimule des objets ou substances interdites dans cette partie du corps et qu’il présente des risques de danger pour lui-même ou autrui. L’existence de motifs d’arrestation provisoire ne suffit donc pas. En effet, à la lumière de la jurisprudence du TF et de la CourEDH, une telle fouille, si elle n’est pas en soi illégitime, suppose néanmoins des signes de dangerosité dans le cas d’espèce et doit être réalisée de sorte à limiter le degré de souffrance ou d’humiliation qui est inévitablement engendré par ce type de traitement. Il s’impose d’examiner si le comportement du prévenu dénote une certaine agressivité et notamment si l’infraction qui lui est reprochée repose ou non sur la violence. Enfin, le fait qu’une fouille avec déshabillage soit praticable ne saurait justifier qu’il y soit procédé de manière systématique, le respect des droits fondamentaux du prévenu (notamment la dignité humaine, art. 7 Cst.) et le principe de proportionnalité devant être observés dans chaque cas.

Art. 431 CPP al. 1

Indemnisation du tort moral en raison d’une détention provisoire. Le recourant est acquitté en seconde instance mais sa demande d’indemnisation pour une détention provisoire injustifiée de près de 24 heures est rejetée. Si l’accusé est acquitté en tout ou en partie ou si les poursuites engagées contre lui sont abandonnées, il a droit à une indemnisation en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (art. 429 al. 1 let. c CPP). Une arrestation suivie d’une détention d’une durée totale supérieure à trois heures constitue une atteinte à la liberté pouvant donner lieu à une indemnisation. La durée de tout interrogatoire formel pendant ces heures ne doit pas être prise en compte. En l’espèce, compte tenu de la durée de son audition, le recourant a subi une détention provisoire injustifiée de 18 heures et 30 minutes : il ne s’agit pas d’une simple détention policière qui n’entrave que temporairement la liberté personnelle, laquelle ne donne pas lieu à une indemnisation. Le TF conclut dès lors que le refus d’indemnisation viole le droit fédéral.

ATF 144 IV 370 (f)

2018-2019

Art 280, 281, 269 CPP

Conditions et exécution d’une surveillance secrète par balise GPS. Selon l’art. 280 let. c et le renvoi exprès de l’art. 281 al. 4 CPP, les mesures techniques de surveillance sont régies par les art. 269 à 279. Or, les art. 269 et 273 CPP prévoyant des conditions différentes quant à la mise en œuvre de ces mesures, il s’agit de déterminer laquelle de ces normes est applicable à l’exécution d’une surveillance secrète par balise GPS. L’art. 273 CPP doit alors être considéré comme une norme particulière, applicable exclusivement au cas spécifique de l’utilisation de données secondaires de télécommunication selon la LSCPT. Le champ d’application de l’art. 273 CPP ne peut être étendu à des situations qui ne tombent pas sous le coup des articles mentionnés à son alinéa 1. De ce fait, la mise en œuvre d’une surveillance secrète par balise GPS est régie par les conditions de l’art. 269 CPP, par renvoi de l’art. 281 al. 4 CPP. Ceci suppose que l’une des infractions listées à l’art. 269 al. 2 CPP ait été commise.

ATF 145 IV 179 (d)

2018-2019

Art. 31 al. 3 Cst. ; 5 § 3 CEDH ; 212 al. 3 CPP

Proportionnalité de la durée de la détention. La durée de la détention provisoire et de la détention préventive ne devant pas dépasser la durée prévue de l’emprisonnement, les autorités pénales doivent, en respect du principe de proportionnalité, faire preuve de prudence dans le contrôle de la durée de détention avant jugement, en particulier lorsque cette durée s’approche de celle de la peine privative de liberté encourue. Cependant, ce n’est pas le rapport entre la durée de la détention déjà subie et celle encourue qui est déterminant, même si les ¾ de la peine prévisible sont déjà atteints. Ce sont les circonstances du cas d’espèce qui permettent d’évaluer le risque de détention excessive.

ATF 145 IV 42 (d)

2018-2019

Art. 196, 280 let. b, 281 al. 4 cum 272 al. 1, al. 2, 141 al. 1 CPP

Vidéosurveillance sur le lieu de travail. La mise en œuvre par la police d’une vidéosurveillance d’employés sur leur lieu de travail (aux fins d’élucider une infraction) est une mesure technique de surveillance au sens de l’art. 280 CPP et donc une mesure de contrainte nécessitant d’être ordonnée par le Ministère public sur autorisation du Tribunal des mesures de contrainte. Une telle autorisation est requise même si la direction de l’entreprise concernée est à l’origine de la demande de vidéosurveillance et a dès lors consenti à la mise en œuvre de cette dernière. Lorsque les exigences précitées ne sont pas respectées, les preuves obtenues au moyen de la mesure de vidéosurveillance sont absolument inexploitables (art. 281 al. 4, 277 al. 2 et 141 al. 1 CPP).

ATF 145 IV 80 (d)

2018-2019

Art. 96 al. 1, 267 al. 4 et 5 CPP

Divulgation et utilisation de données personnelles par les autorités pénales ; saisie par l’office des poursuites de valeurs patrimoniales dont le séquestre pénal est levé. L’art. 96 al. 1 CPP autorise la divulgation par l’autorité pénale de données personnelles relevant d’une procédure pendante pour permettre leur utilisation dans le cadre d’une autre procédure, lorsqu’il y a lieu de présumer que ces données participeront notablement à l’élucidation des faits et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose. Les données personnelles peuvent également être transmises à des autorités administratives ou civiles, si celles-ci en ont besoin et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 96 cum 101 al. 2 CPP). Par ailleurs, si l’office des poursuites saisit des valeurs patrimoniales frappées d’un séquestre pénal qui a fait l’objet d’une décision de levée, l’autorité pénale doit les transférer à l’office. Il n’est pas du ressort de l’autorité pénale d’apprécier la légalité ou la validité formelle de la mesure prise par l’office des poursuites, ni d’examiner si elle est justifiée, les éventuels griefs contre cette mesure devant être soulevés dans la procédure de poursuite. L’application de la procédure de l’art. 267 al. 4 et 5 CPP suppose que des prétentions matériellement fondées sur les valeurs patrimoniales à libérer soient avancées par différentes personnes.

Art. 46 al. 3, 50 al. 2 DPA ; 264 CPP

Perquisition ; restitution au prévenu de documents couverts par le secret professionnel. Une perquisition est opérée dans les locaux du notaire du prévenu, soupçonné de graves infractions fiscales. Le testament olographe de ce dernier, établi sans le concours du notaire, est découvert. Le TPF en ordonne la restitution au prévenu. Toutefois, la version électronique du testament du prévenu avait été saisie par l’AFC suite à une perquisition au domicile de celui-ci. Le prévenu, qui se prévaut du fait que le document est protégé par le secret professionnel, dépose plainte au TPF, qui ordonne la restitution du testament. Le TF est appelé à se pencher sur l’étendue du secret du notaire : la protection de la correspondance avec l’avocat de l’art. 46 al. 3 DPA couvre également la correspondance avec le notaire, qui comprend les échanges classiques de correspondance et les documents rédigés par l’avocat dans le cadre du mandat. La protection ne s’étend pas aux documents qui se trouvent en possession du notaire mais qui n’ont pas été élaborés en lien avec le mandat. Puisque le testament a uniquement été déposé auprès du notaire, la version électronique de celui-ci ne remplit pas les conditions de la « correspondance » au sens de l’art. 46 al. 3 DPA et n’est donc pas protégée par le secret professionnel. Partant, la saisie du testament est licite.

Art. 197 al. 1, 255 al. 1 let. a CPP

Etablissement d’un profil ADN à des fins de prévention et d’élucidation de futures infractions. L’établissement d’un profil ADN en dehors d’une procédure pénale ouverte est disproportionné s’il n’existe pas d’indices sérieux et concrets démontrant que le prévenu s’est rendu ou se rendra coupable de futures infractions d’une certaine gravité.

ATF 143 IV 313 (d)

2017-2018

Art. 198 al. 1 CPP

Compétence pour ordonner une prise de sang. Une prise de sang ordonnée par la police, sans consultation du ministère public, constitue une mesure de contrainte illicite au sens de l’art. 431 al. 1 CPP. La prise de sang visant à constater une incapacité de conduire constitue une mesure de contrainte, même si la personne qui en fait l’objet accepte de s’y soumettre. Conformément à l’art. 198 al. 1 CPP, les mesures de contrainte peuvent être ordonnées par le ministère public, le tribunal et, dans les cas prévus par la loi, par la police. La LCR ne contenant aucune disposition autorisant la police à ordonner une prise de sang, la compétence pour ce faire revient au ministère public.

ATF 143 IV 462 (f)

2017-2018

Art. 171, 264 al. 1 let. d CPP

Levée des scellés et secret professionnel de l’avocat. En présence d’un secret professionnel avéré tel que celui de l’avocat au sens de l’art. 171 CPP, l’autorité de levée des scellés écarte les pièces couvertes par ce secret. Le secret professionnel de l’avocat ne concerne que son activité professionnelle spécifique. Sont couverts les faits, documents et confidences livrés à l’avocat qui présentent un rapport avec l’exécution du mandat. Ainsi, les échanges entre l’intéressé et son avocat mandaté dans la procédure de levée des scellés sont protégés. En revanche, la transmission à un avocat d’un courrier à titre de copie ne suffit pas pour considérer qu’il serait couvert par le secret professionnel. Ce dernier protégeant avant tout la relation entre mandant et mandataire, un tiers à la procédure ne peut s’en prévaloir sans autre explication pour exclure du dossier des courriers reçus dans le cadre de ses activités ou au cours d’une procédure judiciaire, de la part d’un avocat agissant au nom de tiers. Par ailleurs, le droit d’être entendu du ministère public est violé lorsqu’il lui est communiqué uniquement une version caviardée d’un mémoire de recours adressé au TF et dirigé contre une décision du tribunal des mesures de contrainte levant des scellés.

ATF 144 IV 127 (f)

2017-2018

Art. 141 CPP ; 9 al. 1

Loi sur les profils d’ADN ; recevabilité d’un recours tendant à la destruction d’échantillons ADN ; application de l’art. 9 al. 1 Loi sur les profils d’ADN. La contestation de la validité d’un moyen de preuve ne constitue pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, sous réserve notamment des cas où la loi prévoit expressément la restitution ou la destruction immédiate des preuves illicites. L’art. 9 al. 1 let. b Loi sur les profils d’ADN est constitutif de l’une de ces exceptions légales. Par ailleurs, les conditions prévues aux différentes lettres de l’art. 9 al. 1 de la loi sur les profils d’ADN ne doivent pas être remplies cumulativement pour que la destruction d’échantillons ADN soit possible. Ainsi, lorsqu’un prévenu est en cause, l’art. 9 al. 1 let. b trouve application même si les conditions de la lettre c ne sont pas réalisées.

ATF 144 IV 23 (f)

2017-2018

Art. 140, 269 CPP

Exploitabilité des moyens de preuves obtenus à la suite d’une surveillance secrète d’un téléphone portable utilisé illégalement en détention. Il y a « tromperie » au sens de l’art. 140 al. 1 CPP notamment lorsqu’une personne représentant l’autorité a sciemment induit en erreur la personne en cause, laquelle s’est conséquemment fondée sur un état de fait erroné. La limite entre une tromperie interdite et une ruse admissible doit être appréciée en fonction des circonstances d’espèce, telles que les exigences en matière de bonne foi que l’on peut attendre des autorités. Il est ainsi inadmissible de poser un mouchard dans une cellule ou d’installer secrètement d’autres moyens d’écoute et d’enregistrement dans les salles de visite ou de rencontre entre le détenu et son défenseur. In casu, les autorités pénales n’ont pas agi pas de manière contraire à la bonne foi en informant le détenu de l’interdiction d’utiliser un téléphone portable en détention, mais en le laissant en possession dudit appareil. En effet, elles se sont ici bornées à laisser le recourant croire qu’il était lui-même parvenu à les tromper. De surcroît, le comportement ayant donné lieu à la surveillance consiste en des actes effectués sans droit par le recourant, lequel ne dispose pas d’un droit à ce que les autorités mettent immédiatement un terme à ses activités illégales. Ainsi, faute de tromperie, les moyens de preuves ne sont pas illicites au sens de l’art. 140 CPP.

ATF 144 IV 74 (d)

2017-2018

Art. 246-248, 263 CPP

Distinction entre les enregistrements et les objets (susceptibles d’être séquestrés) soumis ou non à une levée de scellés et à une perquisition. Peuvent être dispensés de scellés les objets qui ne sont manifestement pas protégés par un secret et qui ne se prêtent pas à une perquisition ou à une levée de scellés, à l’instar des stupéfiants ou de l’argent liquide. Ces objets impropres à une mise sous scellés peuvent alors être séquestrés conformément aux art. 263 ss CPP et la personne concernée peut s’opposer à la décision de séquestre au moyen d’un recours. Quant aux moyens de preuves perquisitionnés et mis sous scellés susceptibles d’être protégés par un secret et faisant l’objet d’une demande de levée de scellés (p. ex. des relevés mémorisés de télécommunications sur un téléphone portable), ils ne peuvent être formellement séquestrés par le ministère public qu’après une levée de scellés et une perquisition (art. 263 al. 1 let. a cum 246-248 CPP). Lorsque la protection du secret est affectée par des documents et objets perquisitionnés et mis en sûreté, la loi exclut expressément tout recours auprès de l’instance de recours cantonale (art. 248 al. 3 cum 380 CPP). Dans ces cas-là, il convient de demander la mise sous scellés (art. 247 al. 1 cum art. 248 al. 1 CPP) et, en cas de demande de levée de scellés, la procédure doit être menée devant le tribunal des mesures de contrainte. En principe, la décision de levée de scellés peut faire l’objet d’un recours en matière pénale au TF (art. 80 al. 2, 2e phrase et art. 93 al. 1 let. a LTF).

Art. 277, 278 CPP

Exploitabilité des preuves découvertes de manière fortuite. Lorsque des preuves sont découvertes fortuitement par le ministère public à l’occasion d’une surveillance téléphonique, l’art. 278 CPP trouve application et il doit demander l’approbation du tribunal des mesures de contrainte conformément à l’art. 278 al. 3 CPP. Si une nouvelle procédure d’approbation n’est pas engagée, les preuves sont absolument inexploitables. En effet, l’art. 277 al. 1 et 2 CPP (prévoyant l’inexploitabilité et la destruction des preuves obtenues lors d’une surveillance non autorisée) s’applique également aux preuves découvertes de manière fortuite. Une interprétation historique de l’art. 278 CPP confirme d’ailleurs l’inexploitabilité absolue des preuves recueillies en violation de l’art. 278 al. 3 CPP. Le fait que l’art. 278 al. 4 CPP ne prévoit pas de destruction immédiate des pièces contrairement à l’art. 277 al. 1 CPP est sans pertinence.

Art. 12, 82 et 248 CPP

Procédure de tri lors de la levée des scellés.

Ayant été convoqué en tant que témoin dans une affaire d’escroquerie et faux dans les titres, A voit son ordinateur séquestré. Suite à une demande de levée des scellés par le procureur, le Tribunal des mesures des contraintes décide de confier la copie des données informatiques ainsi que leur analyse à un policier membre de la Brigade de criminalité informatique. A recourt contre cette décision en demandant la désignation d’un expert indépendant.

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours. Sur la question de la désignation de l’expert, il note que l’art. 248 al. 4 CPP permet bien au TMC de faire appel à l’assistance de policiers membre de brigades spécialisées. Toutefois, ceux-ci ne doivent alors exercer que des tâches purement techniques et ne doivent pas avoir accès de manière indue aux données protégées. Dans le cas d’espèce, le TF estime que les tâches assignées au policier (la copie et le tri des pièces) dépassent ce cadre strict. Par ailleurs, sa subordination au ministère public crée un potentiel conflit d’intérêts et empêche donc sa nomination en tant qu’expert.

Art. 27 al. 1 PPMin ; 25 DPMin ; 31 al. 1 Cst. ; 212 al. 3 et 431 al. 2 CPP

Licéité de la détention avant jugement d’un mineur de moins de quinze ans ; indemnisation de la détention avant jugement.

Arrêté à la suite d’un cambriolage, X, âgé de 12 ans et sans domicile connu, est placé en détention provisoire pendant plusieurs mois. Il est finalement reconnu coupable de vol, de dommage à la propriété mais exempté de toute peine. X recourt ensuite contre l’ordonnance pénale en demandant à ce que soit constaté le caractère illégal de sa détention et que lui soit attribuée une indemnisation.

Dans son arrêt, le TF se pose la question de savoir si l’absence d’âge minimum à l’art. 27 PPMin constitue un silence qualifié ou une lacune de la loi. Le Tribunal estime le texte clair et univoque, notant son caractère exceptionnel ainsi l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Dans le cas d’espère, le TF considère par ailleurs la détention justifiée au regard des risques de fuites. Toutefois, il renvoie à l’instance inférieure pour une potentielle indemnisation, la durée de la détention ne pouvant être imputée de la peine dont X a été exempté.

Art. 66a CP ; 220 CPP

Détention pour des motifs de sûreté pour garantir l’expulsion pénale d’un condamné étranger. Un prévenu étranger est condamné à une peine privative de liberté avec sursis, assorti d’une mesure d’expulsion au sens de l’art. 66a Le Tribunal de police prononce également une ordonnance de maintien en détention pour motifs de sûreté, considérant qu’il existe un risque de fuite ou de soustraction aux autorités pénales, de sorte qu’il convenait de garantir l’exécution de la mesure prononcée. Le Tribunal fédéral doit examiner la légalité du maintien en détention pour motifs de sûreté à une personne condamnée à une peine avec sursis et à une expulsion du territoire suisse ainsi que la compétence du Tribunal de police pour ordonner le maintien en détention.

Selon la Haute cour qui se réfère au Message, l’expulsion selon l’art. 66a P-CP est une mesure pénale et, à ce titre, elle doit être exécutée à l’aide des moyens prévus pour l’exécution des sanctions pénales. Les dispositions du CPP sont donc complétées pour mentionner expressément la détention pour des motifs de sûreté comme moyen d’assurer l’exécution de l’expulsion. L’art. 231 al. 1 let. a CPP prévoit en effet que la détention pour motifs de sûreté peut être ordonnée pour garantir l’exécution de la mesure prononcée.

Le Tribunal fédéral confirme ensuite la compétence du Tribunal de police pour ordonner le maintien en détention, prononcé en application des art. 220 al. 2 et 231 al. 1 let. a CPP, qui prévoient la compétence du tribunal de première instance, à mesure que l’expulsion prononcée par le juge pénal n’est encore ni définitive, ni exécutoire. Il est précisé qu’une compétence parallèle des autorités administratives ne serait pas exclue sur la base de l’art. 76 al. 1 LEtr qui permet à l’autorité administrative d’ordonner le maintien de la détention. Partant, le recours est rejeté.

Art. 265, 292 CPP

Obligation de dépôt.

Suite à une plainte pénale pour calomnie, diffamation et injure sur une page Facebook, le Ministère public vaudois ouvre une enquête et adresse à Facebook Suisse une ordonnance de production de pièces portant sur les données du compte sous la menace de l’art. 292 CP.

Saisi d’un recours, le TF note que le Ministère public pouvait effectivement se baser sur l’art. 265 al. 3 CPP pour édicter un ordre de production. Toutefois, il considère que sa jurisprudence 138 II 346 « Google Street View » n’est pas applicable en l’espèce. En effet, Facebook Suisse n’est ni le possesseur ni le détenteur des informations visées, élément requis par l’art. 265 al. 3 ainsi que par la Convention de Budapest sur la cybercriminalité. De plus, la jurisprudence « Google Street View » concernait une cause de droit public visant à la rectification de données personnelles et non une demande pénale de production de preuves. Finalement, le TF estime qu’il n’est pas possible de retenir un pouvoir de représentation entre Facebook Suisse et Facebook Irlande et qu’il convient donc pour le Ministère public d’emprunter la voie de l’entraide judiciaire afin d’obtenir les informations désirées.

Art. 187 ch. 1 CP ; 285 ss et 298 ss CPP

Investigation secrète ; recherche secrète.

Ayant rencontré un policier se faisant passer pour une fillette sur un chat internet, A lui fixe finalement un rendez-vous. Arrêté et accusé notamment de tentative d’acte d’ordre sexuel avec des enfants, A est acquitté de ce chef d’accusation par le Tribunal cantonal zurichois. Ce dernier estime en effet que les actes du policier constituaient une investigation secrète nécessitant l’autorisation du Tribunal des mesures de contrainte, manquant en l’espèce.

Saisi d’un recours du ministère public, le TF se penche sur la différence entre investigation secrète et recherche secrète. Il note ainsi qu’avec l’entrée en vigueur du CPP, le législateur a cherché à clarifier cette distinction. Au contraire de la recherche secrète, l’investigation secrète requiert l’adoption d’une identité d’emprunt attestée par un titre, cela afin de créer une relation de confiance s’inscrivant dans une certaine durée. Dans le cas d’espèce, le TF estime que les actes du policier n’étaient pas caractéristiques d’une investigation secrète. En effet, l’utilisation d’un pseudonyme et l’échange d’un numéro de téléphone (attribué à la police zurichoise) ne constituaient pas une identité attestée par un titre. Par ailleurs, le caractère public de forum internet ainsi que la durée relativement courte (1 semaine) des communications n’étaient pas aptes à créer une relation durable de confiance. Le TF admet donc le recours et renvoie à l’autorité inférieure.

Art. 221 al. 1 let. c CPP

Détention provisoire.

Accusé d’infraction sexuelle contre une fillette de 9 ans, X est mis en détention provisoire en raison des risques de récidive jugés élevés. X recourt alors contre la décision de prolonger sa détention provisoire. Le TF se penche alors sur sa jurisprudence exigeant un pronostic très défavorable pour prolonger la détention provisoire (ATF 137 IV 84).

Le TF interprète le pronostic de récidive selon le principe de proportionnalité. Il met ainsi en balance la gravité du crime et délit et la menace à la sécurité d’autrui avec le pronostic de récidive. Le TF estime ainsi qu’exiger un pronostic très défavorable dans le cas d’une infraction extrêmement grave reviendrait à mettre en danger la société de façon excessive. Dans le cas d’espèce, le fait que l’expertise psychiatrique ait rendu un pronostic relativement favorable n’est pas suffisant. En effet, le suicide de la compagne de X en prison, la perte de son emploi ainsi que sa condamnation pour pornographie infantile constituent autant d’éléments qui, ajoutés à la gravité de l’infraction concernée, contribuent à justifier le maintien en détention de X.

Art. 285a CPP

Investigation secrète et droit de se taire.

Le ministère public ouvre une enquête contre un couple pour avoir provoqué la mort de leur fils et avoir gravement blessé leur fille alors âgée de sept mois. Il ordonne des investigations secrètes impliquant plusieurs agents infiltrés, mesures validées par le Tribunal des mesures de contrainte. Le Tribunal fédéral doit examiner si, par le fait d’avoir ordonné des mesures d’investigations pour soutirer des aveux du couple, le droit de se taire des prévenus a été violé, partant que les preuves en résultant doivent être détruites.

La Haute cour estime que le droit de se taire n’est pas violé si l’investigation secrète permet de recueillir des déclarations que le prévenu a faites de son propre chef. Les conditions de l’investigation secrète étant remplies, elle considère que c’est donc à tort que l’instance précédente a ordonné la destruction immédiate des preuves.

Art. 227, 147, 149, 221 CPP

Détention provisoire.

Soupçonné de soutien à une organisation criminelle ainsi que de violation de la Loi fédérale interdisant les groupes « Al-Quaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées, X recours contre l’autorisation par le TMC bernois d’une prolongation de 3 mois de sa détention provisoire.

Le TF rejette tout d’abord l’argument de X que le dossier transmis par le MPC n’était pas complet. En effet, il note que le dossier n’a pas à contenir tous les éléments de l’enquête mais doit avant tout présenter de manière objective et impartiale l’avancement de l’enquête. Par ailleurs, le TF rejette le grief de X se plaignant de ne pas avoir pu être confronté à un témoin donc l’anonymat avait été assuré sur la base de l’art. 149 CP. En effet, le caractère dangereux, agressif et mondialement connecté de l’Etat islamique justifie la protection du témoin. Finalement, le TF estime que l’état de fait, notamment la présence de X en Syrie en tenue de combat, ses contacts avec des extrémistes islamistes ainsi que son recrutement de combattants en destination de la Syrie, sont autant d’éléments concrets rendant probable la commission des infractions reprochées. Le TF rejette donc le recours de X.

Art. 233, 236 CPP

Exécution anticipée des peines et des mesures ; demande de libération pendant la procédure devant la juridiction d’appel.

Se trouvant en exécution anticipée de sa peine, le recourant est condamné en août 2016 à 4,5 ans de prison ferme accompagnés d’une mesure ambulatoire, condamnation contre laquelle recourt le Ministère public. En octobre et novembre 2016, le prévenu demande sa libération, demande que rejette finalement le tribunal cantonal en décembre.

Le Tribunal fédéral rappelle que si le consentement du prévenu est indispensable pour prononcer une exécution anticipée de la peine, il avait estimé dans un premier temps qu’un tel consentement n’était pas révocable. Toutefois, cette jurisprudence a ensuite évolué et a reconnu au prévenu le droit de révoquer son consentement. De plus, le TF note que le maintien en détention ne peut se justifier que si les conditions d’une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté sont remplies. Il souligne par ailleurs que la compétence pour se prononcer sur la demande de libération revient bien au Tribunal cantonal selon l’art. 233 CPP. Par ailleurs, cet article lui impartit un délai de 5 jours pour se prononcer.

Dans le cas d’espèce, ce délai n’a clairement pas été respecté, retard qui constitue une violation du principe de célérité. Le TF examine également les conditions d’un maintien en détention et estime qu’elles ne sont pas remplies. Il ordonne donc la libération du prévenu dans les 5 jours suivant la publication du jugement.

Art. 204 CPP ; 12 ch. 2 CEEJ ; 73 al. 2 EIMP

Portée du sauf-conduit au sens de l’art. 204 CPP. Un ressortissant kosovar a été remis en liberté suite à une condamnation du Tribunal des mesures de contrainte et du Val-de-Travers avec ordre de quitter le territoire suisse. Par la suite, il lui a été accordé un sauf-conduit afin de pouvoir venir à son audience de jugement. A la fin de l’audience, le Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers le condamne à une peine privative de liberté de 6 ans et ordonne son arrestation et sa mise en détention pour des motifs de sûreté. Le prévenu fait appel, concluant à ce qu’il soit constaté que son arrestation et sa détention étaient illicites, car il était au bénéfice d’un sauf-conduit le jour de son arrestation. La Cour pénale rejette l’appel. Suite à un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral admet son recours et constate l’illicéité de son arrestation. En effet, le Tribunal fédéral soutient, que contrairement aux art. 12 ch. 2 in fine CEEJ et art. 73 al. 2 EIMP, l’art. 204 CPP prévoit que l’immunité conférée par un sauf-conduit couvre aussi les faits pour lesquels le prévenu est cité à comparaître et ne prend pas fin lors d’une condamnation pour ces faits-là.

Art. 197, 255 et 260 ss CPP

Mesures de contrainte, analyse de l’ADN, données signalétiques, échantillons d’écriture ou de voix.

La police cantonale ne peut pas ordonner elle-même de procéder à un frottis buccal et d’établir un profil ADN. En effet, l’art. 255 CPP ne permet pas le prélèvement d’un échantillon ADN et, à plus forte raison, l’établissement d’un profil y relatif, dès qu’un soupçon de commission d’une infraction existe. L’examen des circonstances du cas d’espèce est nécessaire pour prendre une décision. De plus, faute d’urgence, la saisie de données signalétiques ne peut pas être ordonnée oralement selon l’art. 260 al. 3 in fine CPP. L’admissibilité et la proportionnalité des saisies de données signalétiques doivent être examinées d’office.

Art. 201 al. 1 et 2 let. f CPP, art. 69 al. 1 et 2 EIMP

Citation à comparaître du prévenu à l’étranger. L’autorité suisse peut faire parvenir une citation à comparaître au prévenu qui séjourne à l’étranger. En revanche, elle n’est pas habilitée à l’assortir de menaces de sanctions. La citation représente une invitation dans la procédure en cause. Le prévenu ne peut subir aucun préjudice de fait ou de droit du fait qu’il n’y donne pas suite.

ATF 140 I 125 (f)

2013-2014

Art. 7 et 10 al. 3 Cst., 3 CEDH, 3 al. 1, 235 al. 1 et 5 CPP

Conditions de détention avant jugement. L’art. 3 CEDH impose à l’Etat de s’assurer que les modalités de détention ne soumettent pas la personne détenue à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à une telle mesure et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, sa santé et son bien-être soient assurés de manière adéquate, ce qui ne se confond pas avec un simple inconfort. L’art. 3 CEDH est en revanche enfreint lorsque les conditions matérielles de détention atteignent un niveau d’humiliation ou d’avilissement supérieur à ce qu’emporte habituellement la privation de liberté. L’art. 234 al. 1 CPP prévoit qu’en règle générale, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté est exécutée dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu’à l’exécution de courtes peines privatives de liberté. L’art. 235 CPP, qui régit l’exécution de la détention avant jugement, pose le principe général de proportionnalité (al. 1) et précise que les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention (al. 5). La prison de Champ-Dollon à Genève connaît depuis plusieurs années un état grave et chronique de surpopulation carcérale. Cette problématique ne paraît pas pouvoir être résolue à brève échéance et il en résulte nécessairement une restriction de l’accès aux prestations médicales ‑ sauf pour les cas d’urgence ‑, sociales et récréatives ; il en va de même pour les appels téléphoniques vers l’extérieur ; enfin, les détenus restent en principe confinés dans leur cellule 23 heures sur 24. En dépit de la surpopulation carcérale, la prison a toutefois maintenu un état d’hygiène, d’aération, d’approvisionnement en eau, nourriture, chauffage et lumière convenable. L’intimité des détenus est préservée par l’existence d’une véritable séparation entre l’espace de vie et les sanitaires. En cas de surpopulation carcérale, l’occupation d’une cellule dite individuelle par trois détenus ‑ chacun disposant d’un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier ‑ est une condition de détention difficile sans qu’il puisse être retenu un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l’occupation d’une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2 ‑ restreinte encore par le mobilier ‑ peut constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle s’étend sur une longue période et si elle s’accompagne d’autres mauvaises conditions de détention. En l’espèce, l’effet cumulé de l’espace individuel inférieur à 3,83 m2, du nombre de 157 jours consécutifs passés dans ces conditions de détention difficiles et surtout du confinement en cellule 23 heures sur 24 a rendu la détention subie pendant cette période comme étant incompatible avec le niveau inévitable de souffrance inhérent à toute mesure de privation de liberté. Un tel mode de détention est de nature à procurer, sur la durée, une détresse ou une épreuve qui dépasse le minimum de gravité requis, ce qui s’apparente alors à un traitement dégradant. Ces conditions de détention ne satisfont ainsi pas aux exigences de respect de la dignité humaine et de la vie privée. Une durée qui s’approche de trois mois consécutifs apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention décrites incriminées ne peuvent plus être tolérées. Ce délai doit être interprété comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention.

Art. 220 al. 2, 229-233, 363 al. 1 CPP, 59 al. 4 CP

Détention pour motifs de sûreté et procédure judiciaire ultérieure indépendante. Lorsque le Tribunal cantonal est compétent selon l’organisation judicaire cantonale (art. 363 al. 1 CPP) pour statuer sur la prolongation d’une mesure thérapeutique institutionnelle dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure indépendante, et qu’aucune décision en ce sens n’entre en force avant l’échéance du délai de l’art. 59 al. 4 CP, le placement en détention pour des motifs de sûreté ordonnés dans l’intervalle repose sur les art. 229 à 233 CPP en relation avec l’art. 220 al. 2 CPP. En telle hypothèse, la direction de la procédure du Tribunal cantonal est aussi compétente pour statuer sur la détention pour motifs de sûreté. Sa décision est sujette à recours au Tribunal fédéral au sens de l’art. 80 al. 2 2ephrase LTF.

Art. 3 al. 2 let. c, art. 226 al. 2 et 231 al. 1 CPP, art. 29 al. 2 Cst.

Maintien en détention pour motifs de sûreté par le tribunal de première instance, exigences de motivation de sa décision. La décision de maintien en détention pour des motifs de sûreté prise par le tribunal de première instance selon l’art. 231 al. 1 CPP est soumise aux exigences de l’art. 226 al. 2 CPP, applicable par analogie. Elle doit être motivée conformément aux règles déduites du droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 3 al. 2 let. c CPP. Si la motivation écrite concernant le maintien en détention ne peut pas intervenir au moment du prononcé oral du jugement de première instance, elle doit être notifiée par une décision écrite séparée dans les plus brefs délais. En l’espèce, une motivation écrite suffisante relative au maintien en détention pour des motifs de sûreté a été notifiée au recourant seulement 9 jours après que le Tribunal de police a statué sur ce point. Il y a donc eu, durant cette période, une violation des art. 3 al. 2 let. c et 226 al. 2 CPP en relation avec l’art. 29 al. 2 Cst., ce d’autant que la cause ne présentait aucune difficulté particulière.

Art. 227 al. 7, 231 al. 2, 232 et 233 CPP

Détention pour motifs de sûreté pendant la procédure d’appel. La détention pour motifs de sûreté pendant la procédure d’appel ne fait pas l’objet d’un contrôle périodique. En effet, contrairement à l’art. 229 al. 3 CPP relatif à la détention pour motifs de sûreté durant la procédure de première instance, qui renvoie expressément à l’art. 227 CPP, la loi ne prévoit pas un tel renvoi en matière de détention pour motifs de sûreté durant la procédure d’appel. Ce résultat se justifie également par le fait que l’organisation des débats d’appel devrait être moins lourde qu’en première instance et, partant, la procédure moins longue. Enfin, dans la mesure où l’intéressé peut en tout demander sa libération auprès de la direction de la procédure de la juridiction d’appel (art. 233 CPP), il ne subit aucun inconvénient juridique.

Art. 22 al. 1, 227 al. 7 et 236 CPP

Exécution anticipée de peine. La détention provisoire, respectivement pour des motifs de sûreté, prend fin au moment où le prévenu commence à purger sa peine de manière anticipée au sens de l’art. 236 al. 1 CPP. La loi ne prévoit pas de contrôle périodique des conditions de la détention avant jugement pour un prévenu en exécution anticipée de peine. Par son accord à une telle exécution anticipée, le prévenu renonce à certains droits conférés par l’art. 5 CEDH. Il n’en demeure pas moins que le prévenu peut en tout temps solliciter sa mise en liberté selon l’art. 31 al. 4 Cst. et 5 § 4 CEDH.

Art. 61 let. c et 231 ss CPP

Détention pour motifs de sûreté durant la procédure d’appel. La compétence de statuer sur une demande de mise en liberté durant la procédure d’appel échoit au président de la juridiction d’appel de la composition appelée à juger du fond (art. 233 cum 61 let. c CPP). Cela étant, il n’est contraire ni au but ni à l’esprit de l’art. 233 CPP de considérer la direction de la procédure d’appel comme une institution pouvant s’incarner dans des magistrats différents et de distinguer, au sein d’une même juridiction, les juges qui statuent sur les questions de détention de ceux qui examinent l’affaire au fond. Cette solution atteint le but du législateur d’éviter qu’une juridiction de première instance (le Tmc) ne statue sur la détention alors qu’une juridiction supérieure est saisie. En outre, cette solution a le mérite d’éviter la confusion entre juge de la détention et juge du fond et les apparences de prévention qui peuvent en découler. Le choix opéré par la Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève de confier la compétence en matière de détention à un magistrat de cette juridiction différent de ceux amenés à trancher le fond dans la même affaire, ne prête pas le flanc à la critique. Par ailleurs, en présence d’un appel du ministère public tendant à une aggravation de la peine, le juge du contrôle de la détention doit examiner prima facie les chances de succès d’une telle démarche. Par analogie avec la notion de « forts soupçons » au sens de l’art. 221 al. 1 CPP, il y a lieu de déterminer, sur le vu de l’ensemble des circonstances pertinentes, soit en particulier compte tenu des considérants du jugement de première instance et des arguments soulevés à l’appui de l’appel, si la démarche de l’accusation est susceptible d’aboutir avec une vraisemblance suffisante à une aggravation de la sanction, sans qu’une vraisemblance confinant à la certitude ne s’impose.

ATF 139 IV 277

2013-2014

Art. 232, 388 let. b CPP

Détention pour motifs de sûreté après le prononcé de la juridiction d’appel. Le CPP confère à la direction de la procédure de la juridiction d’appel la compétence en matière de détention pour motifs de sûreté dès la saisie de cette juridiction. Lors du prononcé du jugement en appel, la juridiction doit, à l’instar du tribunal de première instance, se prononcer sur la question de la détention. En effet, si l’autorité d’appel entre en matière, son jugement se substitue à celui de première instance (art. 408 CPP) ; il y a lieu dès lors d’appliquer mutatis mutandis l’art. 231 CPP et de décider si le condamné doit être placé ou maintenu en détention pour garantir l’exécution de la peine ou en prévision d’un éventuel recours. Lorsqu’un recours a été déposé au Tribunal fédéral contre le jugement d’appel, cela n’a pas pour conséquence de transférer à la juridiction fédérale les compétences en matière de prolongation de détention ou de mise en liberté. L’intervention du Tmc a été exclue par le législateur pour la procédure d’appel, pour des motifs tenant aux différents niveaux de juridiction, il n’y a pas lieu, a fortiori, de la réintroduire à un stade plus avancé encore de la procédure pénale. La direction de la procédure de la juridiction d’appel peut donc encore statuer ultérieurement au prononcé sur appel sur cette question en se fondant sur l’art. 232 CPP. Elle peut procéder, préalablement, par voie de mesures provisionnelles au sens de l’art. 388 let. b CPP.

ATF 139 IV 314 (d)

2013-2014

Art. 12 et 13 CPP, art. 103 et 104 LTF

Libération de la détention avant jugement par la direction de la procédure de la juridiction d’appel. Contrairement à ce qui prévaut lorsque la libération de la détention avant jugement intervient par le tribunal des mesures de contrainte ou par le tribunal de première instance, le recours en matière pénale du ministère public devant le Tribunal fédéral ne permet généralement pas d’éviter que la libération soit immédiatement exécutée.

ATF 140 IV 19 (d)

2013-2014

Art. 237 et 221 al. 2 CPP

Mesure de substitution et risque de commission. L’interdiction de se rendre dans un rayon donné et de prendre contact avec certaines personnes peut pallier le risque de commission de l’art. 221 al. 1 CPP. En l’espèce, sur la base d’une expertise psychiatrique qui retient que le risque d’exécution des menaces de mort écrites au préjudice de la compagne du prévenu n’est important que si la relation conflictuelle ou la vie commune reprend, la détention ne s’impose plus car le risque peut être pallié par une interdiction de contact et de périmètre, la mise en place d’une surveillance électronique et, le cas échéant, le prononcé d’autres mesures de substitution appropriées.

ATF 140 IV 74 (d)

2013-2014

Art. 197, 237 et 5 CPP

Mesures de substitution à la détention provisoire, proportionnalité, principe de célérité. Les mesures de substitution doivent aussi respecter le principe de proportionnalité, en particulier en ce qui concerne leur durée. Lors de l’examen de la proportionnalité, il doit être tenu compte de l’ampleur de la restriction à la liberté personnelle du prévenu. La levée de mesures de substitution en raison d’un retard dans la procédure n’entre en considération que si ce manquement est particulièrement grave et laisse apparaître que les autorités de poursuite pénale n’ont pas la volonté ou ne sont pas en mesure de conduire et de clore la procédure avec la célérité voulue. Par rapport à une détention provisoire, une plus grande retenue s’impose lors de la levée de mesures de substitution pour ce motif. Moins le prévenu est affecté par les mesures de substitution, plus crasse doit être le retard dans la procédure pour que leur levée se justifie. En l’espèce et vu les circonstances propres du cas, une interdiction de contact avec l’épouse et les enfants du prévenu de six mois prolongée à huit mois était proportionnelle.

ATF 139 IV 195 (f)

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Art. 273 al. 3 CPP

Surveillance rétroactive des télécommunications, période de surveillance. La durée de la période de surveillance rétroactive de l’art. 273 al. 3 CPP est de six mois au maximum. Dans la mesure où cette limitation de la période de surveillance tient également compte de la protection de la sphère privée, comme le démontrent les travaux législatifs en cours, elle s’impose même si le fournisseur de service dispose de données sur une période plus longue. Partant, dans sa teneur actuelle, l’art. 273 al. 3 CPP fait obstacle à la prolongation de la période de transmission de données aux autorités pénales au-delà de six mois. Il incombera au législateur de fixer le délai le mieux adapté au but de poursuite plus efficace des infractions.

ATF 140 IV 40 (d)

2013-2014

Art. 107, 197 al. 1 let. l, 269 al. 2 let. f, 275 al. 1, 279 CPP, art. 13 et 29 al. 2 Cst., 81 al. 1 let. b LTF

Utilisation de découvertes fortuites et durée de la surveillance. Dans la mesure où le dossier de la procédure en cause permet de vérifier si les constatations fortuites pouvaient justifier les mesures litigieuses de surveillance ordonnées contre l’intéressé et si les conditions légales de ces mesures d’instruction étaient remplies, il n’y a pas de droit de consulter le dossier des procédures de surveillance connexes contre des tiers. Les mesures d’enquête conformes à la loi peuvent en principe durer aussi longtemps qu’elles paraissent matériellement nécessaires à la clarification de l’état de fait. Le prévenu surveillé secrètement ne dispose pas d’un droit à être immédiatement détourné de la commission d’autres infractions. En cas de délinquance persistante ou de délits continus, l’autorité d’instruction ainsi que celle habilitée à autoriser la surveillance doivent cependant aussi tenir compte de la protection des biens juridiques et du principe de l’application uniforme du droit pénal. En l’espèce, s’agissant d’une enquête pénale complexe contre plusieurs personnes pour un trafic de stupéfiants important, il n’y a pas d’indice que les autorités pénales auraient prolongé la surveillance secrète au-delà du nécessaire de façon à augmenter artificiellement les charges ou porter atteinte aux droits de la défense.

Art. 67 al. 1 LIA, 37 al. 2 let. b LOAP, 50 al. 3 DPA, 248 al. 2 CPP

Procédure de levée des scellés en droit pénal administratif, compétences, voie de droit. Après l’entrée en vigueur du CPP et de la LOAP le 1er janvier 2011, le DPA reste applicable aux cas de la juridiction fédérale dans les causes relevant du droit pénal administratif (art. 67 al. 1 LIA). Au contraire de la réglementation de la procédure de levée des scellés selon le CPP, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral statue (définitivement) d’après le DPA sur les demandes de levée de scellés de l’autorité administrative requérante. Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est néanmoins ouvert. La disposition sur les délais de l’art. 248 al. 2 CPP n’est pas directement applicable aux levées des scellés dans la procédure d’enquête du DPA (art. 50 al. 3 DPA). En effet, selon cette disposition, avant la perquisition, le détenteur des papiers est, chaque fois que cela est possible, mis en mesure d’en indiquer le contenu. S’il s’oppose à la perquisition, les papiers sont mis sous scellés et déposés en lieu sûr ; la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral statue sur l’admissibilité de la perquisition. Il n’est pas question de délai de 20 jours pour demander la levée des scellés. L’autorité administrative requérante a cependant l’obligation de tenir compte de manière adéquate du principe de célérité régissant la procédure pénale et découlant de l’art. 5 al. 1 CPP.

Art. 248 al. 1 CPP

Droit de demander la mise sous scellés. Le but de la procédure de mise sous scellés d’assurer une protection efficace du secret impose d’accorder le droit de demander la mise sous scellés selon l’art. 248 al. 1 CPP avec le droit de s’opposer au séquestre fondé sur l’art. 264 al. 3 CPP. Sont légitimées à demander la mise sous scellés, en vertu de l’art. 248 al. 1 CPP, les personnes qui ont un intérêt juridiquement protégé au maintien du secret des documents, indépendamment de leur maîtrise effective sur ceux-ci. L’autorité pénale doit accorder d’office la possibilité aux ayants droit de demander la mise sous scellés avant la perquisition. Le prévenu peut ainsi demander la mise sous scellés et la simple allégation de secrets dignes de protection suffit.

Art. 263 CPP, 70, 71 et 73 CP

Séquestre conservatoire et créance compensatrice. Un séquestre conservatoire peut être prononcé pour garantir une éventuelle créance compensatrice de l’Etat en application de l’art. 71 al. 3 CP, y compris en présence d’une partie plaignante dans la mesure où celle-ci doit pouvoir protéger ses expectatives à la possible allocation en sa faveur d’une partie de cette créance.