Procédure pénale

ATF 147 IV 36 (d)

2020-2021

Transformation d’un appel principal en appel joint. Les mêmes conclusions d’une partie ne peuvent pas faire l’objet, parallèlement, d’un appel et d’un appel joint à un appel d’une autre partie. La solution inverse ne présenterait guère d’utilité et contraindrait l’autorité à statuer deux fois sur les mêmes conclusions. Le cas échéant, l’appel doit être rejeté (art. 403 CPP par analogie). Cependant, un appel principal et un appel joint portant sur le même objet peuvent exceptionnellement coexister lorsque la recevabilité de l’appel principal est douteuse (par exemple, s’il pouvait s’avérer tardif). Dans un tel cas, l’appel joint ne sera recevable que si l’appel principal est déclaré irrecevable. Par ailleurs, l’appel principal ne peut être transformé en appel joint que s’il a été déposé dans le délai de 20 jours prévu par l’art. 400 al. 3 let. b CPP. Si l’appel principal est retiré ou frappé d’une non-entrée matière, l’appel joint devient caduc (art. 401 al. 3 CPP).

Compétence du juge unique pour ordonner une peine privative de liberté ou une mesure de plus de deux ans. Le juge de première instance ordonne une peine privative de liberté de 16 mois et révoque le traitement ambulatoire prononcé dans une procédure pénale antérieure, ce qui a pour effet de rendre la peine privative de liberté de 30 mois prononcée antérieurement exécutoire. Or, le juge unique n’est pas compétent pour prononcer une décision qui conduit à une peine privative de liberté globale de plus de deux ans. En l’espèce, elle s’élève à 46 mois au total en raison de la révocation du traitement. Le TF nie la compétence du juge unique et admet le recours.

Qualité de conseil juridique d’un avocat dans le cadre de la nomination d’un conseil d’administration ad hoc. Une compagnie pétrolière appartenant au Venezuela dépose une plainte pénale pour corruption et désigne un avocat pour la représenter. Plus tard, un nouveau conseil d’administration est nommé par l’Assemblée nationale du Venezuela présidée par Juan Guaidó, qui désigne un nouveau représentant. Le ministère public genevois refuse de reconnaître la qualité de conseil juridique du second avocat, conduisant au dépôt d’un recours au TF. Le droit de se faire assister d’un conseil juridique (art. 127 al. 1 CPP) suppose l’exercice des droits civils. Selon la LDIP, les sociétés étrangères sont régies par le droit en vertu duquel elles sont organisées. Le droit étranger détermine la jouissance et l’exercice des droits civils (art. 155 let. c LDIP) et le pouvoir de représentation des personnes agissant pour la société (art. 155 let. i LDIP). Le « droit étranger » comprend toutes les dispositions applicables à la cause selon ce droit (art. 13 LDIP), ce qui comprend le droit matériel étatique effectivement en vigueur au moment de l’application de la règle de conflit de lois. Il faut que ce droit étranger soit appliqué par une autorité jouissant d’un pouvoir inhérent à l’exercice de la souveraineté. En l’espèce, le TF considère que Juan Guaidó n’a pas réussi à imposer un ordre juridique distinct de celui du Président Nicolas Maduro, de sorte qu’il n’est pas démontré que la nomination d’un conseil d’administration ad hoc en vertu d’une législation de transition démocratique adoptée par l’Assemblée nationale avait eu pour effet d’écarter les précédents organes. La Haute Cour confirme que le refus de reconnaître la qualité de conseil juridique au second avocat ne viole pas le droit étranger désigné par la LDIP.

Recevabilité du recours contre une ordonnance de disjonction ; risque de préjudice irréparable. Deux prévenus ayant agi indépendamment et à différents moments sont soupçonnés d’infractions à l’intégrité sexuelle contre la même victime. Le ministère public disjoint la procédure, car la cause est en état d’être jugée pour l’un des prévenus seulement. Ce dernier recourt contre l’ordonnance de disjonction. Selon la jurisprudence récente (TF 1B_230/2019 du 8 août 2019), les ordonnances de disjonction fondent généralement un risque de préjudice irréparable en raison de l’importance des droits procéduraux touchés. Les circonstances qui fondent un tel risque déterminent non seulement la recevabilité du recours, mais également son bien-fondé. A mesure qu’il s’agit de faits de double pertinence, qui doivent être traités dans le cadre de l’examen au fond, le TF admet sa compétence. Il rappelle que les infractions sont poursuivies de manière conjointe lorsque le prévenu a commis plusieurs infractions ou qu’il y a plusieurs coauteurs ou participants (art. 29 al. 1 CPP) ou encore lorsque plusieurs auteurs provoquent la survenance d’un même résultat de manière indépendante (ATF 138 IV 29). Notre Haute Cour considère toutefois que tel n’est pas le cas en l’espèce, car les auteurs ont agi indépendamment et à des moments différents, de sorte que rien ne s’oppose à la disjonction de la procédure (art. 30 CPP).

Obligation d’ouvrir une procédure pénale en raison du principe in dubio pro reo. Cet arrêt intervient à la suite de la demande de la CourEDH de revoir l’arrêt du TF 1C_306/2015 du 14 octobre 2015 concernant le défaut d’ouverture d’une procédure pénale. La recourante reproche à des policiers d’avoir violé leurs devoirs en enfermant son fils sans surveillance malgré des tendances suicidaires reconnaissables. Le TF est appelé à déterminer s’il existe un soupçon initial suffisant qui, selon le principe in dubio pro reo, nécessite, en cas de doute, l’ouverture d’une enquête pénale contre ces policiers pour homicide involontaire. La Haute Cour répond par l’affirmative : la probabilité, même faible, d’une condamnation doit conduire à l’ouverture d’une procédure pénale, en particulier lorsqu’il s’agit d’infractions graves, ce qui est le cas lorsque le décès d’une personne doit être apprécié sur le plan pénal. Selon la CourEDH, les policiers étaient conscients du risque de suicide, lequel aurait pu être atténué avec un effort raisonnable. Le rapport d’autopsie conclut que, en raison du placement dans une cellule isolée et des pensées suicidaires du détenu, un psychiatre d’urgence aurait dû être appelé. Le TF retient donc la présence d’un soupçon initial suffisant qui commande l’ouverture d’une procédure pénale et admet le recours.

Classement de la procédure ; violation du principe de la présomption d’innocence. Lorsque deux personnes portent plainte l’une contre l’autre pour la même infraction (en l’espèce, des lésions corporelles simples), le ministère public doit renvoyer les deux prévenus en jugement pour que le tribunal se prononce sur la réalisation des infractions et sur les éventuels motifs justificatifs. Il ne peut pas, sans violer le principe de la présomption d’innocence, classer la procédure à l’égard de l’un des prévenus en retenant qu’il a agi en état de légitime défense. Le TF considère qu’en classant la procédure à l’égard de l’un des prévenus, l’instance inférieure a laissé penser qu’elle considérait l’autre prévenu coupable avant qu’une décision sur le fond n’ait été rendue quant à sa culpabilité. Ce faisant, elle a violé sa présomption d’innocence. Le recours est admis.

ATF 145 IV 383 (f)

2019-2020

Art. 65 CP al. 1

Changement de sanction ; autorité compétente ; ne bis in idem. Le juge compétent pour prononcer un changement de sanction au sens de l’art. 65 al. 1 CP (ici la transformation d’une peine privative de liberté en mesure thérapeutique institutionnelle) n’est pas nécessairement celui qui a prononcé la sanction initiale. En effet, les cantons demeurent libres de prévoir la compétence d’un autre tribunal (art. 363 al. 1 CPP). On ne saurait en effet voir en l’art. 65 al. 1, 2e phrase CP une exception à la règle posée par l’art. 363 al. 1 CPP, qui constitue au contraire une lex posterior et l’emporte dès lors sur l’art. 65 al. 1 CP. Du reste, l’analyse d’un autre juge est bienvenue, puisqu’elle bénéficie au prévenu qui voit ainsi sa situation soumise à un regard neuf. Par ailleurs, la transformation d’une peine privative de liberté en mesure thérapeutique institutionnelle en vertu de l’art. 65 al. 1 CP ne peut être ordonnée que si les conditions de cette dernière étaient déjà remplies au moment du jugement initial. Le juge ne peut se fonder sur des faits qui sont survenus après le jugement, sous peine de violer le principe ne bis in idem. Il ne peut tenir compte d’éléments postérieurs au jugement qu’aux fins de déterminer si les conditions d’une mesure thérapeutique institutionnelle sont remplies et l’étaient déjà au moment du jugement initial (p. ex. une expertise prouvant que les faits retenus étaient incorrects).

Art. 29 Cst. al. 2, Art. 3 CPP al. 2 let. c, Art. 101 CPP al. 1, Art. 102 CPP, Art. 108 CPP, Art. 73 CPP al. 2, Art. 292 CP, Art. 398 CO al. 2, Art. 12 LLCA let. a, Art. 12 LLCA let. b

Modalités de consultation et de rapport d’une pièce du dossier. Le ministère public autorise le défenseur du prévenu à consulter un rapport caviardé par la partie plaignante mais il lui interdit de « faire état » du contenu du rapport à son client, sous la menace de l’amende de l’art. 292 CP. Les restrictions à la consultation du dossier (art. 108 CPP) peuvent entrer en conflit avec les règles sur la profession d’avocat (notamment les devoirs de fidélité et de diligence). Le défenseur doit être au moins habilité à rapporter au prévenu les pièces pertinentes du dossier pour être en mesure de le conseiller utilement. L’interdiction pure et simple de « faire état » du rapport est une restriction disproportionnée au droit de consulter le dossier. De plus, l’obligation de garder le silence (art. 73 al. 2 CPP) ne concerne pas les communications internes entre le conseil juridique et son mandant ; elle vise à empêcher les communications externes de faits secrets à des personnes étrangères à la procédure pénale. En conclusion, l’interdiction faite au défenseur de porter le contenu du rapport à la connaissance du prévenu, sous la menace de l’amende de l’art. 292 CP, est contraire au droit fédéral.

Art. 30 CPP, Art. 147 CPP al. 4, Art. 93 LTF al. 1 let. a

Disjonction des procédures ; refus de l’octroi de l’effet suspensif ; recevabilité du recours. Dans une procédure dirigée contre plusieurs prévenus, le ministère public prononce la disjonction des causes, contre laquelle l’un des prévenus recourt en demandant l’octroi de l’effet suspensif, qui lui est refusé. En principe, le préjudice irréparable – qui conditionne la recevabilité du recours devant le TF – doit être admis quand la disjonction concerne des procédures dirigées contre plusieurs prévenus ; le prévenu qui se plaint de la disjonction ne peut plus invoquer, une fois les procédures disjointes, l’inexploitabilité des moyens de preuve en raison de la violation de ses droits procéduraux (art. 147 al. 4 CPP). En l’espèce, le recours ne porte que sur le refus de l’effet suspensif ; le recours contre l’ordonnance de disjonction du ministère public est donc toujours pendant. S’il est admis, le prévenu peut encore se prévaloir de l’art. 147 al. 4 CPP. Partant, il n’existe pas de risque de préjudice irréparable et le recours est irrecevable.

Art. 5 CPP, Art. 29 CPP al. 1, Art. 3 DPMin al. 2

Dessaisissement du juge des mineurs en faveur du ministère public ordinaire. Le recourant a commis des infractions avant et après sa majorité. Il demande la disjonction de la procédure en faveur du Tribunal des mineurs concernant les faits commis avant sa majorité. La disjonction lui est refusée. En droit pénal des mineurs, le principe de l’unité de la procédure (art. 29 CPP) ne s’applique que lorsque des mineurs ont commis des infractions en commun avec des adultes (cf. art. 11 al. 2 PPMin). Leur seul fait que les infractions aient été commises par le même prévenu ne suffit pas ; la poursuite et le jugement dans une seule procédure exige des liens ou des circonstances autres (par ex. le risque de jugement contradictoire). En l’espèce, les états de fait sont différents et il n’y a donc pas de risque de jugements contradictoires. La conduite de deux procédures parallèles n’est ainsi pas contraire au principe de l’économie de procédure. Une instruction séparée s’impose également car, tant que le recourant était mineur, le ministère public ordinaire n’était pas compétent pour le poursuivre. De plus, le prévenu peut continuer à bénéficier des garanties particulières offertes par le droit pénal des mineurs. Le TF admet ainsi le recours et annule la décision de dessaisissement du juge des mineurs.

Art. 38a LOAP

Compétence de la Cour d’appel du TF. D’après l’art. 132 al. 1 LTF, la loi s’applique aux procédures introduites devant le TF après son entrée en vigueur ; elle ne s’applique aux procédures de recours que si l’acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur. Par analogie, en matière de révision, les recours contre les décisions du TPF doivent également être soumis à la Cour d’appel si la décision à réviser a été rendue avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire à une époque où la Cour d’appel n’existait pas encore.

Art. 422 CPP

Frais de procédure. Selon l’art. 422 al. 1 CPP, les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et les débours effectivement supportés. L’art. 422 al. 2 CPP précise ce que couvre la notion de « frais », sous une formulation exemplative. L’art. 424 CPP prévoit quant à lui que la Confédération et les cantons règlent le calcul des frais de procédure et fixent les émoluments. Les « frais de police » de CHF 310.- prévus à l’art. 15 al. 2 let. a ch. 1 du décret argovien sur les frais de procédure du 24 novembre 1987 (SAR 221.150) constituent des émoluments au sens de l’art. 422 al. 1 CPP et sont donc fondés sur une base légale. La recourante se plaint d’une violation du principe d’équivalence, dans la mesure où les frais de CHF 310.-, additionnés aux frais de la procédure de l’ordonnance pénale de CHF 400.-, seraient disproportionnés par rapport à la peine prononcée, à savoir une amende de CHF 300.-. Le TF rappelle que les frais au sens de l’art. 422 al. 1 CPP visent exclusivement à couvrir les dépenses dans l’affaire pénale et que la prise en compte du montant de la sanction – et par là même de la faute – serait contraire à cet objectif, dès lors que cela aurait pour inévitable conséquence d’infliger une sanction supplémentaire à l’individu. L’argument de la recourante selon lequel les émoluments doivent être basés sur la sanction est donc infondé. Le TF laisse néanmoins ouverte la question de savoir si, cas échéant, la faute peut être prise en considération afin d’éviter des frais disproportionnés par rapport à la gravité de l’infraction.

ATF 144 II 406 (f)

2018-2019

Art. 1 al. 1, 2 LAVI

Degré de preuve exigé pour établir le statut de victime LAVI en l’absence de procédure pénale. Lorsque les infractions à l’origine d’une demande d’indemnisation LAVI n’ont pas fait l’objet d’une enquête pénale, la preuve desdites infractions et du statut de victime qui en découle (art. 1 al. 1 LAVI) doit atteindre le degré de la vraisemblance prépondérante. Étant donné la nature juridique des prestations LAVI, le TF se réfère à la solution prévue en matière d’assurances sociales, qui limite le degré de preuve requis à la vraisemblance prépondérante lorsqu’une preuve stricte ne peut être apportée ou raisonnablement exigée. La même solution doit en effet s’imposer dans le domaine de la LAVI et se justifie bien qu’elle puisse avoir pour conséquence de soumettre une victime dont les prétentions ont été examinées dans une procédure pénale à des exigences plus strictes en matière de preuve que celles auxquelles est soumis un demandeur renonçant à l’ouverture d’une telle procédure.

ATF 144 IV 362 (d)

2018-2019

Art. 11 al. 1, 319 al. 1, 320 al. 4 CPP

Classement partiel de la procédure ; principe ne bis in idem. Un classement partiel (art. 319 al. 1 CPP) n’est en principe envisageable que lorsque la décision porte sur plusieurs complexes de faits qui peuvent faire l’objet d’un traitement distinct. S’il s’agit en revanche d’une appréciation juridique différente d’un même complexe de faits, le classement partiel est exclu. Lorsqu’un classement partiel est ordonné par le Ministère public alors qu’il était exclu mais qu’il entre néanmoins en force, l’ordonnance de classement équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4 CPP) et le principe ne bis in idem fait obstacle à toute condamnation à raison des mêmes faits.

ATF 144 IV 377 (f)

2018-2019

Art. 93 al. 1 let. a LTF ; 136, 299 al. 1 CPP

Recevabilité du recours déposé par le Ministère public contre une décision d’octroi de l’assistance judiciaire ; droit de la partie plaignante de requérir l’assistance judiciaire. Lorsqu’une autorité cantonale annule une ordonnance du Ministère public et lui renvoie la cause, ce dernier subit un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF. Ils se voit en effet contraint de rendre une décision qu’il estime contraire au droit, sans possibilité de la remettre en cause devant l’autorité de recours puis devant le TF. Il en va ainsi lorsque l’autorité cantonale a statué sur le fond en retenant un motif qui lie définitivement le Ministère public. Une partie plaignante peut solliciter l’assistance judiciaire déjà au stade des investigations policières (art. 299 al. 1 CPP). Elle n’a pas à attendre l’ouverture formelle d’une instruction par le Ministère public (art. 309 CPP). Le TF ayant autrefois reconnu un droit de la partie plaignante à requérir l’assistance d’un avocat d’office (art. 136 CPP) au cours de l’instruction menée par le Ministère public (art. 299 al. 1 CPP), il ne se justifierait pas d’adopter une approche différente au stade antérieur.

ATF 144 IV 383 (f)

2018-2019

Art. 399 al. 4 let. b, 404 al. 1 CPP

Etendue du pouvoir d’examen de la juridiction d’appel. L’appelant ne peut pas restreindre son appel à la seule question de la quotité de la peine (à l’exclusion du sursis) et, inversement, à la seule question du sursis (à l’exclusion de la quotité de la peine). Dès lors, si l’appelant conteste uniquement le sursis dans son appel, l’autorité d’appel peut revoir la question de la mesure de la peine. Corrélativement, si l’appelant limite son appel à la mesure de la peine, la juridiction d’appel peut étendre son pouvoir d’examen à la question du sursis. Cette solution se justifie en raison du lien étroit entre ces deux points du jugement ; elle découle en sus de la lettre de l’art. 399 al. 4 let. b CPP qui se réfère à la quotité de la peine et, par là même, à tous les aspects de la peine.

ATF 145 IV 167 (f)

2018-2019

Art. 62c al. 1 let. a, 62d al. 1 CP ; 19 al. 2 let. b, 363 ss CPP

Règles de compétence et organisation judiciaire en cas de levée et de changement de mesures ; composition de l’instance appelée à statuer sur le recours. L’art. 379 CPP stipule que les dispositions générales du CP s’appliquent par analogie à la procédure de recours. Ainsi, la formation collégiale du tribunal appelé à statuer sur un internement (art. 64 CP) exigée par l’art. 19 al. 2 let. a CPP vaut également pour l’autorité appelée à se prononcer sur le recours déposé contre un internement ordonné dans le cadre d’une procédure ultérieure indépendante (art. 363 ss CPP).

ATF 145 IV 197 (d)

2018-2019

Art. 410 al. 1, 68 al. 2 CPP

Défaut de traduction d’une ordonnance pénale. Le droit à la traduction des actes de procédure se limite à leur contenu essentiel, soit au dispositif et à la voie de droit pour les ordonnances pénales. Face à un besoin de traduction, le prévenu doit se montrer proactif et attirer l’attention de l’autorité ou s’enquérir du contenu du prononcé pénal. A défaut, l’absence de traduction ne constitue pas ni un motif de nullité, ni une cause de révision.

ATF 145 IV 228 (f)

2018-2019

Art. 40 al. 1, 91 al. 4 CPP

Conflit de compétence entre la juridiction des mineurs et celle pour adultes. La règle de l’art. 40 al. 1 CPP selon laquelle il appartient au Procureur général, s’il a été institué, de trancher définitivement les conflits de fors entre autorités pénales du même canton vaut également en matière de conflit de compétence matérielle. Il revient donc au Procureur général vaudois de statuer sur le recours formé par le prévenu contre le refus du Ministère public vaudois de se dessaisir en faveur du tribunal des mineurs vaudois.

ATF 145 IV 94 (f)

2018-2019

Art. 429 CPP

Indemnité en cas d’acquittement pour cause d’irresponsabilité. Le prévenu qui est déclaré irresponsable et qui est acquitté pour ce motif a droit à une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP. L’argument du tribunal de deuxième instance pour refuser l’octroi d’une indemnité – à savoir le fait que l’intéressé n’a pas été acquitté mais a uniquement été jugé irresponsable – n’est pas soutenable, dès lors que le constat d’irresponsabilité s’accompagne d’un jugement d’acquittement (sous réserve des art. 19 al. 4 et 263 CP). Par ailleurs, bien que la loi ne prévoie aucun motif de réduction ou de refus de l’indemnité prévue à l’art. 429 CPP pour cause d’irresponsabilité du prévenu, il convient d’appliquer par analogie l’art. 419 CPP et ainsi d’admettre que l’indemnité de l’art. 429 CPP peut être refusée, respectivement réduite, lorsque le prévenu irresponsable supporte l’ensemble ou une partie des frais procéduraux.

Art. 29 Cst. ; 132 CPP

Refus de l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite en deuxième instance. Le recourant a bénéficié de l’assistance judiciaire en première instance. Il a été condamné à une peine inférieure au seuil de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP). Ce fait ne suffit pas pour admettre automatiquement qu’il s’agit d’un cas de peu de gravité. Les circonstances qui avaient commandé un défenseur d’office en première instance n’ont pas changé en appel. Le recourant répond en qualité de prévenu mais également comme partie plaignante : il conteste les faits, leur qualification juridique et la peine prononcée. La double qualité complique la procédure et constitue des difficultés que le recourant ne saurait surmonter seul. Les infractions qui lui sont reprochées concernent six biens juridiques différents et impliquent l’application des règles sur le concours (art. 49 CP). L’assistance d’un mandataire à la suite du refus de ses réquisitions de preuve en première instance est également nécessaire. Le fait qu’il ait eu plusieurs fois affaire à la police par le passé est sans influence. Le TF admet le recours et octroie l’assistance judiciaire gratuite.

Art. 42 al. 2, 107 al. 2 LTF

Exigences de forme du recours. Le recours en matière pénale est une voie de réforme ; le recourant ne peut donc se limiter à demander l’annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l’autorité cantonale. Il doit également, sous peine d’irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. En l’occurrence, le Ministère public a uniquement sollicité l’annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à l’autorité cantonale. Un tel recours est en principe irrecevable, sauf si les motifs à l’appui du recours permettent de comprendre les conclusions que le recourant souhaitait prendre sur le fond. Cas échéant, le recours satisfait aux exigences de forme déduites de l’art. 42 al. 1 et 2 LTF.

Art. 73 CP

Allocation des biens confisqués à l’assurance qui indemnise le lésé ; absence de cession de créance à l’Etat. Le lésé qui supporte, par ricochet, le dommage du lésé direct bénéficie de la qualité de lésé au sens de l’art. 73 CP. L’assurance, en tant que lésé par ricochet, peut donc réclamer, en sa faveur, l’allocation des biens confisqués au prévenu. Il n’est pas nécessaire que le lésé direct cède sa créance à l’Etat, dans la mesure où l’allocation d’objets ou valeurs patrimoniales n’a pas pour effet de l’enrichir mais de réduire d’autant la créance du lésé. Par conséquent, la cession de la créance ne conditionne pas l’application de l’art. 73 al. 1 let. b CP.

Art. 6 al. 1, 356 al. 4 CPP ; 29 al. 2 Cst. ; 6 § 3 let. c CEDH

Formalisme excessif à la suite du retard de l’avocat à l’audience. Il n’existe pas de durée absolue à partir de laquelle l’autorité peut refuser à la partie ou son avocat de participer à l’audience en raison de son retard. Le retard et ses conséquences doivent être examinés à l’aune des circonstances concrètes du cas d’espèce. En l’occurrence, le retard de l’avocate-stagiaire était de 17 minutes, l’audience suivante n’avait pas lieu avant 40 minutes et les conséquences étaient sévères pour le prévenu puisque le tribunal avait constaté son défaut. Le TF confirme le formalisme excessif dont a fait preuve le tribunal et admet le recours.

Art. 418, 433 CPP

Répartition des frais et de l’indemnité de la partie plaignante. Tout comme les frais de la procédure pénale, l’indemnité octroyée à la partie plaignante doit être répartie proportionnellement entre les prévenus et non de manière solidaire.

Art. 6 par. 1 et 3 let. a CEDH

Droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation ; droit à un jugement motivé. Si le requérant a eu l’occasion de présenter son grief tiré d’une violation du principe accusatoire (art. 6 par. 3 let. a CEDH) devant l’autorité de deuxième instance et que celle-ci a pu se livrer à un examen complet de sa cause, il faut admettre que les vices ayant pu entacher la procédure devant la juridiction inférieure ont été purgés et qu’il n’y a pas de violation de l’art. 6 par. 3 let. a CEDH. En revanche, le TF contrevient à l’exigence d’un procès équitable (art. 6 par. 1 CEDH) lorsqu’il ne répond pas au grief du recourant concernant la violation du principe accusatoire. Les jugements doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent. La partie à une procédure judiciaire doit pouvoir s’attendre à une réponse spécifique et explicite quant aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause, tels que le grief tiré de la violation du principe accusatoire. Le TF aurait donc soit dû admettre le recours s’il l’avait jugé fondé, soit le rejeter en motivant sa décision s’il l’avait jugé mal-fondé.

ATF 143 IV 380 (f)

2017-2018

Art. 107, 139 al. 2 CPP

Droit d’être entendu ; fait notoire. La définition d’un mot (en l’espèce, « muzz ») issue du site internet Wiktionnaire ne répond pas aux critères du fait notoire. Pour ce qui est d’internet, seules les informations bénéficiant d’une empreinte officielle peuvent être considérées comme notoires au sens de l’art. 139 al. 2 CPP, dans la mesure où elles proviennent de sources non controversées et faciles d’accès. Pour le reste, la prudence s’impose dans la qualification d’un fait notoire, dès lors qu’il en découle une exception aux principes régissant l’administration des preuves (art. 139 ss CPP). Le site internet Wiktionnaire ne revêtant aucun caractère officiel et les définitions qu’il offre pouvant librement être modifiées par tout un chacun, celles-ci ne peuvent être considérées comme des faits notoires. Partant, en ne donnant pas la possibilité au prévenu de s’exprimer sur le sens que revêtait pour lui le mot considéré, l’autorité cantonale a violé son droit d’être entendu.

ATF 143 IV 397 (d)

2017-2018

Art. 147 al. 1, 149 al. 2 let. b CPP ; 6 par. 3 CEDH

Renonciation au droit de participer à l’administration des preuves ; confrontation indirecte. Une renonciation du prévenu au droit de participer à l’administration des preuves par le ministère public peut également émaner du défenseur. Si le défenseur présent à l’audition ne s’oppose pas à l’absence de son client et ne requiert pas sa participation, il faut en déduire que ce dernier renonce à son droit de participer à l’administration des preuves. Si la renonciation est valable, il est contraire à la bonne foi d’invoquer, en procédure d’appel, le grief tiré d’une violation du droit de participer à l’administration des preuves. En outre, lorsque l’on ne peut exiger une confrontation directe de la victime et que le prévenu doit quitter la salle pendant l’audition des témoins, il n’est pas contraire à l’art. 6 par. 3 CEDH de ne pas retransmettre l’audition par vidéo, ce d’autant plus si le prévenu a suivi l’audition par enregistrement audio et si son défenseur a eu l’occasion de poser des questions.

ATF 143 IV 408 (d)

2017-2018

Art. 76 ss, 409 al. 1 CPP

Procès-verbal de l’audience de première instance ; annulation et renvoi du jugement. L’autorité de première instance contrevient aux règles sur la tenue du procès-verbal lorsqu’elle procède uniquement de manière sommaire à un enregistrement sonore des débats, et ne l’accompagne que d’un bref résumé écrit de leur déroulement. Un enregistrement avec des moyens techniques au sens de l’art. 76 al. 4 CPP n’a en effet qu’une nature complémentaire. Une audition incomplète du prévenu lors des débats de première instance ne constitue toutefois pas un vice important au sens de l’art. 409 al. 1 CPP, de telle sorte que l’annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause au tribunal de première instance par la juridiction d’appel n’entrent pas en considération. Lorsque la violation du droit d’être entendu se rapporte à l’administration des preuves, le juge d’appel peut et doit guérir le vice en vertu de l’art. 389 al. 2 let. b CPP. En l’occurrence, le vice peut être réparé par une transcription de l’enregistrement.

ATF 143 IV 457 (d)

2017-2018

Art. 147 al. 1 et 4 CPP

Exploitabilité des preuves. Le prévenu a, en principe, le droit de participer aux auditions de coprévenus (art. 147 al. 1 CPP). Il ne peut toutefois se prévaloir de ce droit que dans une même procédure. En effet, cela ne vaut pas dans des procédures dissociées, le prévenu n’ayant pas qualité de partie dans les autres procédures. Le fait qu’une procédure ait été dissociée par la suite est sans pertinence. La violation de l’art. 147 al. 1 CPP entraîne l’inexploitabilité absolue des déclarations à charge émanant de coprévenus (art. 147 al. 4 CPP). La possibilité pour l’autorité de répéter l’administration des preuves litigieuses en présence du prévenu subsiste toutefois. En revanche, lors de la répétition des actes d’instruction, l’autorité ne peut pas recourir aux résultats des auditions précédentes.

ATF 143 IV 469 (f)

2017-2018

Art. 391 al. 2 CPP ; 48 CP

Reformatio in pejus. Une autorité de recours confirme la peine prononcée en première instance mais écarte la circonstance atténuante du repentir sincère. Ce faisant, elle supprime du dispositif l’art. 48 let. d CP, lequel figurait dans le dispositif du jugement de première instance. Le principe de prohibition de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP) n’empêche pas l’autorité de recours de valablement écarter une circonstance atténuante si elle estime que celle-ci a été retenue à tort par l’autorité précédente. Ce principe interdit néanmoins toute modification du dispositif au détriment du prévenu. Pour autant, en supprimant l’art. 48 let. d CP du dispositif, l’autorité d’appel ne viole pas l’interdiction de la reformatio in pejus. En effet, l’art. 81 al. 4 let. a CPP – qui mentionne les indications que le dispositif doit comporter – ne vise que des dispositions fondant la condamnation. L’art. 48 CP réglant exclusivement un aspect de la fixation de la peine, il n’a pas à figurer dans le dispositif.

ATF 143 IV 488 (f)

2017-2018

Art. 418 al. 3, 426 CPP

Répartition des frais. Il n’est pas possible d’imputer les frais de la procédure exclusivement à un tiers en vertu de l’art. 418 al. 3 CPP, lorsqu’aucun prévenu n’est condamné au paiement desdits frais au sens de l’art. 426 CPP. L’art. 418 CPP ne règle que la question de la répartition et non de l’imputation des frais. Son application est conditionnée à la condamnation du prévenu aux frais en vertu de l’art. 426 CPP. Il vise à éviter que le prévenu réponde seul des frais lorsque la responsabilité civile d’un tiers est engagée, mais non à libérer pour autant complètement le prévenu au détriment du tiers. Ainsi, rien ne permet de déroger au sens littéral de la norme prévoyant une solidarité entre le tiers et le prévenu.

ATF 144 I 37 (d)

2017-2018

Art. 30 al. 1 Cst. ; 6 par. 1 CEDH

Droit à un tribunal établi par la loi ; composition de l’organe appelé à statuer. Les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH exigent un organe juridictionnel indépendant et impartial, tranchant des litiges sur la base du droit, à l’issue d’une procédure prévue par la loi en conformité avec les garanties de l’Etat de droit. S’agissant de la composition du tribunal, toute nomination qui ne peut être justifiée par des raisons objectives viole la garantie des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Ceci n’exclut pas un certain pouvoir d’appréciation du président dans la composition de l’organe, à compter qu’elle soit prévue par la loi et repose sur des critères objectifs et déterminés d’avance. La composition de la cour ne doit toutefois pas forcément résulter d’un plan de répartition des affaires et le recourant n’a pas à être informé à l’avance de la composition spécifique de l’organe. En tout état de cause, les art. 32 LTF et 40 al. 2 à 5 RTF relatifs à la constitution de la cour appelée à statuer au sein du TF satisfont aux art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.

ATF 144 IV 113 (d)

2017-2018

Art. 391 al. 2 CPP

Reformatio in pejus. Le remplacement d’une mesure thérapeutique ambulatoire par une mesure institutionnelle, au cours d’une procédure de recours ou à la suite d’un renvoi de la cause, n’est pas contraire au principe de l’interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP). En effet, ce principe ne vaut pas pour les mesures. Certes, une mesure peut durer beaucoup plus longtemps qu’une peine mais le législateur a clairement indiqué que la première doit avoir la priorité sur la seconde dans toute la mesure du possible. De plus, il ne se justifierait pas, à l’issue d’un recours, de priver un tribunal d’une compétence qu’il peut exercer après l’entrée en force du jugement, soit le remplacement d’une mesure ambulatoire durant l’exécution de la peine par une mesure institutionnelle.

ATF 144 IV 198 (d)

2017-2018

Art. 391 al. 2 CPP ; 34 al. 2 CP

Reformatio in pejus ; montant du jour-amende. L’autorité de dernière instance peut prononcer une sanction plus sévère en raison de faits nouveaux qui ne pouvaient être connus de l’instance précédente (art. 391 al. 2 CPP), et ce également lorsque la voie de droit est interjetée exclusivement en faveur du prévenu. La question de savoir si ces faits sont survenus avant ou après le jugement de première instance est sans pertinence. L’amélioration de la situation économique du prévenu, pertinente pour la fixation du montant du jour-amende selon l’art. 34 al. 2, 3e phrase CP peut constituer un tel fait nouveau. La juridiction d’appel ne viole donc pas la prohibition de la reformatio in pejus en augmentant le montant du jour-amende à la suite du constat d’une amélioration de la situation de l’intéressé depuis le jugement de première instance.

ATF 144 IV 212 (f)

2017-2018

Art. 442 al. 4 CPP

Compensation des créances portant sur une peine pécuniaire et des frais de procédure avec l’indemnité accordée. La compensation, par une autorité cantonale de recouvrement, d’une indemnité allouée en vertu de l’art. 429 al. 1 let. a CPP avec le montant correspondant aux frais de procédure afférant à une procédure pénale distincte ne viole pas l’art. 442 al. 4 CPP. Le CPP distingue nettement, d’une part, la procédure applicable à la poursuite et au jugement d’infractions de celle de l’exécution des jugements et, d’autre part, les autorités pénales des autorités d’exécution. En outre, si une limitation de l’autorité pénale de compenser en vertu de l’art. 442 al. 4 CPP se comprend par le fait qu’elle n’est saisie que d’une procédure pénale et ne devrait ainsi pas se prononcer sur les prétentions financières résultant d’autres procédures, il n’y a toutefois aucune raison qu’une autorité de recouvrement cantonale qui intervient après la clôture de la procédure pénale soit limitée dans sa compétence à une procédure précise.

ATF 144 IV 57 (d)

2017-2018

Art. 85 al. 2 CPP

Notification de prononcés pénaux en cas d’envoi par Courrier A Plus. En cas d’envoi d’un prononcé pénal par Courrier A Plus (offrant la possibilité de suivre, par voie électronique, le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution dans la boîte postale), seule est déterminante, pour la notification, sa prise de connaissance effective par le destinataire. Contrairement aux envois recommandés, la réception par le destinataire d’une lettre envoyée par Courrier A Plus ne fait pas l’objet d’un accusé de réception et ne satisfait donc pas aux exigences de l’art. 85 al. 2 CPP. La notification est néanmoins valable s’il peut être prouvé d’une autre manière que le destinataire en a eu connaissance et si le droit à être informé de ce dernier est garanti. En tout état de cause, le justificatif de distribution effectué par voie électronique ne constituant pas un accusé de réception signé, il ne permet pas de savoir si le destinataire a pris connaissance du courrier. Le fait que l’envoi parvienne dans la sphère d’influence du destinataire ne suffit donc pas.

ATF 144 IV 69 (d)

2017-2018

Art. 184 al. 3 CPP

Rapport d’expertise ; analyse de laboratoire. Selon l’art. 184 al. 3, 1ère phrase CPP, la direction de la procédure donne préalablement aux parties l’occasion de s’exprimer sur le choix de l’expert et les questions qui lui sont posées. L’exception de l’art. 184 al. 3, 2e phrase CPP pour les analyses de laboratoire vise des expertises standardisées, réalisées sur la base de méthodes reconnues, d’une manière contingente de la technique. Lorsque la marge d’interprétation des résultats d’une analyse est fortement restreinte, ces derniers doivent être appréhendés comme des analyses de laboratoire au sens de l’art. 184 al. 3, 2e phrase CPP. Le droit d’être entendu du prévenu est respecté s’il a ultérieurement la possibilité de s’exprimer sur l’expertise.

Art. 107, 185 CPP

Droit d’être entendu. Un expert réalise une expertise psychiatrique en se fondant sur des dossiers obtenus auprès d’un Service psychiatrique et psychologique (SPP), sans consulter la direction de la procédure. Sur la base de l’expertise, le tribunal cantonal ordonne l’internement du prévenu, sans requérir du SPP la production des dossiers et sans y donner accès au recourant. La façon d’agir de l’expert et du tribunal cantonal viole le droit d’être entendu du recourant (art. 107 al. 1 let. a CPP). Pour que le tribunal et les parties puissent examiner l’exactitude de l’expertise, ils doivent disposer des pièces sur lesquelles celle-ci est fondée. L’expert, sous réserve de l’art. 185 al. 4 CPP, ne peut recueillir lui-même des éléments de preuves ou consulter des dossiers en vue d’établir l’expertise, mais doit en faire la demande à la direction de la procédure (art. 185 al. 3 CPP). L’art. 185 al. 3 CPP est toutefois une prescription d’ordre, de sorte que le rapport d’expertise n’est pas en soi inexploitable (art. 141 al. 3 CPP). La violation du droit d’être entendu peut alors être réparée ultérieurement. Le tribunal cantonal doit ordonner la production des pièces en possession du SPP, en garantir l’accès au prévenu et, une fois le dossier complet, déterminer si le rapport est concluant dans son résultat.

Art. 426 al. 2 CPP ; 53 CP

Classement ; sort des frais judiciaires. La mise des frais de procédure à la charge d’un prévenu en cas d’acquittement ou de classement doit demeurer l’exception et, selon l’art. 426 al. 2 CPP, ne se justifie que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours. L’art. 426 al. 2 CPP ne s’applique toutefois pas en cas de classement ou de non-entrée en matière fondés sur les art. 52 à 55 CP, ces derniers reposant tous sur la prémisse selon laquelle l’auteur a commis un acte illicite. Compte tenu de l’acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, il se justifie alors de mettre les frais à la charge du prévenu.

Art. 126 et 55a CP ; 11, 32, 33 et 320 CPP

Interdiction de la double poursuite.

Accompagné de deux amies, un mari commet des voies de fait à l’encontre de sa femme en 2012 à l’occasion d’une dispute concernant leur chien. Suite à cela, les deux époux s’accusent mutuellement de violences conjugales commises entre 2010 et 2012. Suite à un accord entre les époux, la procédure pour violence conjugale est classée en application de l’art. 55a Condamnés pour les voies de fait commises en premier lieu en 2012, le mari et une de ses amies interjettent recours pour violation du principe ne bis in idem.

Le Tribunal fédéral estime qu’en l’espèce, l’accord passé sur la base de l’art. 55a comprenait les voies de fait commises lors de l’enlèvement du chien. Suite à l’écoulement du délai de 6 mois, la procédure a ainsi été classée, ce qui équivaut à un acquittement selon l’art. 320 al. 4 CPP. La condamnation du mari viole donc le principe ne bis in idem. Par ailleurs, le Tribunal fédéral estime que le principe de l’indivisibilité de la plainte consacré par les articles 32 et 33 CP s’applique également à un classement résultant de l’écoulement du délai de 6 mois de l’art. 55a CP. La condamnation de l’amie du mari est donc également contraire à l’interdiction de la double poursuite.

Art. 3, 68 et 355 CPP

Ordonnance sur opposition ; traduction ; bonne foi.

Condamnée par ordonnance pénale, la recourante fait opposition par l’intermédiaire de son avocat. Ce dernier arrête ensuite de la représenter et la recourante requiert le report de l’audience de comparution, ce qui lui est accordé à deux reprises. Finalement, elle ne se présente pas à une troisième audience ce qui conduit le Ministère public à considérer l’opposition comme étant retirée. La recourante conteste cette décision dans une lettre en anglais que le Ministère public lui renvoie en lui fixant un délai afin qu’elle procède en français, sous peine de ne pas entrer en matière sur le recours. La recourante ne respecte pas ce délai et recourt ensuite au Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral note que l’art. 68 al. 2 CPP prévoit effectivement un droit à l’accusé d’obtenir la traduction des pièces qu’il lui faut comprendre pour assurer efficacement sa défense et bénéficier d’un procès équitable. Toutefois, l’étendue de ce droit ne s’exerce pas abstraitement et doit être interprétée en fonction des besoins effectifs de l’accusé et des circonstances concrètes du cas. En l’espèce, le principe de la bonne foi ne permet pas d’établir la méconnaissance du français par la recourante. Ceci est notamment attesté par les reports d’audience qu’elle avait requis, alors qu’elle n’était plus assistée d’un avocat, ainsi que par certaines pièces qu’elle avait elle-même produites à l’appui de son ordonnance pénale. Le Tribunal fédéral rejette donc son recours.