Procédure pénale

Art. 56 let. f, 59 let. b, 60 al. 1 et 183 al. 3 CPP

Récusation de l’expert. Bien que le CPP ne désigne pas l’autorité compétente pour statuer sur une demande de récusation d’un expert, l’art. 183 al. 3 CPP indique que les motifs de l’art. 56 CPP sont applicables. Bien qu’il n’y ait aucun renvoi de l’art. 56 CPP vers l’art. 59 CPP, on appliquera l’art. 59 al. 1 let. b CPP par analogie. C’est donc à l’autorité de recours qu’il appartient de statuer sur la demande de récusation. Quant à l’apparence de prévention justifiant une récusation au sens de l’art. 56 let. f et 183 al. 3 CPP, elle peut effectivement être créée par l’appartenance de l’expert à une institution avec laquelle une partie est liée d’une manière ou d’une autre. Dans le cas d’espèce, l’expert chargé d’examiner l’état mental du prévenu occupait à 20% un poste dans l’établissement hospitalier dans lequel ont été commises les infractions contre l’intégrité sexuelle. Les liens existants donnent une apparence de prévention et sont de nature à faire naître un doute sur l’impartialité de l’expert, de sorte que sa récusation s’imposait. Conformément à l’art. 60 al. 1 CPP, les actes de l’expert déjà versés au dossier doivent être retirés dès qu’une demande dans ce sens a été déposée.

TF 1B_263/2012

2011-2012

Art. 56 CPP

Récusation du procureur général fondée sur le contenu d’une ordonnance de classement. Le fait de rendre une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement ne constitue pas systématiquement un motif de récusation au sens de l’art. 56 CPP. En revanche, est récusable le procureur général qui avait rendu une ordonnance de classement, annulée sur recours, de plus de 40 pages, en ne retenant que la version la plus favorable au prévenu, en ayant eu recours à une motivation péremptoire laissant entendre l’absence de tout doute du magistrat au sujet de l’innocence du prévenu, renforcée par des refus d’instruire ou des déclarations ultérieures, en indiquant en substance que la condamnation du prévenu n’était « tout simplement pas possible ». Question laissée ouverte de savoir s’il convient de confier l’instruction à un organe indépendant en cas d’information contre des policiers car en l’espèce, l’instruction est menée par le ministère public vaudois contre des policiers fribourgeois, ce qui suffit à préserver l’indépendance de l’autorité ordinaire d’instruction.

TF 1B_703/2011

2011-2012

Art. 56 et 329 al. 1 CPP

Récusation de la direction de la procédure du tribunal de première instance. Ne constitue pas un motif de récusation le fait pour la direction de la procédure de l’autorité de jugement d’examiner l’accusation conformément à l’art. 329 al. 1 CPP et de vérifier sommairement dans ce cadre que le prévenu se voit reprocher un comportement punissable et qu’il existe des charges suffisantes justifiant la mise en accusation.

Art. 56 et 59 CPP

Récusation du représentant du ministère public qui agit comme partie dans une procédure de recours. L’attitude du procureur qui soutient activement l’accusation et est devenu partie devient par essence partial et ne peut fonder un motif de récusation. Ne constitue singulièrement pas un motif de récusation au sens de l’art. 56 CPP le fait pour le procureur d’avoir recouru contre une ordonnance de mise en liberté du tribunal des mesures de contrainte et, dans le recours, exprimé de manière identifiable son avis sur les éléments du dossier dont il appartenait à l’autorité de recours d’apprécier la portée.

Art. 141, 313 al. 2 CPP

Expert, compétence. La Chambre de recours pénale n’est pas entrée en matière sur la demande de récusation dirigée contre l’expert. Comme sous l’ancien droit (CPP/BE), l’autorité compétente pour statuer sur la demande de récusation dirigée contre un expert est la même que celle qui est habilitée à nommer ce dernier ou à révoquer son mandat, soit en l’occurrence le Ministère public.

GE ACAS/4/11

2010-2011

Art. 6 § 1 CEDH, 30 al. 1 Cst., 341 CPP

Saine administration de la justice. L’accusé A s’oppose à la jonction de deux procédures pénales, contrairement à l’étude constituée dans la défense du coaccusé B. A reproche au Procureur général C qui sera appelé à prendre position sur la jonction, d’être en liens d’honoraires avec Me D de l’étude défendant B, ce dans le cadre d’une procédure administrative ouverte à l’encontre de C par le Conseil supérieur de la magistrature. En outre, A craint qu’en sa qualité d’ancien Conseiller d’Etat, Me D soit entendu comme témoin par son mandant C, que ce soit dans le cadre de la procédure éventuellement jointe (no 2) ou dans celui de la procédure mettant en cause A (no 1). Seule une accusation objectivement sérieuse et grave (cf. art. 92 aLOJ GE), qui s’apprécie de cas en cas et doit révéler un grave dysfonctionnement de la justice pénale genevoise, peut fonder un justiciable à requérir la récusation du Procureur général. S’agissant de la question de la jonction, le demandeur ne démontre pas que le Procureur général poursuivrait dans ce débat un intérêt autre que celui de l’administration de la justice. Pour ce qui est de l’audition de Me D comme témoin, si elle est avérée dans le cadre de la procédure no 2, rien n’indique à ce jour qu’il en ira de même le jour où la procédure no 1 aura été appointée ou que la procédure jointe, si jonction il y a, aura été appointée : le grief n’est à ce jour pas actuel et la demande de récusation est rejetée.

TF 1B_86/2011

2010-2011

Art. 56ss CPP

Récusation contre une autorité. Les articles 56ss CPP ne permettent pas de récuser une autorité judiciaire dans son ensemble.

TF 1B_35/2010

2009-2010

Art. 6 par. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst.

(BJP 2/2010, n° 735)

Cumul des fonctions de magistrat dans des procédures distinctes. Apparence de prévention objective.

Le fait qu'un magistrat ait déjà agi dans une cause peut éveiller un soupçon de partialité. Le cumul des fonctions n'est alors admissible que si le magistrat, en participant à des décisions antérieures relatives à la même affaire, n'a pas déjà pris position au sujet de certaines questions, de sorte qu'il ne semble plus pouvoir être exempt de préjugés à l’avenir. La récusation du magistrat s'impose d'autant lorsqu'il statue comme juge unique, et non comme membre d'un tribunal collégial. Le seul fait qu'un juge ait déjà rendu une décision défavorable au recourant ne suffit cependant pas pour admettre un motif de prévention. Le juge unique qui affirme, sans utiliser le conditionnel que «l'annexe s'est révélée être un faux», donne objectivement l'apparence de sa prévention et fait redouter qu’il se soit déjà forgé une opinion sur l'existence de faux dans les titres qu'il devra juger dans une autre procédure opposant les parties.

TF 1B_27/2009

2008-2009

Juge d’instruction ; art. 30 al. 1 et 29. al. 1 CF

Selon l'art. 30 al. 1 CF, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette garantie permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître des doutes sur son impartialité et tend à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'implique pas qu'une prévention effective du juge soit établie. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Toutefois, seules des circonstances objectives doivent être prises en compte. Le fait qu'une partie s'en prenne à un juge et que celui-ci réagisse n'a, en principe, pas pour effet de faire naître une apparence de prévention du magistrat en cause envers l'auteur de l'atteinte. Il pourrait toutefois en aller différemment si le magistrat atteint dans sa personnalité réagit en déposant une plainte pénale assortie de conclusions civiles en réparation du tort moral, le conflit prenant alors une tournure plus personnelle (BJP 2/2009 N° 597).

TF 1B_277/2008

2008-2009

Délai ; art. 36 al. 1 et 38 al. 1 LTF, art. 39 al. 1 PPF

Selon l'art. 36 al. 1 LTF, la partie qui sollicite la récusation d'un juge ou d'un greffier doit présenter une demande écrite dès qu'elle a connaissance du motif de récusation. Selon l'art. 38 al. 1 LTF, les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation. Lorsqu’une demande de récusation est faite après l’écoulement du délai de 5 jours, la sanction n’est pas l'irrecevabilité de la demande, mais la limitation de ses effets en ce sens que le requérant perd son droit d'exiger l'annulation d'actes de procédure antérieurs. Cela ne signifie toutefois pas que le droit de récuser peut être exercé sans aucune limite de temps. La partie doit agir sans délai dès qu'elle a en main tous les éléments propres à fonder une demande de récusation. Celui qui omet de se plaindre immédiatement de la prévention d'un magistrat et laisse le procès se dérouler sans intervenir, agit contrairement à la bonne foi et voit son droit se périmer. Une partie qui attend 4 semaines pour solliciter la récusation d’un juge agit tardivement. Les règles relatives à la récusation s’appliquent devant le TPF en application de l’art. 99 al. 1 PPF (BJP 1/2009 N° 555).

TF 1B_282/2008

2008-2009

Impartialité d’un représentant du Ministère public selon qu’il tient le rôle d’accusateur ou exerce des fonctions d’ordre juridictionnel ; art. 9, 29 al. 1 CF, art. 6 ch. 1 CEDH, art. 91 lit. a et b LOG/GE

Les exigences relatives à l’impartialité d’un représentant du Ministère public diffèrent en principe de celles qui valent pour les autorités judiciaires proprement dites. Il en va autrement lorsque le procureur sort de son rôle d’accusateur public pour assumer des fonctions d’ordre juridictionnel, par exemple rendre une ordonnance pénale qui devient exécutoire faute d’opposition ou classer une procédure au motif de l’absence d’indices suffisants de culpabilité (consid. 2.3) ; une apparence de prévention pèse sur le procureur qui, après avoir soutenu sans succès une accusation devant la juridiction de jugement, traite et classe la plainte pour dénonciation calomnieuse que l’accusé acquitté a déposée contre la personne à l’origine des poursuites engagées contre lui (consid. 2.5) (Forumpoenale 2/2009 N° 14).

TF 1B_288/2008

2008-2009

Procureur qui procède au classement d’une procédure ; art. 20 CF, art. 6 § 1 CEDH

Les exigences d’impartialité relatives au Ministère public ne sont pas les mêmes que pour les autorités judiciaires proprement dites, dans la mesure où son rôle essentiel consiste à soutenir l’accusation en tant que partie au procès pénal. En revanche, il y a lieu d’exiger de sa part un surcroît d’indépendance et d’impartialité lorsqu’il a une activité d’ordre juridictionnel, par exemple lorsqu’il statue par une ordonnance de classement ou une ordonnance pénale. Ainsi, faute d’impartialité, le Procureur qui a soutenu l’accusation contre une personne accusée de viol et finalement acquittée, ne peut pas procéder au classement de la procédure pénale pour dénonciation calomnieuse initiée par la personne accusée à tort (BJP 1/2009 N° 551).

TF 1B_71/2009

2008-2009

Juge d’instruction. Procès équitable ; art. CEDH 6 §1 CEDH, 30 al. 1 Cst., 92 LTF

Une décision relative à la récusation d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale (LTF 78 et 92 al. 1). Le droit à un juge impartial n'est pas violé lorsqu'après l'admission d'un recours, la cause est renvoyée au juge qui a pris la décision invalide; il n'est pas suspect de prévention du seul fait qu'il s'est trompé sur un point ou un autre. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constituant des violations graves de ses devoirs, peuvent justifier le soupçon de parti pris du magistrat. La fonction judiciaire, en particulier celle du juge d'instruction, oblige le magistrat à se déterminer, à bref délai, sur des éléments souvent contestés et délicats. Même si elles se révèlent viciées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent donc pas d'exiger sa récusation. Il n'en va différemment que dans les cas où un juge, manifestement convaincu de la culpabilité des prévenus, use de procédés douteux ou illégaux afin d'entraver les justiciables dans l'exercice de leurs droits. En l’espèce, la rapidité de réaction du juge d’instruction s'expliquait objectivement par la nécessité d'éviter toute altération ou disparition de preuve. Aucun des actes du magistrat (sommation et perquisition simultanées, liste des sociétés visées) n'a eu pour but ou pour effet de péjorer la situation juridique des recourants ou d'entraver ceux-ci dans l'exercice de leurs droits de défense. Réd: Si le présent arrêt omet de citer les dispositions sur lesquelles il se fonde, les divers renvois qu’il opère à de précédentes jurisprudences indiquent qu’il s’agit avant tout des art. 6 CEDH et 30 al. 1 Cst. A ce titre, l’on notera l’évolution parcourue par la jurisprudence du TF concernant l’application de ces dispositions. Dans son arrêt cité 1P.51/2000, 05.07.2000 (consid. 1a), la Haute Cour affirmait encore que les art. 6 §1 CEDH et 30 al. 1 Cst. ne s'appliquaient pas à la récusation d'un juge d'instruction ou d'un représentant du Ministère public, car ces magistrats, pour l'essentiel confinés à des tâches d'instruction ou à un rôle d'accusateur public, n'exerceraient pas de fonction de juge au sens étroit, l'art. 29 al. 1 Cst. assurant toutefois une garantie de même portée, à la différence près de ne pas imposer l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation des autorités auxquelles elle s'applique. En revanche, l’arrêt 1B_144/2009, 04.06.2009 (consid. 2.1.) applique sans autres ces garanties d’un procès équitable à la demande de récusation d’un juge d’instruction (BJP 3/2009 N° 633).